Poursuivis pour «association de malfaiteurs, détention illégale d’armes à feu ou de minutions de guerre», le caporal Madi Ouédraogo et ses 28 compères ont vu, aux termes de 12 jours de procès, la requalification en «complot militaire» de l’inculpation qui pesait sur eux. C’est justement cette requalification qui a permis au tribunal, présidé par Seydou Ouédraogo, d’infliger des peines de 15 ans, 10 ans et 6 mois de prison ferme à 20 d’entre eux tandis que 9 autres ont été acquittés.
Au vu de ce qui est ressorti des débats, l’opinion nationale a jugé très sévère le verdict du tribunal militaire ; d’où de nombreuses interrogations sur la procédure. C’est pour y apporter des réponses que le parquet militaire, chose inédite, est descendu dans l’arène.
Sur le point de la requalification, Alioun Zanré a rappelé que celle-ci relevait de l’impérium du tribunal qui peut, aux termes de la loi, compte tenu des débats, poser une ou plusieurs questions subsidiaires relatives à la qualification des infractions par rapport à l’arrêt de renvoi.
Selon le commissaire du gouvernement, cette requalification a été nécessaire eu égard à la cote i-150 portant retranscription de l’enregistrement d’une réunion préparatoire de différentes attaques projetées par la bande à Madi. Si le contenu de cet élément a été mis en cause par les avocats de la défense, Alioun Zanré, lui, ne doute point de sa véracité.
«C’est un élément de la bande qui est venu dénoncer ces réunions à la justice militaire. On lui a dit de retourner et d’apporter les enregistrements audio d’une réunion ; ce qui a été fait à l’aide d’un téléphone portable. Cela nous a permis d’enclencher la procédure». Selon le ministère public, cet enregistrement montre la violence des propos, les cibles militaires à attaquer (poudrière de Yimdi, camp Naaba Koom II, brigades de gendarmerie, hiérarchie militaire, entre autres). La casse de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la répression des populations en cas de résistance civile y sont également évoquées.
Si le contenu des enregistrements n’a pas été franchement débattu lors du procès, Alioun Zanré a expliqué que c’est suite à une exception formulée par la défense contre cette même pièce et que le tribunal avait décidé de joindre au fond le délibéré de cette exception. Du coup, «on ne pouvait plus évoquer cette pièce lors des débats». Mais cela n’empêchait pas le tribunal de rouvrir cette pièce dans la chambre de délibération à la fin de l’instruction à la barre. C’est ce qui a été fait.
S’agissant de la conduite de ce dossier au niveau de la Police judiciaire (PJ), le parquet militaire a jugé infondées les informations de mauvais traitements des accusés à la gendarmerie. Une assertion confirmée par le directeur de l’enquête, le lieutenant-colonel Sam Djiguiba Ouédraogo, commandant du groupement de la gendarmerie départementale de Ouagadougou. Il a affirmé qu’aucun accusé n’a été jeté dans une cellule et qu’ils étaient logés dans les chambres réservées aux gendarmes de passage en mission à Ouagadougou.
«Ils avaient droit à trois repas par jour, car on a fait appel à un service de restauration privé. Le montant de l’alimentation s’est élevé à 1,7 millions de francs CFA. La facture nous a été produite par le prestataire». Le lieutenant-colonel a déclaré que les auditions se sont passées dans de bonnes conditions, sans extorsion d’aveux ni contraintes de signature. «Personne n’a été forcé, menacé, sous injures, sous coup, etc., avant de signer. Il y a longtemps que ces genres de pratiques n’ont plus cours dans nos brigades de gendarmerie».
Ayant à maintes fois rappelée le caractère pédagogique de ce procès lors du jugement, le commissaire du gouvernement a affirmé que son objectif a été atteint, car «ceux qui ont été acquittés ne vont plus recommencer, les autres militaires qui ont suivi directement le procès ou à travers les médias sauront comment se comporter face à pareille situation qu’ils dénonceront».
Aboubacar Dermé
Hugues Richard Sama