Mandat d'arrêt conter Soro : Le dangereux chiffon rouge du Parlement ivoirien

| 21.01.2016
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Mandat d'arrêt conter Soro : Le dangereux chiffon rouge du Parlement ivoirien
© DR / Autre Presse
Mandat d'arrêt conter Soro : Le dangereux chiffon rouge du Parlement ivoirien
Les anneaux de l’affaire écoutes téléphoniques Soro/Bassolé continuent de s’aligner. Telle un labyrinthe de miroirs, elle multiplie ses compartiments, chaque jour un peu plus. Après donc la réaction de la Présidence ivoirienne face au mandat d’arrêt international émis par la justice burkinabè contre Guillaume Soro, c’est au tour du bureau de l’Assemblée nationale ivoirienne de donner de la voix.


Mais, à la différence du cabinet d’Alassane Dramane Ouattara, qui a préféré jouer la carte de l’apaisement et des conduits onctueux de la diplomatie, le bureau des collègues de Guillaume Soro, lui, n’y est pas allé de main morte. Reprenant la fameuse violation du principe des «us et coutumes», les députés ivoiriens lancent carrément une injonction à l’Etat burkinabè. Après s’être indigné et offusqué, le bureau, en effet, «exige le retrait pur et simple de ce mandat».

Les parlementaires sont d’accord avec le Président Alassane Dramane Ouattara que ce mandat pourrait mettre à mal (si ce n’est déjà le cas) les relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. La proposition d’envoyer «une mission d’information parlementaire auprès des autorités du Burkina Faso» est également bonne à souligner dans une certaine mesure. Ils auraient certainement pu s’en tenir là. Mais l’épouvantail (censé mettre sans doute, la pression sur les autorités burkinabè) qui a ensuite été brandi, ne laisse pas de déconcerter et de... décourager.

Mais avaient-ils besoin d’indiquer que cette situation «risque d’exacerber les tensions communautaires et développer un sentiment de rejet» ? A supposer que l’intention originelle soit bonne et qu’elle voulait en effet, éviter qu’il y ait des «tensions communautaires», il n’était assurément pas nécessaire de l’évoquer. En le faisant, les autorités parlementaires de Côte d’Ivoire risquent de faire produire l’effet contraire.

La diplomatie parlementaire, un peu bancale que tente de mettre en avant la vingtaine de parlementaires du bureau de l’Assemblée nationale, pourrait s’avérer dangereuse, quand on sait qu’en Côte d’Ivoire, à chaque accès de fièvre avec le Burkina, l’enfer devient les hôtes.

Depuis l’éclatement de l’affaire des écoutes téléphoniques, pareilles tensions n’ont jamais été évoquées au Burkina Faso. Pourquoi devrait-il en être le cas pour la Côte d’Ivoire ? En tous les cas, cette sortie des parlementaires ivoiriens, belliqueuse sur les bords, est aux antipodes de la voie calme et posée qu’a adoptée le Président ivoirien. Elle ne facilite certainement pas le traitement, au plan diplomatique de la question.

On comprend le principe de cette sortie des homologues de Guillaume Soro, qui, somme toute, est conforme à tout parlement, mais, en prenant le contrepied de la présidence, car c’est à l’évidence, cela, malgré les précautions langagières, les députés ivoiriens auraient voulu dire : si vous ne retirez pas ce mandat, ça risque de mal tourner pour la forte colonie burkinabè, qu’ils ne se seraient pas pris autrement. Les circonlocutions diplomatiques n’ont jamais éludé une réalité.

Pourtant on en est pas là, et un alignement sur la position du palais de Cocody aurait été la position de bon aloi et n’aurait souffert d’aucune interprétation possible.

L’affaire Soro est gravissime, mais pas insoluble, et elle ne saurait légitimer une exhumation de l’ivoirité dont a souffert le président Alassane dans les années 90, ni susciter des ratonnades et autres violences intercommunautaires. En le soulevant cette éventualité comme un chiffon rouge dans une Corrida, les honorables députés n’ont pas fait œuvre utile, mais plutôt, ont laissé le ressentiment prendre le dessus sur la raison.

Il faudrait donc, que dans cette affaire, chacun sache mettre de l’eau dans son vin, pour éviter que la lagune de la mésentente ne déborde sur les frontières des deux pays. Il ne faudrait pas oublier, avant tout, qu’il s’agit ici, de vies humaines arrachées au Burkina et dont il est question de rendre justice. Si les peuples burkinabè et ivoirien sont frères, cette question ne devrait créer aucune tension, si la bonne foi est le maître des débats.

La diplomatie est là et l’Exécutif ivoirien a choisi cette voie, qui n’est pas synonyme de mise sous éteignoir de la justice.

Ahmed BAMBARA

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