A l'occasion du 16e anniversaire de l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, les autorités politiques, au premier rang desquelles, le chef de l'Etat, le Premier ministre, les associations, les syndicats, tous ont manifesté l'ardent vœu que le dossier éponyme connaisse une réouverture et surtout, une fin transparente. En clair, qu'on rende justice à Norbert Zongo.
Préalable : qu'on ne s'attende pas à ce que le dossier soit jugé «sap sap», vidé, en quelques semaines, voire quelques mois. La justice, à moins d'un flagrant délit, a son rythme, surtout dans un cas qui s'apparente à une affaire d'Etat. Et encore, on ne peut qu'insister là-dessus : les affaires pendantes en justice ne sont pas la priorité de la présente transition.
Tout juste se doivent-elles les autorités d'œuvrer à ce qu'il n'y ait plus d'entrave aux procédures et aux investigations y relatives, tout en respectant le principe de la séparation des pouvoirs.
Il y a donc des raisons de croire que l'affaire Norbert pourrait redémarrer. Il faut donc y croire, car : - il y a déjà des indices que le juge Kambou Kassoum et ses collaborateurs de la CEI ont fait, un travail intéressant qu'on pourrait et qu'on devrait revisiter. Lorsque le rapport de cette CEI est tombé le 7 mai 1999, c'était une véritable bombe, car elle a déblayé le terrain aux OPJ et au juge instructeur, même si son travail n'est pas une investigation policière. En indexant«6 suspects sérieux» du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), en démontant leur alibi, la CEI avait montré la voie.
- Il faut y croire, car à l'évidence, comme l'ont quasiment démontré les avocats des ayants droit de David Ouédraogo lors du procès, en 2000, c'est la détermination de Norbert à dénoncer la mort de David à l'infirmerie de la présidence du Faso, des suites de tortures pour vol de numéraires chez François Compaoré, qui ont provoqué son assassinat. Donc, une affaire dans l'affaire, dont le lien demeure les «6 militaires du RSP», désignés par le CEI.
- Il faut y croire, parce qu'il y a eu crime et qu'il faut justice. Surtout pour un homme tel Norbert Zongo qui a lutté pour l'avènement d'une plus grande liberté d'expression, pour un assainissement des mœurs politiques et on l'oublie trop souvent, la réhabilitation du métier de journaliste – c'est un justiciable burkinabè, sa famille a droit à la vérité et à la justice comme tout Burkinabè.
- Il faut y croire, parce que le contexte le permet : sous tous les cieux, tout dossier touchant la famille présidentielle, ou celle du roi, avance au mieux, avec la lenteur d'un escargot, au pire, est tout simplement rangé dans les oubliettes. Au Burkina Faso, l'affaire Norbert Zongo touchait le cœur du pouvoir pour ne pas dire, qu'il touchait le président du Faso, avec le nom de François Compaoré cité. Il va sans dire que connaissant l'environnement d'avant, Norbert Zongo ne pouvait que mourir une seconde fois avec l'ordonnance de non-lieu du 18 juillet 2006. La chape de plomb sautée, rien n'empêche alors que l'affaire ressurgisse d'autant plus qu'en vérité, ce dossier est resté au travers de la gorge des Burkinabè.
- Enfin, il faut y croire car les autorités l'ont promis ressassé, et il n'y a pas de raison que les pressantes demandes des avocats, de la famille, de l'Association des journalistes du Burkina (AJB) ne connaissent pas une suite favorable. Au risque de se dédire, donc de se discréditer, ni le président du Faso, ni le Premier ministre ne peuvent que favoriser la réouverture d'un tel dossier, sans empiéter son déroulement, car seule la justice, et elle seule est habilitée àconnaître de ladite affaire.
Au demeurant, en annonçant le 11-Décembre dernier à Dédougou, à l'occasion de la commémoration du 54e anniversaire de la fête de l'indépendance, qu'il se tiendra des états généraux de la justice, on ne peut que se féliciter d'une telle initiative, qui au-delà du fait qu'elle épouse l'ambiance du moment, permettra aux justiciables de se réconcilier avec la justice, cette clef de voûte de toute démocratie.
En effet, comme se le posent déjà de nombreux Burkinabè : des états généraux de la justice, pour quoi faire ?
Une question qui frise la provocation pour d'autres, car les problèmes de la justice selon eux, sont tellement évidents qu'on peut les résoudre, tout en faisant l'économie d'états généraux.
Quoiqu'il en soit, après la magistrale leçon de chose politique administrée par les Burkinabè au monde entier, et au lourd prix payé par plusieurs d'entre eux, le pays des hommes intègres ne peut que continuer sur son chemin, celui des peuples épris de liberté, de quête de la justice, de démocratie. Bref, un peuple qui veut écrire sa propre histoire et non la laisser écrire par d'autres, fussent-ils des dirigeants éclairés.