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Justice : Après le Pacte, il faut des actes

| 31.03.2015
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Justice : Après le Pacte, il faut des actes
© DR / Autre Presse
Justice : Après le Pacte, il faut des actes
S'il y a un ministère qui a été sous les feux de la rampe au cours de ces derniers temps, c'est bien celui en charge de la Justice. Accusée d'être à la solde du régime de Blaise Compaoré, la justice burkinabè a souffert ces dernières années des critiques les plus acerbes de la part des citoyens, au point que nombre d'entre eux en sont venus à jurer de ne plus porter une affaire devant une quelconque juridiction au Faso, préférant se rendre justice.

Un ressentiment qui a coûté cher à l'appareil judiciaire, puisque le palais de justice de Bobo-Dioulasso a vu ses locaux partis en flammes lors des évènements des 30 et 31 octobre 2014. Les nombreux dossiers de crimes de sang et de crimes économiques sous lesquels ploie le département de la Justice sont manifestement les raisons de cette crise de confiance entre les Burkinabè et leur Justice. Depuis lors, les foyers de tension se sont multipliés allant jusqu'à réveiller les vieilles querelles entre magistrats et avocats. Le dernier goulot d'étranglement est la récente crise entre les juristes en fin de Cycle et l'Ordre des avocats du Burkina Faso, accusé par les jeunes de vouloir leur fermer les portes d'accès à la profession d'Avocat. Les autorités de la Transition, de plus en plus sous la pression de Burkinabè assoiffés de justice, ont fini par décider de la tenue des états généraux du 3e pouvoir qui se sont déroulés du 24 au 28 mars 2015. Les cinq jours de réflexion des 2000 personnes issues des différentes couches socioprofessionnelles du Burkina Faso ont abouti à la signature du «Pacte pour le renouveau de la Justice». C'est un document qui servira de base à une refondation de la justice burkinabè. Mais il est évident que la feuille de route, sensée orienter les actions à entreprendre en vue de la dépolitisation et de l'indépendance de la justice, ne saurait être, pour autant, une panacée. Car, la signature d'un document, fut-il un pacte qui à force de loi, ne suffit pas pour réhabiliter une justice qui, depuis plus d'un quart de siècle, ne jouit plus d'une bonne image, tant elle est minée par la corruption, l'impunité, les interférences politiques et mille autres maux. D'aucuns avaient d'ailleurs trouvé inutile l'organisation des états généraux de la justice, estimant que «les maux de la Justice sont connus et largement dénoncés depuis longtemps».

Et ils n'ont pas tout à fait tort, puisque les dossiers de crimes de sang et de crimes économiques, aussi scandaleux les uns que les autres, attendent depuis belle lurette d'être jugés. Ils sont connus et listés. A quoi bon alors organiser des états généraux de la Justice ? Le plus important n'est pas d'avoir un pacte, car faut-il encore que le mécanisme de mise en œuvre des engagements consignés dans le pacte fasse l'objet d'un suivi rigoureux, par l'Autorité de mise en œuvre du Pacte (AMP), en se faisant le devoir d'interpeller les signataires. Les exemples de fora avec de pertinentes recommandations restées lettre morte pullulent et c'est certainement ce qui a amené les plus sceptiques à s'interroger sur l'opportunité de telles rencontres. Autrefois, les Burkinabè n'étaient vraiment pas égaux devant les tribunaux puisque les verdicts se rendaient le plus souvent, selon les influences financière et/ou politique du citoyen plutôt que tel que le recommande le droit. « La société burkinabè était assujettie depuis des décennies aux mécanismes imposés par ses dirigeants pour accéder à la prospérité, aux privilèges et même à la sécurité. Il fallait avoir du rang social, un certain niveau d'instruction et surtout une sphère de relations dans les cercles des puissances économiques et politiques à l'intérieur et à l'extérieur du pays », reconnaît la Garde des Sceaux, Joséphine Ouédraogo. Dommage pour un dernier rempart ! Seuls des actes concrets peuvent amener le citoyen lamda à se laisser convaincre du changement. Et c'est là, tout le défi qui reste à relever après les états généraux de la justice burkinabè. Le président Michel Kafando et son gouvernement doivent veiller non seulement à la mise en œuvre immédiate du pacte pour le renouveau de la justice, mais aussi et surtout peser de tous leurs poids pour que les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo, toujours pendants, connaissent enfin un aboutissement. C'est à ce prix que la justice burkinabè fera véritablement sa mue.

Beyon Romain NEBIE
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