En effet, la justice n'aura de sens véritable que lorsqu'elle sera équitable pour tous les Burkinabè. C'est pourquoi, la focaliser sur le seul dossier Sankara en cette période de transition pourrait créer de l'injustice. Il est évident que le dossier Thomas Sankara est assez politisé. Raison de plus pour les autorités de la transition de prendre toutes les dispositions et d'être assez regardantes pour ne pas faire une justice à moitié. Ce n'est pas parce que Thomas Sankara a été chef de l'Etat qu'il faut lui rendre justice et oublier les autres. La commission nationale de réconciliation dont la liste des membres vient d'être publiée doit savoir travailler en mettant en place un dispositif qui permette de recenser tous ceux qui, ici au Burkina, sont morts dans des circonstances non encore élucidées. Que ce soit sous Etat d'exception ou sous Etat de droit.
Tous ces gens-là le méritent. Ce sont des martyrs, exactement comme tous ceux qui sont tombés les 30 et 31 octobre 2014 au cours de l'insurrection populaire. Le devoir est grand pour le peuple burkinabé de rendre un hommage à tous ces gens. Il est vrai que Thomas Sankara a été chef d'Etat. De 1987, année de sa mort à aujourd'hui, son image est encore forte dans les mémoires. De ceux qui l'ont connu, mais aussi de ceux qui n'ont pas eu la chance de le connaître. Son caractère trempé et les objectifs de son combat sont toujours d'actualité. Sa modestie, son amour pour son peuple, son austérité et ses convictions politiques sont si instructifs qu'ils constituent des repères pour une justice sociale. Thomas Sankara n'est donc pas n'importe qui.
Mais, Sankara ne sera pas content si la justice de son pays devait s'occuper uniquement de son dossier et oublier les autres Burkinabé qui, comme lui, sont morts pour la cause de leur pays. Ils sont morts parce qu'ils défendaient des idéaux. Il faut donc éviter au maximum de faire ce que Sankara lui-même combattait. Même morts, les Burkinabé ont les mêmes droits. Même en période de transition, la justice a besoin de sérénité et de temps pour travailler et faire correctement son travail. Pour une fois donc, ayons confiance en elle.
Dabaoué Audrianne KANI