Exhumation des restes de Thomas Sankara : De la vérité sépulcrale à la vérité tout court ?

| 25.05.2015
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Exhumation des restes de Thomas Sankara : De la vérité sépulcrale à la vérité tout court ?
© DR / Autre Presse
Exhumation des restes de Thomas Sankara : De la vérité sépulcrale à la vérité tout court ?
25 mai 2015 - Le juge instructeur militaire dans l'affaire Thomas Sankara va faire un grand pas dans ses investigations. Il sera en effet, procédé à l'exhumation des restes mortels de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons de suppliciés du «Pavillon Haute-Volta» du Conseil de l'Entente, l'ex-QG du pouvoir révolutionnaire.


Deux médecins légistes burkinabè et un expert français seront à la manoeuvre de cette sortie de terre de Thomas Sankara. Cette opération médico-judiciaire a pour principaux objectifs de :

  • faire des tests ADN pour connaître qui est enterré dans cette tombe ;
  • examiner les balles de fusil pour en déterminer la provenance.

Depuis 27 longues années, que n'a-t-on pas entendu sur la disparition de Thomas Sankara ? Les langues ne se sont jamais déliées car, une chape de plomb empêchait toute attitude allant dans le sens. Rien donc de juridiquement tangible qui permette de savoir les circonstances du décès de l'instigateur de la Révolution burkinabè. Qui a tiré sur Tom Sank ce 15 octobre, aux alentours de 16h35 ? Qui en a donné l'ordre ? Qui a instruit d'enlever les corps et de les ensevelir au cimetière de Dagnoën, étant donné que militaire, Sankara ne pouvait qu'être inhumé au carré des militaires à Gounghin ?

Certes, des bribes d'infos et des noms de l'équipée sanglante de 87 ont été lâchés dans les médias, lesquelles personnes étaient peu ou prou proches de ces événements douloureux qui font partie des pages noires de l'histoire burkinabè.

Les thèses les plus farfelues aux plus sérieuses ont circulé, des aveux tels ceux tragiquement répétitifs du seul miraculé du 15 octobre, Alouna Traoré ou encore des témoignages badins du Libérien Prince Johnson au plus sérieux du général Gilbert Diendéré, ont aussi été entendus. Ainsi, «Golf» (surnom de Diendéré) le taiseux, a daigné lâcher quelques mots à l'écrivain Ludo Martens (in : Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè) où il affirmait en substance, que des militaires partis au Conseil de l'Entente pour arrêter Sankara, ont été confrontés à une situation qui a dégénéré pour aboutir à cette boucherie. Blaise Compaoré lui-même, dans l'une de ses rares confidences à notre confrère Jeune Afrique a affirmé : «C'était lui ou moi !». Mais véritablement, il n'y a pas d'auditions sur P.V. et de preuves sur la mort de Sankara qui n'est pas décédé de sa maladie.

Encore que des noms, tels Nabié N'Sonnie, (mort des suites d'un accident qui l'a rendu impotent), Otis Ouédraogo (décédé en 1996, accidentellement), Wampasba Nakoulma, Hyacinthe Kafando ont été avancés comme ceux-là même qui ont canardé Sankara. CQFD concrètement. Avec les tests ADN qui seront effectués après déterrement, les Burkinabè, à commencer par la famille, notamment sa femme, Mariam, en séjour à Ouaga, depuis mi-mai, sauront au moins s'il s'agit bien du corps du fringant capitaine qui y repose. Le père de Sankara, le vieux «Jo» a quitté ce monde sans jamais avoir mis les pieds au cimetière de Dagnoën, estimant qu'il ne sait pas s'il s'agit bien du sien.

Les balles qui seront retrouvées dans cette sépulture orienteront probablement aussi les investigations de par leur nature, leur provenance, et leurs utilisateurs habituels. Ça peut toujours servir pour les besoins de l'enquête !

Attention cependant, si l'exhumation est une étape voire un élément important dans le processus de l'instruction, tout ne se réduit pas à elle, loin de là. Mariam Sankara et des sœurs de Thomas l'ont suffisamment relevé : il ne faut pas que cette opération parasite l'évolution judiciaire. Seules la vérité et la justice importent d'abord.

Autrement dit, ce déterrement n'est pas le fil d'Ariane dans ce «dossier politiquement lourd» pour reprendre les mots de la garde des sceaux, Joséphine Ouédraogo, même si l'embryon de vérité outre-tombe pourrait faire surgir la vérité tout court.

Cette exhumation est la preuve également que les autorités de la transition ont joint l'acte à la parole. Du président Michel Kafando qui, le jour de son investiture le 21 novembre 2014, a promis la réouverture du dossier au Premier ministre Isaac Zida, toutes les 2 têtes de l'exécutif, ont embouché la même trompette au sujet de cette affaire. La vérité historique leur revaudra cette décision. Après moults tergiversations sous le régime déchu, compréhensibles car la mort de Tom Sank est le fondement du pouvoir de Blaise, on saura donc peut-être, on l'espère, les identités de ceux qui ont été tués ce 15 octobre 1987 et enterrés à la sauvette à Dagnoën.

Le recours à la génétique fera-t-il jaillir la vérité sépulcrale, et éclairer d'un jour nouveau, les circonstances de la mort et de l'enterrement de l'homme qui rebaptisa la Haute-Volta, Burkina Faso ? Il y a belle lurette que le Monument des Héros de Ouaga 2000 attend ses ... héros. Le 30 mai prochain, les Martyrs de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre y seront célébrés. Le tour de Tom Sank pourrait suivre, il le mérite.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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