La récente rentrée des Avocats a été l'occasion pour les défenseurs de la veuve et de l'orphelin de plaider pour une Justice ouverte à tous. Le Bâtonnier n'a pas eu peur des mots pour pointer les maux qui détruisent le socle d'une Justice indépendante dans notre pays. La question de formation et de lutte farouche contre la corruption y a été abondamment abordée.
Tout comme les Avocats, d'autres acteurs de la Justice s'étaient fait remarquer, mais cette fois d'une autre façon. Rien que la semaine dernière, les greffiers et greffiers en chef manifestaient leur mécontentement par une longue grève. Avant eux, certains magistrats avaient aussi débrayé pour protester contre l'insécurité dont ils seraient victimes. Tous ces mouvements d'humeur montrent à souhait la complexité du problème de la Justice.
C'est d'autant plus vrai que le citoyen lambda est encore plus remonté contre sa Justice, qu'il accuse (à tort ou à raison) d'être un outil de répression au service des puissants du jour. Il faut cependant avouer que cette conviction a été renforcée par certains propos ou actions de dignitaires du précédent régime. L'un d'entre eux, pourtant lui-même magistrat, n'avait-il pas avoué qu'il y avait des juges acquis? Cela a laissé supposer que ce type de magistrat disait le droit en fonction d'intérêt partisan.
L'appareil judiciaire a donc longuement souffert de tels propos qui ont davantage ruiné sa crédibilité. Il est donc important que la grand-messe qui se tient jusqu'à samedi prochain ne soit pas une rencontre de plus. La transition étant propice aux changements osés, c'est le moment ou jamais de revêtir la Justice burkinabè d'attributs républicains. C'est du domaine du possible dans ce Burkina post-Blaise en pleine refondation. L'heure de la Justice indépendante, du moins une Justice non inféodée au pouvoir politique, a sonné.
Le simple fait d'instruire l'affaire dite des canettes aux dates de péremption falsifiées sonne comme une révolution et apporte un contenu au slogan «plus rien ne sera comme avant».
Il en est de même de l'avancée dans le dossier de Ousmane Guiro, du nom de l'ancien Directeur général des Douanes sur qui pèsent de lourdes présomptions de corruption, de blanchiment de capitaux, d'enrichissement illicite et de détention illégale d'armes à feu et de munitions. Avec le rejet par la Cour de cassation du pourvoi demandé par Guiro contre l'ordonnance de renvoi de la chambre d'accusation, le procès n'est plus loin.
Le Faso est en train d'écrire une autre page de son histoire judiciaire. Certes, les textes, à eux seuls, ne suffisent pas pour créer les conditions d'une justice équitable, mais assurément, ils donnent aux citoyens de bons moyens de contrôle de l'exercice de ce pouvoir judiciaire. Ce n'est pas un appel à une justice sous pression -qui a elle aussi son revers-, mais plutôt à un retour à la confiance des citoyens à l'appareil judiciaire.
Adam Igor