Les autorités de transition burkinabè n'ont pas ces contraintes là car non seulement les mandants de leur pouvoir , c'est la rue ,elles l'ont acquises directement de l'insurrection des 30 et 31 octobre ,mais elles n'ont pas de calcul politique du moins officiellement puisque la mission à elles consignée s'achève fin 2015. Pas donc de petites combines politiciennes qui tiennent.
D'ou ce populisme version Sankara light (nous y reviendrons)sur lesquelles elles surfent le premier ministre Zida en tete . Et s'il y a bien des dossiers sensibles sur lesquels le peuple attend ,c'est bien ceux de Thomas Sankara et de Norbert Zongo.
A maintes occasions que ce soit le président du Faso ou le premier ministre tous ont promis que ce dossier Norbert Zongo ne restera pas en l'etat c 'est à dire « passé en perte et profit » pour reprendre les propos du chef de l'Etat . Les associations et les syndicats tous ont souhaité la reprise de ce dossier enterrée à la va vite par une justice burkinabé décriée à l'époque d'ailleurs par les justiciables pour sa collusion trop prononcée d'avec le pouvoir. Quand aux avocats et à la famille Zongo cela a toujours été leur exigence.
La commémoration de ce 16 éme anniversaire de l'assassinat de « HS » (nom de plume de Norbert Zongo) est finalement la bonne.
Promesse ténue donc car pour les Burkinabè ,l'essentiel était d'abord de reprendre ce dossier à zéro afin de rendre justice à celui qui vécu avec des idéaux indépassables chevillés au corps tels la vérité,la justice...
C'est d'abord la garde des sceaux Joséphine Ouédraogo qui a donné le ton dans une interview parue dans les colonnes de notre confrère l'Observateur paalga. Elle y a réaffirmé l'imminence de la réouverture du dossier concrétisée le mardi 22 décembre dernier en Conseil des ministres.
Ça y est donc : le « dossier assassinat contre X » connaît un nouveau départ ,une résurrection après l'enterrement de première classe du 18 juillet 2006.
A présent il convient à notre avis de savoir ce qu'on attend de ce dossier et surtout ce qu'il ne faut pas en attendre :
-Ce qu'il ne faut pas attendre de ce dossier sous peine d'etre déçu est de croire qu'un tel recommencement équivaut à des arrestations séance tenante de personnes pour les mener à la MACO. A moins d'appliquer une justice expéditive. Il ne faudrait pas non plus penser que ce dossier connaître un aboutissement d'ici la fin de la transition car c'est un grand dossier complexe et politisé n'ayons pas peur des mots . Malgré les apparences le procureur aura à démêler des dédales à instruire à charge et à décharge, bref à se laisser conduire par le dossier.
Des noms sont également cités ,mais la justice fonctionne sur des preuves et ce n'est pas parce que des noms ont été jetés en patûre qu'il faut immédiatement en conclure que ce sont des coupables parfaits.
Enfin il faudrait ne pas trop faire pression sur la justice sous peine de politiser ou de dévoyer les enquêtes et auditions.
--Par contre il faut attendre de ce nouveau départ que sereinement la justice suive son cours.Que l'on exploite abondamment le travail du juge Kassoum Kambou et de ses collaborateurs de la CEI. En effet le rapport de la CEI avait indiqué des indices exploités sans doute de façon tronquée à l'époque. Il faudra s'attendre donc à ce que son travail soit fouillé de fond en comble car
des pépites de preuves semblent s'y trouver. Rien que la piste des « 6 suspects sérieux » du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) mérite un long arrêt sur ce travail de la CEI. En déconstruisant leur argument à l'époque qui consistait à dire qu'ils étaient en « quartier consigné » alors que leur agenda jurait le contraire, les suspects sérieux méritent plus d'attention. Il est vrai que presque tous ces suspects sérieux ne sont plus de ce monde .Mais les langues sont prêtes aujourd'hui à se délier.
Surtout si l 'on s'attarde sur les minutes du procès David Ouédraogo ou ce sont quasiment les memes « bidasses » du RSP qui étaient dans le box des accusés, aucun juge ne peut avancer dans cette affaire sans y faire un détour.
-Enfin il faudra s'attendre à ce que tôt ou tard François Compaoré vienne honorer ce rendez-vous . C'est d'ailleurs pour avoir manœuvrer à s'y soustraire que les burkinabè lui en veulent tant. Pour beaucoup s'il évite depuis le prétoire, c'est qu'il redoute quelque chose. A l'époque avec les conseils de Me Pierre Olivier Sur ,aujourd'hui bâtonnier du Barreau de Paris, et des avocats burkinabè associés,si François Compaoré avait accepté ce procès il est certain que la perception des gens sur sa personne aurait été autrement. La justice est basée sur des preuves . Rien que des preuves. Par exemple : des documents sur Norbert Zongo ont été découverts à son domicile il faudrait d'abord les authentifier et qu'à l'occasion il s'explique.
C'est une affaire qui passionne et qui pourtant date de 16 ans mais qui est si prégnante et il est temps qu'enfin on connaissse la vérité d'abord(qui sont les tueurs ? Qui a ordonné de tuer Norbert Zongo ? Pourquoi exactement ?). Puis enfin que la loi s'applique .
Si les paroles s'envolent souvent vers le firmament azur, les actes eux restent. C'est un acte fort que vient de poser le pouvoir de la transition es saisissant le parquet pour reprendre ce dossier . Que le verdict tombe fin 2015 ou après peu importe pourvu qu'on sache la vérité et qu'on rende justice à celui qui passa à la postérité comme le pionnier du journalisme d'investigation au Burkina Faso. Cette réouverture a des allures d'une résurrection, et c'est tant mieux. HS le héros martyr le mérite.