Dissolution des conseils municipaux : « Le recours en annulation bloqué dans les méandres de la justice », selon Thomas Baguemzanré

| 29.04.2015
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Dissolution des conseils municipaux : « Le recours en annulation bloqué dans les méandres de la justice », selon Thomas Baguemzanré
© DR / Autre Presse
Dissolution des conseils municipaux : « Le recours en annulation bloqué dans les méandres de la justice », selon Thomas Baguemzanré
Notre Temps: Où en est-on avec le recours en annulation introduit par vos soins contre la dissolution des conseils municipaux?


Thomas Baguemzanré: Nous avons déposé la plainte le 16 janvier 2015. Nous avons réussi à rencontrer le premier président du Conseil d'Etat. Il nous a montré sa disponibilité à faire avancer les choses. Mais jusqu'à ce jour, rien n'a véritablement bougé. Nous avions pourtant espoir qu'avec les états généraux de la justice, les choses iraient autrement. Mais nous sommes désolés de constater que les choses sont à la case départ.

Combien de maires sont signataires de ce recoursen annulation?

Au départ, quand nous déposions le recours, nous étions 683 maires. Mais actuellement, il y en a beaucoup plus; puisque ceux qui n'avaient pas eu l'information se sont entre-temps inscrits parce qu'ils ont estimé que notre démarche était juste et républicaine.

Gardez-vous toujours espoir bien que les choses n'avancent pas véritablement?

C'est le problème fondamental en matière de justice. C'est pour moi d'ailleurs l'occasion de recommander à tous ceux qui veulent acter candidature pour les prochaines élections de tout faire pour résoudre définitivement le problème de la justice. La deuxième chose que je leur recommande, c'est de jeter leur dévolu sur la décentralisation. La décentralisation étant transversale, elle brasse tout l'ensemble des activités, qu'elles soient politiques, économiques, etc. Qu'à cela ne tienne, je garde espoir qu'il ne s'agit pas là d'un déni de justice, même si tout porte à croire que c'est le cas. Surtout que je viens de recevoir une copie de la lettre de mon conseil, adressée au premier président du Conseil d'Etat et à travers laquelle il se plaignait du fait que le référé que nous avons introduit devrait, selon la loi, faire l'objet d'une procédure rapide. Le premier président du Conseil d'Etat a même confirmé cela lorsqu'il nous a reçus. Mais cela fait 10 à 15 audiences qui sont déjà passées et notre dossier n'est même pas encore programmé. Il est perdu dans les méandres de la justice. Cela remet en cause les questions de transparence et d'indépendance en matière de justice. De toute façon, la chose que nous demandons, c'est que le droit soit dit. Qu'on nous dise si nous avons raison ou pas. C'est tout! On ne peut pas prendre un tel dossier, le déposer alors que la loi nous dit qu'il devrait être appelé à l'audience la plus rapprochée.

Avez-vous finalement le sentiment que le dossier embarrasse des gens aussi bien au niveau de la justice qu'au niveau de ceux qui ont pris la décision de dissoudre les conseils municipaux?

Je dirai d'ailleurs que ce dossier embarrasse tout le monde. Parce que c'est dans l'illégalité totale que cette dissolution a été prononcée. Car la Constitution a été bel et bien rétablie le 15 novembre 2014. Et c'est le 18 au soir que nous avons pris connaissance, par la voie des ondes, du contenu d'un décret qui dissout les conseils municipaux, daté du 17 novembre, c'est-à-dire 2 jours après la réactivation de la Constitution. La décision est peut-être politique, mais moi je ne rentre pas dans le débat politique. Je m'intéresse seulement à l'aspect juridique de la chose. Je m'en tiens à la loi, c'est tout.

Au moment où vous menez ce combat, il y a certains de vos camarades ex-maires qui sont aux arrêts. Quels commentaires vous inspirent ces arrestations?

Je dirai qu'à quelque chose, malheur est bon. A tort ou à raison, on a toujours présenté les maires comme étant des voleurs, des vendeurs de parcelles, des bons à rien, etc. Je pense donc que c'est une très bonne chose que l'on en arrive à ces arrestations. Comme je l'ai toujours dit dans mes déclarations, celui qui a fauté doit répondre. Nous sommes tous des justiciables et nous avons géré des affaires publiques, du patrimoine public. Si nous avons fait des malversations, nous devons être poursuivis et sanctionnés. Ce que je souhaite, c'est que les procédures se passent dans les règles normales de la justice et que personne ne soit brimé sur la base de ses opinions politiques. Et je pense que les interpellations ne doivent pas s'arrêter là, elles doivent continuer. Je suis d'ailleurs allé voir les maires en détention en tant que secrétaire général de l'AMBF (NDLR: Association des municipalités du Burkina Faso), parce que j'estime que je suis toujours SG en attendant qu'un juge tranche notre dossier sur le recours en annulation. Et je crois fermement à la justice, j'ai bonne foi donc qu'elle va trancher et dire si nous avons raison ou pas. Dans tous les cas, nous sommes entre nous Burkinabè et on pourra toujours s'entendre.

Et puisqu'on parle de justice, vous avez un vieux dossier en instance entre les mains des magistrats. Il s'agit du très médiatique dossier EROH/BIB. Nous venons de sortir des états généraux de la justice, est-ce votre dossier a bougé depuis lors?

Effectivement, c'est un dossier suffisamment médiatisé. C'est pratiquement un cas d'école. Un simple dossier entre opérateurs économiques qui est pratiquement devenu une affaire d'Etat. Simplement parce que des gens ont voulu qu'il en soit ainsi. L'affaire a commencé depuis 2005 et jusqu'à présent, elle se trouve dans les arcanes de la justice, à la Cour de cassation. Entre-temps, j'ai entendu pas mal de choses qui ont été dites sur le dossier en termes de corruption notamment. La seule chose que j'ai toujours demandée, est que le droit soit dit. Tout simplement! Je suis même en train d'écrire un livre sur ce même dossier. J'estime que Dieu me donnera la possibilité de terminer ce livre lorsque ce dossier sera finalement vidé. Parce que ça fait 5 ans que nous avons formé pourvoi en cassation. Ça fait 5 ans et bientôt 1 mois que le dossier traîne à la Cour de cassation. Il a été appelé 3 fois avant d'être finalement renvoyé devant une chambre mixte et jusqu'aujourd'hui je ne sais même plus à quel niveau il se trouve. A ce jour, il n'y a pas un seul ministre de la Justice qui n'ait pas connaissance de ce dossier, depuis le temps de Jérôme Traoré. C'est d'ailleurs lui le premier grand juge à avoir créé cet imbroglio autour de mon dossier en le rejetant. Et il a tenté de l'achever lorsqu'il est devenu ministre. Malheureusement pour lui, il a été lui-même achevé par un mécanicien. Tout cela montre finalement que c'est un dossier de Dieu. Je suis un croyant. Mais à plusieurs reprises, j'ai failli me mettre une balle dans la tête, surtout quand j'entends des gens dire de moi que j'ai corrompu des juges. Mais, c'est à ne rien y comprendre! Les juges sont là, moi-même je suis là! Qu'on me traîne en justice! Je n'ai jamais personnellement connu les juges qui ont traité mon dossier en première instance. Le juge Moriba Traoré faisait partie des premiers juges qui ont traité le dossier en première instance. Mais ce n'est que tout dernièrement qu'en relisant les manuscrits de mon livre que j'ai retrouvé son nom. Et en même temps, il y avait une émission à la radio Oméga où il était invité. Je me suis renseigné et on m'a confirmé que c'est le même juge. C'est-à-dire que je n'ai jamais eu affaire à lui personnellement. Et le jour que j'ai vu le juge qui a connu le dossier en appel, je ne m'étais même pas imaginé que c'était un simple fonctionnaire, à plus forte raison un magistrat. Il ressemblait plutôt à un paysan. C'est dire que lui non plus, je ne le connaissais pas. Malgré tout, on a tout fait pour salir mon nom. Mais comme je vous l'ai dit, je suis un croyant. Que les gens sachent que j'ai laissé cette affaire dans les mains de Dieu. Et comme j'aime à le dire, le Tempeelem va bouffer quiconque se garderait de dire le droit dans cette affaire.

Et c'est quoi le Tempeelem?

Le tempeelem c'est la sentence de Dieu. Et ça ne saurait tarder! Celui qui veut, qu'il essaie! Parce que ça fait 5 ans que je suis là, tranquille. A chaque fois que mon dossier veut bouger on dit que je suis en train de corrompre les juges. Mais c'est désormais fini! Le tempeelem va bouffer des gens ici!

Il est pourtant écrit noir sur blanc dans un rapport du RENLAC que vous avez affirmé avoir dépensé la somme de 61 millions de F CFA rien que pour obtenir la grosse du jugement...

C'est vrai que j'ai moi-même lu dans l'«Inventaire des cas de corruption restés impunis entre 2006 et 2010», que j'ai dit avoir dépensé plus de 60 millions. C'est vrai. Mais vous savez que lorsque vous avez une condamnation, il faut une formule exécutoire. Et pour obtenir cette formule, il vous faut payer une taxe. Et cette taxe est reversée dans les caisses de l'Etat. Et c'est cette taxe que j'ai payée. L'argent est donc rentré dans les caisses de l'Etat et cela peut se vérifier.

Un dernier vœu sur le fameux dossier EROH/BIB?

Oui! Je dis que la justice doit triompher. Il y a maintenant un nouveau vent au Burkina; les juges sont beaucoup plus libres et je veux simplement que le droit soit dit. Je sais que les avocats de la partie adverse sont maintenant dans les bonnes grâces des autorités de la Transition, mais je fais fi de ça.

Comment avez-vous accueilli le nouveau Code électoral, notamment en ses dispositions qui excluent certains de vos ex-camarades politiques des prochaines élections?

Moi, je ne vais jamais marchander ma liberté d'expression et on me connait pour cela aussi bien dans mon parti, le CDP, que partout ailleurs. A titre d'exemple, vous les journalistes, vous connaissiez très bien ma position par rapport au fameux article 37. Au sein de mon parti, je me suis toujours opposé à la modification de l'article 37. J'ai dit à plusieurs reprises qu'il fallait que l'on laisse cet article faire son expérience. Pour répondre à votre question, je dirai qu'en toute chose, nous devons éviter la haine, l'exclusion, la vengeance, etc. J'ai encore en mémoire l'expérience de Kindi. Si aujourd'hui Kindi est calme et vit en paix, c'est parce que nous avons été des responsables qui sont allés au-delà de leurs propres intérêts. Si jamais il y avait mort d'homme à Kindi, nous aurions eu cela sur nos consciences toute la vie. Dans la parole de Dieu, il est dit que ceux qui s'abaissent seront élevés et ceux qui s'élèvent seront châtiés. Je crois que ça, c'est la parole de Dieu et ça me suffit. Pour moi, il aurait fallu interpeller les gens sur le plan judiciaire plutôt que de voter une telle loi. Et quand on dit que ça ne vise personne, je ne comprends pas. Il y a des lois qui ont été votées et personne n'a fait la bagarre autour d'elles. A l'allure où vont les choses, on risque de se retrouver dans les marches et les contre-marches comme du temps de l'article 37.

Que dire du retrait de l'ex-majorité de la Commission de réconciliation nationale et des réformes?

Je pense qu'il aurait fallu qu'elle y reste afin de rendre compte au peuple à chaque fois que de besoin. Et ce n'est pas bon que ceux qui sont forts aujourd'hui continuent de faire la force. Qu'ils sachent que leur fin aussi, c'est demain s'ils ne prennent garde. Moi, je ne suis qu'un militant de base. C'est la direction du parti qui a pris cette décision de retrait et je pense que c'était mieux que l'ex-majorité reste dans la commission et batailler de l'intérieur.

Interview réalisée par D. Justin SOME

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