A l’occasion, le président du MBDHP, Chrysogone Zougmoré a laissé entendre que «la soif de justice et, subséquemment, la lutte contre l’impunité auront constitué un des éléments catalyseurs majeurs de la lutte de notre peuple, ayant conduit à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014». A en croire M. Zougmoré, il y a un «désamour perceptible et ambiant, entre une bonne partie de nos populations et leur justice». D’où l’importance de mettre au centre du présent panel, la problématique de «L’adéquation du système judiciaire avec les aspirations populaires». Une problématique assortie d’une question précise, «quelle justice pour le peuple?».
Ce thème, de l’avis du Secrétaire général du MBDHP, Aly Sanou, constitue une question «simple» mais «profonde». Une question qui suscite le débat sur les lois et sur l’appareil judiciaire de notre pays. Et sa conviction à lui, Aly Sanou, c’est que «seul un changement révolutionnaire permettra au Burkina Faso de faire un bond qualitatif» dans le sens du fonctionnement d’une justice en adéquation avec les aspirations du peuple. Pour M. Sanou en effet, le défaut d’indépendance véritable de notre pays vis-à-vis de la puissance colonisatrice qu’est la France, se ressent dans le contenu de nos lois, si bien que celles-ci sont inadaptées aux réalités des populations burkinabè.
Une implication directe du peuple dans le rendu de la justice est nécessaire
Pour Me Prosper Farama, l’instauration d’une véritable justice qui soit en adéquation avec les aspirations du peuple burkinabè requiert «la décolonisation de notre droit» et l’obligation pour la justice de rendre compte au peuple. Dans la perspective d’effectivité de cette option de redevabilité, Me Farama préconise l’introduction d’une phase d’élection dans le processus de désignation des juges. Mieux, il faut, selon lui, une «implication directe du peuple dans le rendu de la justice». Ce qui, de l’avis de l’avocat, soumettra les juges à la sanction du peuple, car la question de la justice dans notre pays ne doit pas être l’affaire des seuls techniciens du droit. Et il n’est pas normal, trouve Me Farama, que les pouvoirs exécutif et législatif soient sanctionnés par le peuple et que le pouvoir judiciaire (un de trois principaux pouvoirs dans notre pays), lui, ne le soit pas.
Au-delà de cette justice classique, Me Prosper Farama préconise la mise en place au profit notamment des populations à la base, de mécanismes adéquats de règlement des conflits. Des mécanismes qui soient de nature à mettre ces populations à l’abri du recours à la justice, étant donné qu’elles ne comprennent pas le langage de cette justice classique qui, d’ailleurs, n’arrive pas toujours à solutionner convenablement leurs litiges.
La justice burkinabè n’est pas la propriété des juges
Les réponses idoines aux préoccupations des Burkinabè vis-à-vis de leur justice, de l’avis du juge Moriba Traoré, résident moins dans le mode de désignation des magistrats que dans l’accomplissement diligent par les juges de leurs missions. Dans ce sens, M. Traoré dit espérer que les choses vont évoluer bientôt. Du reste, précise-t-il, «je sens la douleur qui est celle de nombreux acteurs de la justice» de se voir obligés de trainer un lourd passif créé par l’accumulation de dossiers sans traitement judiciaire conséquents. Pour accompagner cette dynamique d’évolution, a-t-il annoncé, «on est en train de voir à quel style de communication il faut recourir» pour dissiper le sentiment populaire selon lequel rien ne bouge au niveau de la justice.
En attendant, le débat– assorti parfois de critiques acerbes– sur la justice doit, de l’avis de Moriba Traoré, être mené. Et tous les acteurs de la justice, selon lui, doivent accepter ce débat; car, précise-t-il «nous, nous sommes juges, mais la justice n’est pas notre propriété». Le débat pour l’amélioration de cette justice mérite donc d’être mené. En tout cas, il en a été ainsi ce samedi 10 décembre, dans une salle comble majoritairement de jeunes.
Paangui Parè