Vu sous cet angle, on est tenté de croire que l'initiative vient à point nommé. Elle est même à saluer à sa juste valeur quand on mesure le fossé de confiance existant entre la justice et les populations. Certes, des efforts ont été menés, faut-il le reconnaître, au niveau des juridictions pour répondre quelque peu aux attentes des populations. La construction de Tribunaux de grandes instances dans les régions a permis, en particulier, de rapprocher, quoi qu'on dise, la justice du justiciable.
En revanche, l'arbre de ces efforts ne saurait cacher l'immensité de la forêt des maux tenaces de la justice qu'il faut nécessairement combattre au plus profond de leurs racines. Certaines décisions de justice rendues dans les tribunaux ne sont pas, faut-il le dire, de nature à convaincre les justiciables. Ceux-ci se sentent le plus souvent lésés dans certains verdicts issus de procès. Que dire des décisions de justices rendues et qui peinent à se voir appliquées de façon concrète?
Tous ces problèmes auxquels est confronté le milieu judiciaire semblent avoir été favorisés par plusieurs facteurs dont l'immixtion, la mainmise visible et invisible des acteurs socio-politiques et économiques dans les affaires. Tout laisse à croire que ces «mogo puissants» sont prompts à influencer les décisions de justice pour protéger leurs intérêts. C'est pourquoi la corruption au sein de la justice est bel et bien une réalité au point que le Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC) est obligé de taper du poing sur la table dans ses rapports annuels publics.
En clair, l'indépendance de la justice n'est pas totale, ni garantie. Cette situation regrettable avait même atteint le sommet sous le pouvoir de la 4ème république au point que l'on ne pouvait s'empêcher de parler de juges ou magistrats acquis, à la solde des dignitaires du pouvoir. A peine, si l'on n'avait pas l'intention, à l'époque, de caporaliser les acteurs ou de patrimonialiser la justice.
En outre, certains acteurs, animés par une arrogance notoire et non dissimulée, se sont permis d'intenter des procès contre des citoyens sous prétexte d'outrages à... Toute chose qui explique le fait que la justice soit vue d'un mauvais œil par les populations dont elle doit pourtant défendre les droits et intérêts.
A la lumière de ce qui précède, il est grand temps que la justice recherche ses marques et qu'elle se réconcilie avec le peuple. Cela devra se traduire par l'abandon systématique et sans condition des mauvaises pratiques qui ne font pas honneur au pouvoir judicaire (3ème pouvoir après l'exécutif et le législatif).
Vivement que les états généraux dégagent clairement des pistes lumineuses qui seront empruntées par les différents acteurs pour redorer véritablement le blason de la justice dans le temps et dans l'espace. Les premières traces de cette nouvelle donne devraient se concrétiser par l'examen sérieux des dossiers pendant dont ceux de Thomas Sankara, Norbert Zongo, Oumarou Clément Ouédraogo, Salifou Nébié, David Ouédraogo et la liste est loin d'être exhaustive.
Saïdou Zoromé