Imprimer cette page

Burkina Faso: l’indépendance de la justice est absolument nécessaire sans devoir être nécessairement absolue

| 09.06.2016
Réagir
Burkina Faso: l’indépendance de la justice est absolument nécessaire sans devoir être nécessairement absolue
© DR / Autre Presse
Burkina Faso: l’indépendance de la justice est absolument nécessaire sans devoir être nécessairement absolue
Les dernières décisions de mise en liberté provisoire de certains inculpés détenus ont ravivé les débats sur l’indépendance de la justice. Surtout que le président du Faso et celui de l’Assemblée ont par leurs commentaires désapprouvé cet acte. Mais peut-on vouloir d’une chose et son contraire? L’indépendance de la justice n’est-elle pas l’essence même de l’état de droit? L’Exécutif ou le législatif ont-ils intérêt à contrôler le pouvoir judiciaire? Au lieu de jouer à la concurrence, n’y a-t-il pas lieu de collaborer intelligemment au service de la démocratie et de l’Etat de droit?


Les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance du juge veulent que celui-ci ne soit soumis à aucune pression, ni contrainte ou influence de quelque organe ou individu que ce soit. L’indépendance de la justice signifie justement l’exclusion de tout lien de dépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif, ou vis-à-vis de tout autre acteur ou phénomène. L’indépendance de la justice est un principe reconnu et consacré par une multitude de normes.

Pour Jean-Marc VARAUT dans le dictionnaire de la justice, «L’indépendance est la situation d’une collectivité, d’une institution ou d’une personne qui n’est pas soumise à une autre collectivité, institution ou personne. Il faut Souvent,que son titulaire n’ait rien à attendre ou à redouter de personne». Appliquée à la justice, l’indépendance se manifeste par «la liberté du juge de rendre une décision non liée par une hiérarchie ou des normes préexistantes». L’indépendance serait donc une conséquence directe d’une interprétation stricte du principe de séparation des pouvoirs et un corollaire nécessaire à la protection judiciaire des droits. Sans indépendance en tous cas, point d’existence du pouvoir judiciaire; point de puissance de juger si cette fonction est confondue avec le législatif ou l’exécutif aurait dit Montesquieu. Bien sûr, lorsqu’on évoque l’«indépendance de la justice», on pense, a priori, à ses rapports avec le pouvoir exécutif.

Dans les systèmes démocratiques, les systèmes judiciaires peuvent présenter des différences assez marquées d’un pays à l’autre. Mais, on peut dire que tout système judiciaire dans un cadre démocratique doit viser la satisfaction de deux objectifs principaux:

  • celui de l’indépendance des juges, condition indispensable de l’indépendance de la justice elle-même;
  • celui de la compétence professionnelle des juges, condition indispensable de l’efficacité, de la qualité de la justice. La nécessaire indépendance de la justice est en relation directe avec sa qualité.

En adoptant la démocratie comme système de gouvernance et en prônant l’Etat de droit, les différentes communautés ont admis que le principe de la séparation des pouvoirs de Montesquieu est d’une pertinence certaine. La question de l’indépendance de la justice ne se poserait alors véritablement que dans un Etat de droit; Plus l’État de droit est parachevé plus la quête d’indépendance est affichée.

Ce qui attente à l’indépendance de la justice touche à la vérité, à l’office de son acteur principal. Si un pouvoir est dit indépendant, il ne devrait donc plus être sous l’influence d’un autre. Seulement certaines intrusions d’organes externes tendent inlassablement à secouer l’édifice judiciaire.

L’indépendance de la justice est défendue et compromise par les différents acteurs de la scène démocratique. Chaque entité doit apporter sa contribution pour un renforcement du rempart et lutter contre les fissures. Ce n’est que dans cette action concertée, cette synergie que l’édifice résistera mieux aux fissures même si une indépendance absolue n’est pas la finalité.

Le plus souvent, l’exécutif est la principale entité qui s’insinue dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire. Cette immixtion est plus préjudiciable que productive. Il faut donc raccourcir la portée de son influence. Ceci passe de prime abord par la dépolitisation du Conseils supérieur de la magistrature. Pour éviter que les décisions des magistrats ne soient suspectées comme d’impuissante inféodation au souverain. Mais n’oublions jamais que c’est de la nature du pouvoir de vouloir tout contrôler.

La politisation de la justice est parfois très subtile. Elle se manifeste à travers des craintes -souvent justifiées -éprouvées par certains magistrats, de se voir infliger des sanctions de toutes sortes. Elle peut également s’afficher à travers des prises de position de magistrats convaincus que les décisions de justice ne devraient pas entraver les décisions administratives ou gouvernementales qui iraient dans un sens prétendument favorable au développement politique et économique du pays. Ainsi, par moment, des décisions de justice montrent assez nettement cette inféodation de la justice au pouvoir politique

Militer pour l’indépendance de la justice et en même temps postuler pour des tempéraments relève un peu d’un exercice malsain. L’indépendance est absolument nécessaire sans devoir être nécessairement absolu. Un travail de recherche du juste milieu s’impose. Quel est donc le seuil d’interférence tolérable entre les pouvoirs? L’arbitrage doit conclure à une collaboration intelligente au service de la démocratie et de l’Etat de droit. Car chaque pouvoir n’est pas l’ennemi de l’autre ou encore son concurrent, mais l’existence de l’un et de l’autre doit servir l’intérêt général.

Les Echos du Faso

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité