Burkina Faso : Faut-il abolir la peine de mort ?

| 18.11.2013
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© DR / Autre Presse
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Toujours reconnue par le Code pénal burkinabè et prononcée par les juridictions nationales, la peine capitale a été appliquée pour la dernière fois et les condamnés passés par les armes au « Pays des Hommes intègres » en 1978 dans l'affaire des « coupeurs de têtes de Bobo ». Aujourd'hui encore, des condamnés à mort, qu'on estime à une dizaine, croupissent dans nos prisons en attente de l'exécution de leur peine. Ces derniers verront-ils leur peine s'exécuter ou au contraire auront-ils plus de chance que les condamnés déjà exécutés, dans un contexte international marqué par le rejet de la peine capitale considérée comme une pratique révolue ?

La peine de mort, ou peine capitale, est une sentence prévue par la loi pénale, notamment le Code pénal en son art 9. Aussi, elle peut être prononcée par une juridiction criminelle et consiste à exécuter une personne reconnue coupable d'un fait qualifié de crime passible de ladite peine. Il peut s'agir, entre autres, du parricide, de l'assassinat, de l'empoisonnement, etc.

Mais, selon une enquête des Nations unies menée en 1988 et mise à jour en 2002, « (...) il n'est pas prudent d'accréditer l'hypothèse selon laquelle la peine capitale aurait un effet légèrement plus dissuasif en matière de criminalité que la menace et l'application de la peine, censément sévère, de réclusion à perpétuité ». Par ailleurs, les abolitionnistes de la peine capitale pensent qu'elle est une peine collective en ce sens que l'exécution du condamné touche également les personnes qui ont un lien de parenté, d'amitié ou de sympathie avec celle-ci, surtout dans le contexte africain ; ce qui est plutôt contraire au principe juridique qui veut que la peine soit individuelle. Enfin, la peine de mort nierait la capacité de l'Homme à s'améliorer et devenir meilleur. En effet, si l'objectif premier de la sanction pénale dans le système judiciaire moderne est la correction et la réinsertion sociale du délinquant, il faut reconnaître effectivement que la peine de mort enlève au condamné toute possibilité de se répentir, de se remettre en cause et de devenir meilleur.
Suivant ce raisonnement, 17 pays africains dits abolitionnistes de droit dont le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Togo entre autres, ont supprimé purement et simplement la peine de mort au nombre des sentences prévues par leurs lois pénales respectives.

Au Burkina Faso, plus spécifiquement, même si les premières exécutions de prisonniers remontent à 1978, les condamnations à la peine capitale continuent d'être prononcées car la sentence existe toujours dans le Code pénal. Ainsi, à la différence des pays dits abolitionnistes de droit, le Burkina est considéré comme un pays abolitionniste de fait. Une situation que déplorent les défenseurs des droits de l'Homme qui qualifient la peine de mort d'anticonstitutionnelle, en ce sens qu'elle va à l'encontre du droit à la vie prescrit par la loi fondamentale. Par ailleurs, les mêmes organisations estiment que le pays, pour avoir ratifié ou soutenu la plupart des résolutions et engagements internationaux prônant l'abolition de la peine de mort, devrait franchir le pas pour devenir abolitionniste de droit.

Une telle révision de la loi pénale constituerait pour le peuple burkinabè, une avancée certaine dans sa capacité à s'élever au-dessus de l'individu du criminel dangereux en n'agissant pas comme lui, dans la mesure où il n'est guère unanimement reconnu que la peine capitale offrait plus de garantie d'ordre et de tranquillité publique et contribuait ainsi à mieux protéger la société contre les individus dangereux.
Par ailleurs, l'application de la peine de mort fait irréversiblement obstacle à toute possibilité de révision des décisions de justice notamment pour cause d'erreurs judiciaires. Or, dans bon nombre de pays qui appliquent cette peine, il n'est pas rare de rencontrer des cas où des personnes jugées coupables de crimes passibles de peine de mort, se sont vues, avec le temps, déclarées non coupables et libérées.

Contrairement donc à ceux qui pensent que l'abolition de la peine signifie impunité, cette décision permettrait au Burkina d'adopter sa véritable posture d'un Etat soucieux du respect des droits de l'Homme et du caractère sacré de l'être humain prôné par toutes les religions et les valeurs culturelles de notre pays.
Autorités administratives, judiciaires, politiques, coutumières et religieuses, mobilisons-nous donc pour une effectivité des droits humains et pour l'abolition de la peine de mort au Burkina Faso.

Le Ministère des Droits Humains et de la Promotion civique

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