Une décision qui, bien qu'ayant des aspects positifs, ne manque pas de produire des effets néfastes pour les justiciables. En effet, pour pouvoir prendre des décisions crédibles et respectées par tous, les magistrats doivent donner le bon exemple en commençant par mettre de l'ordre dans leurs propres rangs. Ainsi seront-ils suffisamment dignes d'être juges, sans crainte de se voir renvoyer en plein visage le passage biblique qui veut que le moralisateur enlève d'abord le tronc d'abord qui obstrue sa vue pour pouvoir mieux voir la brindille qui se trouve dans l'œil de son prochain.
La revendication des auxiliaires de justice a un caractère d'autant plus objectif qu'elle ne vise pas explicitement les magistrats seulement puisqu'il est question d'acteurs de la justice dont font partie les avocats. Quand on sait qu'il y a des brebis galeuses parmi les avocats qui ont des dossiers en justice, l'on ne peut que souhaiter que leur propre proposition soit appliquée avec la même rigueur à leurs confrères indélicats. Même s'il est évident que le moment choisi peut faire penser à une revanche, il faut reconnaître que les occasions sont d'ailleurs faites pour que l'on en profite, et si cela permet de dire le droit sans discrimination, c'est tant mieux. Toutefois, les deux éléphants que représentent les avocats et les magistrats doivent éviter de se battre dans l'herbe dont l'image colle ici à celle des justiciables, qui risquent fort d'en pâtir. Quand deux éléphants se battent ce sont les arbres et les herbes qui en pâtissent, dit si bien l'adage.
En effet, en empêchant la tenue des assises criminelles pour réclamer plus de justice et manifester leur colère, les avocats privent de nombreux détenus du droit d'être jugés et de connaître, après de longues années d'attente pour certains, le sort qui leur sera réservé. Des acquittements ou des soulagements dus à de cléments verdicts sont ainsi ajournés, tout comme le compte à rebours de certaines peines est bloqué, ce qui ne manque pas d'en rajouter à la souffrance des prévenus. Si l'on ne peut empêcher les acteurs de la justice, qui font en principe partie de la même famille, de se faire la guerre, il est quand même important qu'ils évitent de prendre en otage des justiciables qui n'ont aucune responsabilité dans la dégradation des relations entre les deux groupes. Le problème de l'insuffisance du temps imparti à l'examen des dossiers par les avocats avant la tenue des assises est en tout cas un argument de taille qui mérite d'être pris au sérieux. Ce n'est pas parce que la période de transition est courte qu'il faut s'adonner à des jugements expéditifs. Il faut donc accorder plus de temps aux avocats pour préparer correctement la défense de leurs clients. Une fois ce point résolu, ils doivent accepter de remettre les aspects liés à la revalorisation des honoraires et au jugement préalable des acteurs de la justice à plus tard, car des assises criminelles, il y en aura encore.
Et quand ils reposeront leurs exigences sur la table des prochaines assises ou autres procès, ils auront sans doute le soutien d'autres justiciables qui sont désormais au courant de leur juste et noble cause.
Les Echos du Faso