Mais cette chape de plomb a sauté fin octobre 2014, et pour ne rien arranger, le général Diendéré est en prison pour le putsch avorté du 16 septembre 2015.
Un pathos ne venant jamais seul, voilà que le Tribunal militaire lui a signifié qu’en plus de l’affaire de mi-septembre, il est inculpé pour une autre qu’il n’aurait jamais imaginé un jour devoir à répondre : l’assassinat de l’icône de la révolution burkinabè d’août 83. Enfin ! Ont dû s’exclamer sa famille, surtout la veuve Mariam depuis Montpellier et ses deux enfants, sans oublier les nombreux sankaristes, et même le peuple burkinabè. Les avocats de l’affaire ont eux aussi poussé un ouf de soulagement, car si le nom de Blaise a toujours été cité dans le régicide du 15 octobre 1987, les bras armés eux n’ont quasiment jamais été inquiétés.
Des noms ont été jetés en pâture, tels ceux de militaires de l’ex-RSP (encore !) notamment les Nabié, Otis et surtout l’adjudant Hyacinthe Kafando, qui avait eu l’outrecuidante indécence, de lancer ex-cathedra que c’est lui qui a occis le fringant capitaine burkinabè, qui rebaptisa la Haute-Volta en Burkina Faso. Depuis plusieurs mois d’ailleurs, ce dernier aurait fuit le Faso.
Cependant toutes ces personnes citées semblent des alevins, et il manquait manifestement le gros poisson qui semble avoir pour nom Gilbert Diendéré.
Diendéré, comme nous l’avons maintes fois écrit, qui est à Blaise, ce que Béria fut pour Staline.
En effet, l’homme mince et taciturne de l’ex-RSP était réputé être dans tous les coups tordus du régime déchu, mais jamais nul n’a pu le prendre en flagrant délit, et même si preuves, il n’y avait, qui s’y risquerait.
Les rarissimes propos qu’il lâcha sur la mort de Sankara faisaient que tôt ou tard, on ne pouvait pas instruire ce dossier sans passer par la case Diendéré : «J’ai envoyé mes hommes pour arrêter Thomas Sankara, et finalement tout a dégénéré», affirmait-il au journaliste-écrivain, Ludo Montens, dans les années 90.
C’est encore lui le célèbre colonel filiforme qui ira au crépuscule de ce funeste 15 octobre 1987 pour ordonner d’aller ensevelir Thomas Sankara et ses 12 suppliciés en lisière de Ouaga à Dagoën.
Ce 6 décembre 2015, le dossier Thomas Sankara a encore fait un immense pas. Chapeau bas au pouvoir de la transition, car depuis la première plainte contre X en 1997, jusqu’à l’exhumation des restes de Sankara en avril 2015, que de tergiversation, de blocages, et même d’un risque de prescription du dossier, en fin septembre 1997, n’eut été l’entregent de Mariam et des avocats. Bravo au président Michel Kafando, au Premier ministre Isaac Zida, qui, dès leur prise de fonction ont clairement affirmé qu’il n’y aura plus de frein à cette affaire d’Etat.
A presqu’au terme de leur mission, la transition a fait bouger les lignes dans le dossier Sankara, et quel bouging ! Formidable.
Reste qu’une chose est d’inculper le général Gilbert Diendéré, une autre est d’apporter les preuves tangibles, et surtout faire un procès juste. La justice, ce soit les preuves, pas des suppositions, ni des présomptions ! Il va falloir faire répondre à Diendéré à quelques questions basiques :
Où était-il exactement ce fatidique 15 octobre ?
Qui a donné l’ordre d’aller arrêter ou de tirer sur Thomas Sankara, étant donné que Blaise prétend qu’il dormait ?
Qui étaient ceux qui ont ouvert le feu sur lui au Pavillon Haute-Volta du Conseil de l’entente ?
Des puissances étrangères, sinon des personnalités extérieures sont-elles impliquées dans cet assassinat ?
L’inculpation du général Gilbert Diendéré, est une inculpation par procuration de Blaise Compaoré, et un éventuel procès de Diendéré équivaut à un jugement du régime déchu, puisque avant les élections de façade pour se donner un vernis démocratique, le fondement même du pouvoir de Blaise est la mort de Thomas Sankara.
Le dossier Sankara est «politiquement lourd» pour reprendre les propos de l’actuelle garde des sceaux du Burkina, et à l’évidence, il y a loin de l’inculpation de Diendéré à sa condamnation .
Joachim de KAIBO