Il faut encore attendre vendredi 3 mars prochain, pour savoir à quelle sauce les principaux accusés de l'affaire dite de «boissons périmées d'Obouf» seront mangés. En effet, à l'issue d'un long jugement qui a duré plus de 12 heures, le vendredi 27 mars dernier, le procès est mis en délibéré pour une semaine plus tard. Les deux principaux accusés sont Ouédraogo Boureima et Ouédraogo Noufou, respectivement Président directeur général (PDG) et Directeur général (DG) de la société Ouédraogo Boureima et Frères (OBOUF). En attendant le verdict, le procureur du Faso, Désiré Pinguédewindé Sawadogo, a requis un an ferme pour le PDG et le DG d'Obouf. Ils doivent payer chacun 10 millions de francs CFA d'amende. Le procureur a également requis contre la société Obouf SA, 10 millions de francs CFA et a demandé de publier la décision dans les quotidiens de la place.
Les deux accusés ont reconnu les faits de falsification de dates de péremption, mais ont insisté que les boissons dont les dates de péremption étaient falsifiées ne sont pas nocives à la santé humaine. Ils ont également indiqué qu'une seule canette des produits concernés n'a été encore mise sur le marché de la consommation. Néanmoins, ils ont demandé «pardon au peuple burkinabè» et ont plaidé (avec leurs avocats) pour la clémence du parquet.
Relaxe pour huit personnes
Au bénéfice du doute ou pour insuffisance de charges, le procureur du Faso a requis la relaxe de huit prévenus, tous employés de la société Obouf. En revanche, contre trois autres prévenus, Désiré Pinguédewindé Sawadogo a requis des peines d'emprisonnement de 2 mois ferme pour Tasséré Ouédraogo, 3 mois d'emprisonnement ferme pour Gaoussou Ouédraogo, et 3 mois avec sursis pour Yassia Zono. Le technicien tunisien, Ferchichi Rachid, dépêché à Ouaga, pour tester la machine falsificatrice de dates de péremption court une peine d'emprisonnement et pécuniaire. Le procureur a requis contre lui un emprisonnement ferme de 3 mois et une amende de 5 millions de francs.
Initialement prévu pour le 17 mars dernier, le procès a été reporté une première fois au 24 mars, pour grève des greffiers, ensuite, une seconde fois, au 27 mars, à la demande des avocats de la défense. Au procès, la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), l'Agent judiciaire du trésor (AJT) et la Direction générale du contrôle économique et de la répression de la fraude se sont constitués partie civile. Quant au cabinet Kam et Somé, il s'est constitué avocat de Coca-Cola.
L'affaire des canettes périmées a éclaté le 19 février dernier, jour où la police nationale a présenté à la presse, un entrepôt appartenant au groupe Ouédraogo Boureima et Frères (OBOUF) dans lequel étaient stockées plusieurs tonnes de boissons dont les dates de péremption, arrivées à échéance, étaient en train d'être falsifiées.
La société Obouf, son PDG, son DG et 11 autres personnes dont un Tunisien, sont poursuivis pour ''tromperie aggravée du consommateur'' et emploi de machine propre à la falsification. Ces personnes interpellées sont gardées, depuis lors, à la Maisons d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
Alexandre TRAORE
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Quelques moments forts de l'audience
- 8 heures 45 mn : début de l'audience et débat au sujet de l'expertise. La défense doute de l'impartialité des informations contenues dans le document produit par les experts du CNRST. Elle demande une contreexpertise.
- 10 heures : suspension
- 11 heures 05 : reprise de l'audience et poursuite des débats sur l'expertise.
- 11 heures 27 mn : le parquet décide d'écarter le document de l'expertise. Les deux experts du CNRST (Félix Kini et Innocent Guissou) se retirent de la salle d'audience.
- 11 heures 55 : comparution du premier prévenu, à savoir Boureima Ouédraogo, PDG de Obouf. Il reconnaît les faits de falsification.
- 13 heures 35 mn : au tour du DG, Noufou Ouédraogo de passer à la barre.
- 15 heures 51 mn : le troisième prévenu, le Tunisien, Rachid Ferchichi, est auditionné. Il dit avoir utilisé un appareil pour faire des essais sur des boîtes de canettes.
- 18 heures 08 mn : fin de l'interrogation des prévenus et nouvel suspension de l'audience.
- 18 heures 30 mn: reprise de l'audience avec les plaidoiries des différents conseils
- 19 heures 08 mn : le procureur prend la parole pour les réquisitions. Il consacre trois catégories de prévenus. Condamne cinq personnes et relaxe huit autres.
- 20 heures 38 : les prévenus repassent tour à tour, pour se prononcer sur la réquisition du procureur. La plupart salue la décision et remercie le procureur.
- 20 heures 55 mn : le parquet met fin au procès et renvoie le délibéré au 3 avril prochain.
Une peine jugée insignifiante
Certains observateurs estiment que les réquisitions du procureur du Faso à l'encontre de Boureima Ouédraogo et de son frère, Noufou Ouédraogo, sont insignifiantes, au regard de la gravité de la faute commise. D'autres vont plus loin, en disant que «c'est se foutre des gens que de dire à ces deux milliardaires de payer seulement dix millions de francs CFA comme amende». Mais, pouvaient-ils écoper d'une peine plus lourde ? La réponse est malheureusement, non, pour ceux qui pensent qu'on devait les punir plus sévèrement pour donner l'exemple. La loi ne prévoit pas plus de 12 mois d'emprisonnement ferme et une amende de plus de dix millions de francs CFA pour ces genres de délit. C'est à juste titre que d'aucuns auraient préféré que l'Etat accepte de «transiger». La transaction en espèce est le pouvoir reconnu par la loi à l'administration pour proposer au mis en cause, l'abandon des poursuites contre son aveu et le paiement d'une certaine somme d'argent. A ce propos, en cas d'accord parties, aucune poursuite ne peut être exercée. En d'autres termes, la transaction aurait permis aux accusés de payer pour le compte des caisses de trésor public, des dizaines voire des centaines de millions de FCFA. Le Ministère en charge du commerce aurait refusé de transiger. Le contexte social (la peur de la réaction de la population) pourrait expliquer une telle décision. Doit-t-on toujours agir en fonction de la probable humeur du peuple ? Telle est la question que l'on peut se poser.