L'on peut reconnaître à Zida la volonté de rompre avec le système Compaoré
Cette sortie du Premier ministre, qui pouvait donner l'impression qu'il lisait sur le téléprompteur d'un des responsables du collectif qui a porté avec constance et courage le dossier Norbert Zongo pendant 16 ans, a suscité un tonnerre d'applaudissements du public. Il ne pouvait pas en être autrement, quand on connaît les frustrations accumulées par le peuple burkinabè, tout au long des 27 ans du règne de Blaise Compaoré. Ces propos du Premier ministre sont un signe des temps nouveaux, et ils permettent d'entretenir l'espoir que plus rien ne sera comme avant. Toutefois, l'on peut lui faire les observations suivantes.
D'abord, l'on peut faire le constat qu'il sérine la même rhétorique au peuple burkinabè, sans pour autant la traduire en actes concrets, depuis qu'il est aux affaires. « Le tigre, avait dit Wolé Soyinka à Senghor et à ses amis qui, à ses yeux, ne prônaient la négritude que par les mots, ne proclame pas sa tigritude, mais il bondit sur sa proie et la dévore ». De ce point de vue, l'on peut suggérer au Premier ministre de la transition d'aller au-delà des tirades dont il est désormais coutumier pour poser des actes concrets, parce que le peuple en a besoin. Si, par exemple et relativement à l'affaire Norbert Zongo, il avait acté, à l'occasion de ce 16e anniversaire, la réouverture du dossier Norbert Zongo, cela aurait eu plus d'intérêt pour les Burkinabè. L'autre observation, pour ne pas dire le reproche qu'on pourrait lui adresser, est lié à ce qu'on pourrait appeler le caractère populaire de ses annonces. En effet, l'on peut avoir l'impression que Isaac Zida réserve la primeur des grandes décisions du gouvernement au peuple burkinabè, juste pour entretenir la « zidamania » qui s'est accaparée de celui-ci, depuis la chute de Blaise Compaoré. Cette façon de procéder pourrait créer une sorte de cacophonie au sein de l'exécutif de la transition. Ce constat, bien des Burkinabè et d'observateurs extérieurs de la scène politique du pays des Hommes intègres, l'ont déjà fait.
Cela dit, l'on peut tout de même reconnaître à Isaac Zida, la volonté de rompre hic et nunc avec le système Compaoré. Il peut d'autant plus le faire que le contexte y est favorable, mais encore faut-il qu'il y mette la méthode et la manière et qu'il agisse plus qu'il ne parle. Ce faisant, il pourra dissiper toutes les suspicions qui pèsent sur lui déjà et qui l'accusent à tort ou à raison de s'être accaparé du poste de Premier ministre pour mieux protéger les arrières de Blaise Compaoré. Ces suspicions sont d'autant plus sérieuses que Zida était jusqu'à la chute de Blaise Compaoré, une des pièces maîtresses de l'appareil sécuritaire et répressif du système déchu. Il lui revient donc de travailler à déconstruire par les actes ces préjugés, si véritablement il veut prendre place durablement dans le cœur du peuple burkinabè, au-delà de la période de la transition. Mais cela passe beaucoup plus par le pragmatisme tangible que par la rhétorique lénifiante.
Pousdem PICKOU