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Journées d’hommages aux « martyrs » : Personne n’a le monopole du cœur

| 02.06.2015
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La cérémonie officielle d’hommage aux martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a eu lieu ce samedi 30 mai 2015 à la Place Mémorial aux héros nationaux sise à Ouaga 2000.
© © Photo : DR / Autre Presse
La cérémonie officielle d’hommage aux martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a eu lieu ce samedi 30 mai 2015 à la Place Mémorial aux héros nationaux sise à Ouaga 2000.
Question à un sou ! Combien de « héros nationaux avons-nous ? Combien sont-ils, les élus du Mémorial de Ouaga 2000, symbole à la fois de sépulture, de la grandeur et de l'immortalité de ceux qui ont marqué l'histoire de notre pays ?


Sauf erreur ou omission de notre part, il n'y a pas encore chez nous un répertoire officiel de ces divinités républicaines qui ont façonné les « quatre étapes de la lutte du peuple pour : l'Indépendance, la République, la Révolution et la Démocratie », pour coller avec l'herméneutique qui accompagne le monument des héros nationaux.

Autant de grands moments de l'histoire politique de notre pays auxquels il va falloir désormais ajouter un cinquième : l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2015 dont les martyrs viennent d'être élevés au rang de Burkinabé dont les hauts faits auront désormais valeur d'exemple pour les générations à venir.

Retour sur l'événement.

Dépôt de gerbes de fleurs, retraite aux flambeaux, sonneries aux morts, distinction à titre posthume, discours émouvants des parents des victimes, promesse de justice pour les insurgés tombés sous les balles. Samedi dernier, au pied du Mémorial, en présence des hautes autorités de la Transition, vingt-huit de nos compatriotes ont été élevés aux rangs de « héros nationaux ».

Une cérémonie dont la grande solennité participe d'une volonté d'exalter la fibre patriotique, de renforcer l'unité et la cohésion nationales, d'inscrire dans la mémoire collective un fait historique.

En un mot comme en mille, en faire le moment fondateur d'un mythe national comme il en existe dans toutes les nations.

Ce fut le cas par exemple en France avec la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 par le peuple de Paris. Symbole de l'absolutisme royal, cette forteresse était réputer enfermer des centaines de prisonniers politiques et contenir un arsenal impressionnant d'armes et de munitions.

Quand elle tomba entre les mains des insurgés, ils n'y découvrirent, comme prisonniers, qu'une douzaine de marginaux, et en guise d'armes, quelques pétoires mouillées. Il n'en demeure pas moins que le 14-Juillet fut une date mythique, raison pour laquelle « nos cousins, les Gaulois » en ont fait le jour de la fête nationale française.

Comme les émeutiers parisiens, les insurgés du Burkina ont saccagé et incendié l'Assemblée nationale, pour intention coupable contre la Constitution, avant de contraindre, le lendemain, le « monarque Blaise Compaoré » à la fuite.

A l'évidence, les « Quatre Glorieuses » burkinabé seront inscrites en lettres d'or dans l'histoire politique de notre pays. De ce point de vue, quoi de plus normal que de célébrer l'héroïsme de ceux qui ont payé de leur vie cette insurrection à partir de laquelle « plus rien ne sera comme avant ».

Même si, comme partout ailleurs, pareille canonisation républicaine est source de polémique : combien de personnes sont effectivement tombées ce jour ? Sont-elles toutes des martyrs ? Ont-elles toutes droit au statut de héros ? Autant de questions qui divisent mais n'enlèvent rien à la charge hautement symbolique de la cérémonie de panthéonisation du 30 mai dernier.

Grande ombre au tableau de ces deux journées d'hommage, cet affligeant spectacle survenu dans la matinée de samedi dernier au cimetière de Gounghin : il s'agit de cette incroyable voie de fait dont a été victime Yacouba Jacob Barry de l'Union pour un Burkina nouveau (UBN).

Alors qu'à l'instar de milliers de Ouagalais, il était allé se recueillir sur les sépultures des « martyrs » enterrés dans cette nécropole municipale, une horde d'excités ont voulu lui faire la peau. Le pauvre a dû son salut à la prompte intervention des gendarmes qui l'ont soustrait de la furie rabique des sacripants. Son seul tort : être d'un parti créé par un ex-ministre de Blaise Compaoré, Yacouba Ouédraogo, dit Yac.

Mais de quel droit cette génération spontanée d'activistes de la société civile, shootés aux vertiges que leur confèrent les libéralités de leurs maîtres, peuvent-ils se permettre d'empêcher des citoyens de prendre part à ces journées nationales d'hommages ?

C'est à croire qu'ils voulaient s'imposer un monopole sur tout ce qui touche à l'après-insurrection. Or pour ce qui concerne les morts qui sont tombés au cours des « Quatre Glorieuses », personne ne devrait en tout cas s'arroger le monopole du cœur.

Tout à leur joie de plastronner devant les caméras et micros, l'indignation facile et sélective, ces inquisiteurs de la vie publique ne cessent de surfer sur la vague du terrorisme intellectuel.

En effet, depuis la chute de Blaise Compaoré, nous assistons à une sorte de dictature des OSC autoproclamées dépositaires et chiens de garde de la Transition.

Le comble, c'est que ce cartel hétéroclite de soi-disant organisations de la société civile sont, dit-on, stipendiées, biberonnées et entretenues comme des coqs en pâte par des responsables de premier plan de la Transition.

Mais c'est oublier que c'est avec une telle pratique clientéliste que l'on fait le lit des milices, qui finissent par échapper à leurs créateurs.

Il faut donc savoir raison garder pour ne pas faire devier nos « Quatre Glorieuses » de leurs objectifs.

Au risque de faire retourner nos héros dans leurs tombes.

Alain Saint Robespierre

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