Incivisme au Faso: Attention danger !

| 16.04.2014
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Incivisme au Faso: Attention danger !
© DR / Autre Presse
Incivisme au Faso: Attention danger !
Quelques cocasseries pour entamer notre propos. Quartier Tanghin de Ouagadougou. Nous sommes en pleine opération de contrôle de police. Arrive un automobiliste à qui les agents font signe de se ranger sur le bas-côté pour vérification des pièces du véhicule. La carte grise lui sera retirée en attendant qu'il paye la contravention pour défaut d'assurance. Mais notre conducteur n'est pas homme à se résigner. Pris d'une colère noire, il s'en prend vertement aux policiers : «Vous n'êtes que des vauriens, de sales types. Même votre Blaise-là, on n'a pas peur de lui. On va marcher jusqu'à Kosyam et lui régler ses comptes. Il faut le prévenir, en 2015 il ne sera plus président ». Fermez le ban !

Centre-ville de Ouagadougou. Nouveau contrôle policier à des feux tricolores. Arrive un cycliste qui«brûle» délibérément les «feux rouges». Les policiers l'ignorent. Il revient et «re-brûle» le «feu». Pas de réaction. Il «re-re-revient» et «re-re-brûle». Toujours rien. Visiblement décidé à en découdre avec les forces de l'ordre, le cycliste les apostrophe ainsi : «Pourquoi vous ne m'arrêtez pas ? Il fallait le faire. C'est pour vous signifier que respect de la loi pour respect de la loi, Blaise doit commencer par respecter l'article 37 ». Dont acte.

Des cas similaires de défi à la loi et à l'autorité, on peut en citer en milliers, tant ils sont légion dans la cité depuis quelque temps.

Faut-il en rire ou en pleurer ? Ainsi va désormais le Faso où l'incivisme est devenu la chose la mieux partagée avec quelques fois des raccourcis incroyables. Comme clament certaines personnes pour nous faire avaler leurs turpitudes : « La soumission à l'autorité publique passe désormais par le respect de l'article 37 », nous bassinent-elles à l'envie. Toutes ces étrangetés pour en venir à ce qui s'est passé le lundi 14 avril 2014 dans les environs de l'Hôpital national Blaise-Compaoré où des occupants anarchiques et illégaux ont voulu s'opposer à un droit de jouissance. On a de plus en plus l'impression que le climat national, particulièrement délétère, synonyme à tort ou à raison de fin de règne pour certains, autorise presque tout.

Entre le Seigneur et nous, comment comprendre que des gens, qui étaient prévenus depuis près de 5 ans à l'avance qu'ils occupent un terrain qui ne leur appartient pas et dont certains, selon nos informations, ont été dédommagés entre-temps, persistent dans leur «Nous-pas-bouger »? En réalité, ils pensaient sans doute qu'avec le contexte dans lequel on évolue, les autorités n'auraient sans doute pas le courage de les déguerpir manu militari. «Fatal error !» (Erreur fatale) peut-on dire pour emprunter au langage anglo-saxon de l'électronique. Une erreur de jugement qui leur aura été préjudiciable. Les bulldozers sont entrés en action, les réfractaires à l'application d'une décision administrative n'avaient que leurs yeux pour constater la fin de la récréation.

Bien sûr, humainement, on ne peut que partager leur détresse de sans abri. Mais les déguerpis se seraient-ils soumis à l'interdiction de la mairie de Komsilga d'occuper le domaine du Centre hospitalier qu'on n'en serait pas là. Dans un Etat digne de ce nom, force reste toujours à la loi. Que ce soit sous Blaise ou sous la présidence d'une autre personne, cette maxime, qui en réalité est érigée en principe de droit pour protéger les faibles, doit être appliquée dans toute sa rigueur. Ce cas ne manque pas de ramener en surface ce vieux problème des non-lotis qu'on attribue souvent et que les attributaires se dépêchent de vendre pour aller s'installer plus loin, créant un nouveau non-loti qui constitue un autre abcès à problèmes.

Mais revenons à notre préoccupation pour dire que rien, absolument rien ne saurait justifier cette montée inquiétante de l'incivisme et dont les présumées victimes ne sont pas toujours celles que l'on croit.

Qu'il soit raisonnable pour Blaise de partir en 2015, beaucoup d'entre nous en conviennent, à moins d'être du Front républicain. Mais aussi inconstitutionnelle, illégale ou inélégante que soient les velléités ''révisionnistes'', du camp présidentiel, elles ne sauraient constituer d'excuses absolutoires à la chienlit qui guette la nation. Et puis, avant de crier à l'injustice, il faut être soi-même en règle.

Dans tous les cas, que ce soit Roch, Zéphirin, Gilbert ou François qui s'installe à Kosyam, ils n'auront que faire d'un peuple d'indisciplinés qui se foutent de l'ordre et de la discipline comme d'une guigne. Mais que voulez-vous ? Quand tout le monde démissionne, quand des policiers n'osent même plus interpeller des gens qui se mettent objectivement en travers des lois et règlements... ?

La réponse avec Platon, dans la ''République'' : «Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux, l'autorité de rien et de personne, alors, c'est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie ».

Hyacinthe Sanou

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