Handi Talent II : Pô en fête du 22 au 24 avril 2016

| 29.04.2016
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Handi Talent II : Pô en fête du 22 au 24 avril 2016
© DR / Autre Presse
Handi Talent II : Pô en fête du 22 au 24 avril 2016
Vous manquez un peu d’énergie ces derniers temps ? Vous trouvez qu’il fait décidément trop chaud pour bouger plus que le strict minimum ? Vous avez besoin d’une source d’inspiration pour un nouvel envol vu le train-train de la vie quotidienne avec ses problèmes et mésaventures et obstacles qui n’en finissent jamais ?


Alors vous auriez dû venir à Pô vendredi dernier et rester jusqu’à dimanche après-midi. Vous auriez été bouleversé(e), submergé(e) par les rencontres faites. A vingt kilomètres de son Kampala natal, l’admirable Reine Akoandambou a organisé un festival. Celles et ceux qui prestaient n’avaient peut-être pas tous leurs membres. Si vous-même en avez tous, en les voyant chanter et danser et transmettre leur joie de vivre au public, vous vous seriez demandé(e) si ce ne sont pas eux les valides.

Vous l’aurez compris : Hand Talent est le festival culturel, artistique et artisanal des artistes musiciens, danseurs, plasticiens, comédiens – handicapé(e)s on non – des quatre coins du Burkina. Une première édition a eu lieu sous la transition du 24 au 25 avril 2015. Merci Reine Akoandambou d’avoir relevé le défi et de nous être revenue avec une édition plus grande et encore mieux réussie !

handi 02Hiérarchie oblige – autorités d’abord : Handi Talent II a été placé sous la présidence de Smaïla Ouédraogo, Ministre de la Santé. Lors de son discours d’ouverture, il nous a assuré que le Président du Faso et son gouvernement placent les personnes handicapées au centre de leurs intérêts. Nous sommes ému(e)s et nous attendons voir. Merci, Monsieur le Ministre, de votre soutien et de votre présence parmi nous ce vendredi sous le soleil burkinabè d’avril ! Ensuite, Handi Talent II a été placé sous le haut patronage de Tahirou Barry, Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme. Empêché lui-même, il nous a envoyé un ancien de la maison, son conseiller. Last but certainly not least, Handi Talent II a eu lieu grâce au soutien et aux efforts infatigables de la marraine (comme déjà pour la première édition) Marie Laurence Ilboudo/Marchal, Députée à l’Assemblée Nationale et d’ailleurs coordinatrice du Réseau des Parlementaires Femmes et Développement du Burkina Faso. Merci maman ! Vous avez promis d’accompagner les futures éditions du festival Handi Talent – nous comptons sur vous.

programme handi talent(N.B. De ce programme, tout, sauf la cérémonie de clôture, a pu être mis en œuvre, même si les fonds récoltés étaient très en dessous de ceux budgétisés ; une malheureuse victime étaient les prestations musicales, qui auraient cette année toutes dû être en live et qui, en fin de compte, n’étaient que playback. N’empêche que le public suivait et adorait.)

Une personne handicapée, dans le modèle individuel du handicap, est vue comme un individu à réparer et à assister. Il y a la partie médicale, c’est la réparation, et il y a la partie caritative, l’assistance.

Selon le modèle social, c’est la société qui érige des barrières. C’est l’environnement inadapté qui rend la vie difficile pour quelqu’un(e). Si, par exemple, pour la conférence de Soumaïla Traoré, tout le monde s’assoit sur une terrasse accessible seulement par des escaliers, une personne en chaise roulante ne pourra accéder qu’avec de l’aide. La construction d’une simple rampe aurait garanti l’accessibilité. En construisant un escalier, en ne pas offrant une rampe, on a créé une barrière, on a choisi d’exclure d’accès une certaine catégorie de gens.

Un chauffeur de voiture qui conduit et parle au téléphone en même temps n’est pas apte à conduire, il est invalide. Un étudiant de droit en troisième année qui donne une conférence, si, sur les quatre membres, il n’a que les trois quarts d’un bras et un peu plus que la moitié d’une jambe, est valide – il est parfaitement capable de faire ce qu’il faut. Et qui plus est, brillamment.

C’est l’obstacle qui fait la ou le handicapé(e). «Handicapé(e)» n’est pas un état naturel. On peut être dans une situation de handicap à cause des obstacles et barrières. Un tel obstacle peut être physique – comme l’escalier – ou il peut être légal. Soumaïla Traoré, Ismaël pour ses ami(e)s, dont les idées j’expose ici, a animé une conférence «Comprendre le Handicap» et il l’a fait avec beaucoup de brio. Mais la situation légale ne lui permet pas de prétendre à un des 4.200 postes de professeurs de collèges dont le recrutement a été annoncé par le MENA à la mi-mars. Il a tout ce qui est requis. En plus du Bac+2, il a beaucoup d’expérience : il voyage beaucoup pour parler surtout du handicap. Il a été aux Etats Unis récemment, pour pousser plus loin avec ses études. Mais, désolé Monsieur Traoré, il y a une condition que vous ne remplissez pas : vous n’avez pas tous vos membres !

Ça rappelle la mésaventure que l’organisatrice de ce festival, Reine Akoandambou, a vécu, il y a de cela déjà quelques années. Excellente élève, elle a dû malgré elle abandonner l’école pour manque de fonds. Elle avait pourtant tout pour devenir une enseignante qui, avec son énergie et son courage, aurait été un merveilleux exemple pour ses élèves. Mais : désolé Mme Akoandambou : depuis votre polio, vous ne marchez pas aussi vite que les autres.

Soit dit en passant que la Reine nous est devenue chanteuse, à quelque chose la politique d’exclusion du Burkina en matière du handicap est bon ! Et Ismaël, lui aussi, a sans aucun doute plus grand à faire.

Résumons. Il y a une déficience d’abord – de pied, de main, des yeux... Résulte une incapacité : je ne peux pas marcher, Sam Sinaï ne peut pas applaudir de ses deux mains... Et puis intervient le milieu. Si le milieu est négatif et exclut, il y a «handicap» et il y a «personne handicapée». Si le milieu est positif, si on construit des rampes en lieu d’escaliers, si on rend la participation possible, alors yell ka ye – il n’y a pas de problème.

Déjà lors du concert du vendredi soir, Ismaël nous avait dit (je cite de mémoire) : «Moi, je ne me vois pas handicapé. Moi, je n’ai pas de problème. Ce sont les autres qui me voient comme handicapé...»

handi 03Selon la marraine, Marie Laurence Ilboudo/Marchal, lors de son discours le vendredi lors de la cérémonie d’ouverture, 1,2% des burkinabè seraient handicapé(e)s. Ca fait à peu près 200.000. Ce n’est pas peu.

Pour maintenant citer le document de projet du festival Handi Talent : «(Au Burkina, l)es populations les plus vulnérables, notamment les personnes handicapées, ne bénéficient quasiment d’aucun accompagnement (médical, économique) et participent peu à la vie économique et sociale. Il leur est souvent difficile d’accéder pleinement à leurs droits (à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi,...). Ces personnes se retrouvent donc très souvent en situation d’exclusion et de grande pauvreté.

Une étude récente a révélé que 66% des personnes en situation de handicap n’ont reçu aucune instruction et que seulement 16,5% ont atteint le niveau du primaire. 76,8% sont au chômage avec comme raison majeure évoquée le manque de qualification professionnelle. 43,7% ont le sentiment d’être exclues socialement.

De ce fait, depuis quelques années les autorités burkinabè avec l’appui des partenaires techniques et financiers fournissent des efforts pour une insertion socio-économique des personnes handicapées. Cependant, ces efforts restent vains, du fait que les mentalités tardent à changer malgré les sensibilisations autour de la question. Le constat amer est que ce sont les premières personnes intéressées qui acceptent facilement la résignation de leur situation en s’adonnant à la vie de mendicité.

Pourtant, il s’avère que des personnes handicapées participent activement à la vie socio-économique et professionnelle sans gêne, ni frustration en menant des activités socioprofessionnelles.

C’est fort de ce constat, (que nous initions) le présent projet.»

handi 04L’auteur de ces lignes a dû repartir à Ouaga samedi après-midi. Je n’ai donc pas pu participer au deuxième concert qui était – selon celles et ceux qui ont participé – encore meilleur que le premier (les problèmes techniques avec les micros avaient été réglés et puis c’était samedi soir, c’était encore plus la fête et il y avait plus de public). Et je n’ai pas pu assister à la grande excursion collective à Tiébélé, chez Alice Aditoua et autres. En route, à mi-chemin, et encore plus en revenant, Kampala a rendu un digne hommage à sa Reine, à sa fille Akoandambou.

Pour moi, les deux derniers points du programme auxquels j’ai pu assister, étaient la course tricycliste et la conférence d’Ismaël (voir ci-dessus).

handi 05Merci au gens de Pô ! Merci au public ! Merci aux autorités, député(e)s, SG et autres ! Merci à Laurent Samanyouga, qui a soutenu Handi Festival I en tant que DPASSN, qui a continué à soutenir Handi Festival II, maintenant en tant que directeur provincial au Nahouri pour le Ministère de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille.

Merci Ismaël de tes idées novatrices ! Merci Sam Sinaï de ton accompagnement sans faille ! Et merci surtout à notre courageuse Reine de Kampala, Reine Akoandambou ! Merci à toutes et à tous, du Nahouri ou d’ailleurs, qui ont contribué et dont je n’ai rien dit !

Reportage et photos de Günther Lanier, 27 avril 2016

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