Groupe d’auto-défense : «Nous demandons la libération de nos maris» (Jacqueline Kabré, femme d’un koglwéogo de Zongo)

| 12.08.2016
Réagir
Groupe d’auto-défense : «Nous demandons la libération de nos maris» (Jacqueline Kabré, femme d’un koglwéogo de Zongo)
© DR / Autre Presse
Groupe d’auto-défense : «Nous demandons la libération de nos maris» (Jacqueline Kabré, femme d’un koglwéogo de Zongo)
Réunis autour du chef coutumier de Zongo dans son palais hier 11 août 2016, des habitants de ce quartier, situé à la sortie ouest de Ouagadougou, n’avaient qu’un message : solliciter la clémence et l’indulgence des autorités administratives, politiques et religieuses du Burkina Faso afin que les 36 Koglwéogo détenus à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) soient libérés. Ils poussent ce cri du cœur dans l’espoir qu’il sera entendu par qui de droit.


Les souvenirs des événements de la journée du samedi 25 juin 2016 sont toujours vivaces chez les habitants du quartier Zongo, sis à une quinzaine de km du centre-ville. «Les Koglwéogo du quartier sont allés arrêter une personne dans le quartier Rimkièta dans la nuit du vendredi. Cette même nuit, il y a eu un communiqué, lequel demandait aux ressortissants dudit quartier de se mobiliser le samedi matin pour venir dissoudre le groupe d’auto-défense à Zongo. C’est ainsi que les membres de cette association se sont armés dans l’optique de riposter. Effectivement à quelques minutes de 10h, il y a un groupe de personnes (60 à 100) qui a surgi avec des machettes, des cailloux, qu’ils ont commencé à lancer, mais ils n’étaient pas très proches du site des Koglwéogo.

Ceux-ci avaient commencé à tirer en l’air pour dissuader quiconque s’approchait de leur QG, alors délimité par un fil. Il y a un vieux (Ladji) qui s’est approché des assaillants pour tenter une médiation, mais visiblement ces personnes étaient venues pour autre chose, (...) ». C’est ce que nous confiait en substance Arba Désiré Ouédraogo, le lendemain des échauffourées. Bilan : beaucoup de blessés, deux motos incendiés et une quarantaine d’éléments du groupe d’autodéfense déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Présent sur les lieux de la rencontre hier jeudi 11 août 2016, Arba Désiré Ouédraogo nous a expliqué que la doléance des habitants de Zongo dans cette situation est claire. « Nous demandons aux autorités du pays de les libérer », dit-il. Dans la cour du chef coutumier, sous un neem sont assis hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux venus pour la circonstance. Le temps de s’accorder sur les derniers réglages et les interventions peuvent ainsi commencer.

Jacqueline Kabré est la femme d’un des Koglwéogo. « Nous ne sommes pas contentes de l’incarcération de nos maris, c’est une grande tristesse », dit-elle. Et d’ajouter que leurs conditions de vie se sont dégradées de jour en jour depuis l’arrestation de leurs époux. « Nous n’avons plus de quoi nous alimenter, nous sommes en période de paludisme, nous avons des difficultés à soigner nos enfants malades. Quand le ciel s’assombrit en cette période de pluies, nous avons peur, des maisons tombent et nous ne savons pas quoi faire », raconte-t-elle avec une voix rouillée par l’amertume, pour dire que la présence de leur «moitié » atténuerait les difficultés.

Elle nous confiera par la suite que son mari soignait un mal de genoux avant d’être interné. Cependant, il ne le fait plus comme il se doit depuis son arrestation. « Je suis allé avec une pommade pour ce faire, mais le produit ne lui est pas parvenu, j’ai dit qu’il était déjà souffrant mais rien n’y fit », indique-t-elle avant d’en appeler à la compassion des dirigeants pour la relaxe de leurs conjoints. S’inscrivant dans la même dynamique, le représentant des jeunes, Hervé Zongo, signifie qu’ils ne cessent de penser aux 36 hommes «arrachés» à leur quartier quand il s’agit de manger ; un acte qui devient de plus en plus difficile à supporter. « Cela fait 50 jours qu’ils sont là-bas, il n’y a pas de démarches que le chef de Zongo n’a pas faite ; il est allé chez le Moro Naaba et d’autres personnalités, mais nous n’avons pas de nouvelles », renchérit-il. A l’en croire, la majorité de leurs «frères » sont malades et ne méritent pas de rester dans les geôles.

Aboubacar Dermé
___

Encadré

Les propos du chef repris par El Hadj Issa Kabré

Nous saluons d’abord tout Koglwéogo où qu’il soit sur le territoire national ; ils abattent du bon travail, voilà pourquoi nous avons implanté ça à Zongo. Nous ne savons pas pourquoi on ne veut pas des koglwéogo à Zongo, pourtant ils existent dans d’autres quartiers de Ouagadougou et en province. Les habitants de ces localités se promènent tranquillement et leur bétail aussi. Cependant des gens sont venus ici faire la bagarre. Sous ma houlette, des personnes âgées ont approché ces personnes venues d’ailleurs, car nous ne voulions pas qu’il y ait mort d’hommes, tous étant nos enfants et petits-enfants. Nous avons été attristés de savoir qu’il y a eu des blessés, des koglwéogo emprisonnés. Jusque-là, nous ne savons pas ce qui leur est reproché ; or, ceux de l’autre camp n’ont pas été inquiétés. Les koglwéogo avaient arrêté des voleurs, qu’ils ont laissé partir, ce sont les personnes qui veillaient sur nos biens et sur notre sécurité qu’ils ont amenées. Nous avons effectivement entrepris des démarches en vue de demander leur libération, mais rien de concret. Nous avons envoyé des gens leur rendre visite à la MACO et il ressort que beaucoup d’entre eux sont malades, nous ne savons pas s’ils auront la permission de sortir se soigner, et on court le risque également d’accentuer le mal que quelqu’un aurait faute de soins.

Lors des votes, nous avons vu les candidats des différents partis politiques, d’autres sont devenus des ministres. Nous avons voté pour eux mais nous ne savions pas qu’on allait être payé en monnaie de singe. Avec les koglwéogo, notre souci était de nous protéger et de les aider également parce qu’ils ne peuvent pas assurer la sécurité de tous les Burkinabè. C’est devenu ceux qui voulaient protéger nos biens qui sont des voleurs, leurs femmes sont dans le dénuement, des maisons sont tombées, elles vivent des difficultés. Même s’ils avaient commis une erreur, dès lors que nous avons demandé pardon, cela pourrait être accepté. Mais nous ne voyons pas leur faute. Ce sont des gens qui les ont rejoints à domicile ; si ce n’est pas la force, on interpelle le propriétaire de la maison et on laisse celui qui est venu d’ailleurs ! En tous les cas, nous demandons pardon, qu’on libère les détenus.

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité