Question: Quelle appréciation faites-vous du chiffre très élevé, environ 1 200, de fonctionnaires fictifs découverts par le biais du billetage?
Réponse: Rappelons qu’en 2011, il y a eu le recensement biométrique des fonctionnaires, après l’opération billetage de 2006. Selon l’ancien ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale, Apollinaire Soungalo OUATTARA, en mai 2011, sur les ondes de la Radio France Internationale (RFI), ce recensement biométrique de 2011 a identifié 200 fonctionnaires fictifs par an. Le salaire mensuel moyen au Burkina Faso étant d’environ 90 Euros, toujours selon lui, les 200 fonctionnaires fictifs coûtaient mensuellement environ 18 000 Euros, soit 12 millions de F CFA chaque mois.
Dans la même année 2011, on dénombrait sur le Système Intégré de Gestion Administrative et Salariale du Personnel de l’Etat (SIGASPE) 107 000 agents.
Par ailleurs, dans la même année, pour 9 871 postes pourvus par l’Etat aux concours de la Fonction publique, il y avait 432 000 postulants.
Pour l’opération billetage de 2015, il a été indiqué par le SIGASPE que les agents émargeant au Budget de l’Etat se chiffraient à 135 563. Mais ceux qui ont été contrôlés s’élèvent à 134 128 agents, soit un taux de 98,94%.
Ceux qui n’ont pas été payés s’élèvent à 1 435 agents pour des raisons diverses:
Ceux en situations régulière 222 agents: mission à l’étranger, stage à l’extérieur, évacuation sanitaire à l’extérieur, attente des premiers mandatements;
Ceux en situation irrégulière ou inconnue s’élèvent à 1 213 agents: licenciés, décès, démissionnaires, matricules doublés, etc..
Le salaire de ces agents, selon le gouvernement, remonterait annuellement à environ 2 728 421 472 F CFA, soit 4 165 528,97 Euros par an.
De 144 millions environ perdus par an en 2011 on est passé en 2015 à 2 728 421 472 F CFA. C’est simplement révoltant quand on sait les conséquences, ne serait-ce qu’immédiates en terme de manque à gagner en investissements dans les domaines éducatifs, sanitaires et en nouveaux emplois pour les jeunes. C’est criminel.
Comment peut-on expliquer ce phénomène, surtout qu’ils ne travaillent pas mais ils sont payés?
Ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête? La mal gouvernance, le clientélisme, la promotion de la médiocrité, la culture du gain facile, la promotion de la courte échelle, l’immoralité sont des tares intrinsèques du système capitaliste impérialiste. Des dirigeants au passé inconnu et lamentable et au présent insultant et injustifiable: le parachutage de nouveaux riches aux allures de vie vertigineuse.
Dans une société où les dirigeants politiques, religieux, coutumiers et traditionnels n’ont de vérité que pour les espèces sonnantes et trébuchantes, où le repère social est l’argent et le matériel mais non les valeurs morales, où des dirigeants de la société civile se ramassent à la pelle dans la rue, il ne peut qu’y avoir des fonctionnaires rarement vertueux; puisque ce qui est anormal devient la norme: vous volez, on vous promeut à un poste plus juteux et on vous décore le 11 décembre. Quelle règle de vie?
Qu’entendent faire les syndicats pour lutter contre ce fléau?
Certes, nous avons dénoncé à son temps le caractère spontané de l’opération qui a eu beaucoup de revers sur les familles avec les retards de payement des salaires et bien d’autres désagréments, mais, tout en félicitant les autorités pour cette initiative de l’opération billetage qui a permis une fois de plus de déceler ces dysfonctionnement administratifs, il faut des mesures idoines de sanctions à la hauteur des forfaits. Donc, la suspension des salaires seule ne suffit pas.
Le syndicat défend des valeurs et ne saurait donc cautionner des cas de malversation et l’immoralité. En dehors des personnes dont leur absence serait liée à des cas de maladie mentale, il faut punir. C’est dans ce sens que nous avons condamné la complaisance et le laxisme qui ont prévalu dans le jugement du dossier Guiro pendant les assises criminelles. Il faut juger et condamner à la hauteur des forfaits pour donner la leçon.
O. H