Le 8 février, le lendemain du viol, une amie donne l’information : " un journaliste bien connu à Dédougou pour son métier mais aussi pour ses frasques a violé sa bonne la veille vers 19 h après lui avoir administré deux injections et des comprimés qu’il lui a faits avaler auparavant ". Ça coupe le souffle.
L’information dépasse l’entendement. Ce, d’autant plus que l’acte " condamnable " est commis par un " journaliste " bien connu à Dédougou où il réside depuis des années. Cependant, l’information qui paraissait être une intox dès le départ, ne l’est plus. Le bouche à oreilles ou ‘’radio cancan’’ l’ayant suffisamment relayée. C’est ainsi que des personnalités aux simples citoyens ou cadres privilégiés, des amis et connaissances, hommes et femmes ont voulu savoir de quoi relevait cette situation. En effet, ce depuis le 7 février, jour de l’acte inqualifiable, la plupart des journalistes de la ville de Dédougou ont été interpellés, parfois indexés par des populations qui ne comprenaient pas le silence radio qu’ils observaient autour de la question. Eux qui sont prompts à rendre compte de tout quand il s’agit des autres.
C’est ainsi qu’on pouvait entendre des Dédoulais dire ceci : " vous les journalistes, vous êtes les premiers à écrire sur les gens, parfois même à mentir sur eux. Maintenant que c’est votre tour d’écrire sur vous-mêmes, vous fermez les yeux et les oreilles. On vous attend au tournant.
Même s’il faut qu’on se mobilise pour marcher contre vous, on le fera cette fois- ci ". C’est dire combien l’atmosphère était tendue et l’est toujours d’ailleurs dans la ville par rapport à cette question. C’est ainsi que la presse s’est retrouvée au centre d’une question qu’elle n’a pas voulue ni souhaitée.
A la recherche de plus d’informations, rendez-vous a été pris avec l’amie qui donné l’information, sa nièce plus trois autres filles dont la victime elle-même et ses deux copines. On devrait plutôt parler de sœurs puisqu’elles sont ses confidentes et l’ont soutenue tout au long de cette douloureuse épreuve. Une fois sur place, en compagnie d’un jeune homme du quartier (par précaution) nous avons écouté religieusement les propos de la victime. A trois reprises, elle est revenue sur son histoire avant de décider, à l’unanimité avec ses deux sœurs, de porter l’affaire à la gendarmerie ou au commissariat.
A la question de savoir si elle acceptait qu’on enregistre ces propos, elle a répondu par l’affirmative. Tout en souhaitant que l’affaire aille au-delà d’une simple publication dans un journal. Autrement, elle désirait voir son " bourreau " répondre de son acte devant le tribunal. Le lendemain dans la nuit, l’amie appelle et, à brûle-pourpoint ; fait part dans l’énervement le plus total qu’elle venait d’être l’objet de menaces de mort de la part du présumé violeur qui lui aurait intimé que si l’affaire venait à éclater, elle en pâtirait et qu’il ne lui pardonnait pas le fait d’en avoir parlé.
Dans tous les cas, l’affaire est en instruction et cela depuis le 8 février, date de l’audition de la victime et de moi-même, auteur de cet article. La victime, faut-il le relever, est orpheline de père ; sa mère trime dur à Bagala dans la Kossi pour joindre les deux bouts. Selon ses dires, elle est à son dixième mois sans salaire.
Jack Lassana Koné
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Les faits selon la victime
Que s’est-il passé entre toi et ton " patron " hier ?
Hier (ndlr : le viol a eu lieu le 7 février 2016 et l’entretien le 8) il est arrivé avec du ‘’gnonkon’’ et nous l’a proposé à manger en ajoutant qu’il allait nous faire à tous des injections. J’ai répliqué que je n’avais rien et que je suis en bonne santé. Il a aussitôt poursuivi en ajoutant que nous n’avons pas dit que nous aimons manger, qu’il allait nous piquer tous. Du coup, il a amené un médicament et m’a ordonné de l’avaler. Dès que je l’ai pris, tout mon corps s’est ramolli. Je me suis aussitôt couchée à même le sol et ai eu sur le champ des vertiges et une envie de vomir. Il m’a alors demandé ce que j’ai. Je lui ai déclaré que j’avais des vertiges et que mon corps s’était ramolli. Il m’a alors demandé d’aller m’installer dans une chaise. Ce que j’ai fait. C’est alors qu’il m’a fait une première injection après m’avoir fait un garrot. Voilà les traces. Puis il m’a demandé si j’avais des vertiges. J’ai dit oui. Après ma réponse, il m’a dit de l’attendre et il est encore allé puis est revenu avec une seconde injection et me l’a encore faite. J’ai dormi. J’étais assise dans une chaise. Au réveil, j’étais dans ma chambre et toute nue. Je n’avais plus rien comme vêtements sur moi.
Où étais-tu au moment des injections ?
J’étais au salon
Les deux injections ont-elles été faites au salon ?
Oui. Mais avant que je ne reprenne mes sens j’étais dans ma chambre et toute nue. Quand je me suis réveillée, j’ai appelé son fils. Je me suis levé et l’ai aperçu. Du coup, il a fui et est sorti à toute vitesse. Une partie de ma jupe était couverte de sang. Je l’ai alors lavée. J’ai encore appelé son fils qui lui dormait toujours. C’est en ce moment qu’il a démarré sa moto et il est sorti.
Qui a démarré sa moto ?
Mon patron
Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
Il avait fermé la porte. J’ai pris la clef et l’ai ouverte. Je suis allée trouver le petit frère du commandant à qui j’ai tout raconté avant de le prier d’appeler ma grande sœur parce que c’est elle qui m’a trouvé la place.
Tu lui as raconté quoi ?
Je lui ai raconté ce qui s’était passé. J’ai ajouté que je ne voulais plus travailler à son domicile pour ce qu’il m’a fait et que je voulais mon argent. Comme le numéro de ma grande sœur ne passait pas, il a donc appelé Fao Mathilde. Je lui ai tout dit, en lui montrant mes bras enflés.
Es-tu sûre et certaine qu’il a eu des relations sexuelles avec toi ?
Oui, tout le bout de ma jupe était tacheté de sang.
Auparavant tu n’étais jamais allée avec un homme ?
Non.
Tu en es sûre ?
Oui.
Même au village ?
Je n’étais pas au village. J’étais chez ma Tante à Nouna.
Quel âge as-tu ?
17 ans.
Tu veux dire qu’il est le premier et que c’est lui qui t’a rendu femme ?
Oui.
Après tout ça, vous ne vous êtes plus revus ?
Seulement ce matin (08/02/2016 ndlr). Il a demandé si je suis persuadée que lui il peut me faire l’amour ? Que si cela devait être, il m’aurait plutôt négociée, qu’il y a un tas de filles dehors. Je lui ai rétorqué que s’il ne l’avait pas fait qu’on " mette " la foudre. Il a dit oui. Après, il a dit à ma grande sœur que si l’affaire arrive à la gendarmerie, on va l’écrouer. J’ai martelé que compte tenu du fait qu’il me traite de menteuse, on ira jusqu’au bout. Il a dit de faire pardon, que nous sommes entre Bwabas donc formons une même famille et qu’il ne faut pas que l’affaire aille loin. Qu’il va donner de l’argent pour qu’on fasse un test de grossesse.
Faire quoi ?
Un test de grossesse.
Combien de francs a-t-il donné ?
Il a donné 1 500 F CFA
Cela veut dire qu’il y a eu quelque chose entre vous ?
Oui. Sinon, il n’avait aucune raison de donner de l’argent.
Au moment où il donnait l’argent y avait-il des témoins ?
C’est à elle (puis elle montre Mathilde) qu’il a remis l’argent.
Que dis-tu à présent ?
Il faut qu’il explique devant les autorités pourquoi il m’a fait ça.
Propos recueillis par
Zack Lassana Koné