L'histoire ne nous aurait pas intéressés outre mesure si la tension qu'elle crée ne menaçait pas la tranquillité dans la Cité du Cavalier Rouge. Déjà, le vendredi, c'est une vingtaine d'hommes en colère qui se sont rendus au gouvernorat où, à défaut du gouverneur, ils ont rencontré le secrétaire général, Abdoulaye Ouédraogo. Au sortir de leur concertation, le SG n'a pas voulu se prononcer. Mais les croquants, eux, nous ont confié que si dans 24h leur frère, Mady Nana, et son compagnon d'infortune, Bila Tiendrébéogo, n'étaient pas libérés ils durciraient le ton et bloqueraient la circulation sur la Nat. 14. Mais qu'est-ce qui justifie cette colère et les piques lancées au procureur, l'accusant d'avoir emprisonné Mady et Bila de façon ''arbitraire'' ?
Des explications de Frédéric Nana, frère de Mady Nana, il ressort que c'est en 2008 qu'un entrepreneur, Noël Kaboré, a manifesté le désir de s'acheter un camion Benne. Un de ses amis, Bila, chauffeur à la pharmacie Lafia de Koudougou, lui conseille de voir Mady Nana, professeur au lycée technique de Koudougou, qui aurait un ami en Alemagne, Adama Sanfo. Le lien est établi entre Sanfo et Noël. Des photos de véhicules sont envoyées. Noël porte son choix sur l'un d'eux. Prix concerté : onze (11) millions de nos francs. Noël ne dispose pas du montant en cash. Il prend quatre (04) ans pour verser à Sanfo sept (07) millions. Il demande ensuite à ce qu'on fasse venir le véhicule avant qu'il ne verse le reste.
« C'est exactement le samedi 27 décembre 2008 que j'ai informé Noël de la présence à Koudougou de Sanfo. Ils se sont rencontrés à deux. Plus tard, Noël m'informe qu'ils ont conclu l'affaire et que c'est propre'', précise Bila Tiendrébéogo avec qui nous avons échangé le samedi 07 juin à la Maison d'arrêt et de correction de Koudougou en présence de son coaccusé, Mady Nana. ''Noël a versé en 2009 deux millions, en 2010 un million, en 2011 deux millions puis autant en 2012'', précise encore Bila.«J'ai toujours transféré les sous dans le compte Eco-Bank de Sanfo et Noël en est régulièrement informé'', confie pour sa part Mady Nana. En novembre 2012, Adama Sanfo vient au pays avec deux camions dont celui que Noël avait choisi. ''Noël part voir le camion et avance encore directement à Sanfo 1,5 million pour le transit et le dédouanement'', indiquent Mady et Bila. Mady confie que Noël est revenu dire à Sanfo qu'il ne veut plus du camion, car son mécano lui aurait dit que le moteur est petit.
«Ce lundi si nos camarades ne sont pas dehors...»
«Sanfo lui propose de prendre le deuxième camion pour douze millions de francs. Noël accepte mais pour dix millions. Après, Noël se rebiffe et dit qu'il ne veut plus d'aucun des véhicules mais qu'on lui restitue immédiatement ses huit millions et demi », rapporte Mady. Selon lui, Sanfo accepte mais demande à son ''client'' de patienter afin qu'il liquide ses véhicules. Adama Sanfo est reparti en mai 2013 en confiant la vente de ses camions à son frère Salif Ouédraogo et en l'instruisant de rembourser Noël dès que la vente serait effectuée. «Contre toute attente, Noël estime que ça dure, qu'il ne connaît pas Sanfo, et que c'est Mady et Bila qui doivent lui restituer ses sous. Il convoque les deux à la gendarmerie, où on lui conseille de faire preuve de patience, puis chez le procureur qui, lui, fait jeter Bila et Sanfo en prison le lundi 26 mai 2014, les accusant d'escroquerie et de complicité d'escroquerie », confie Frédéric Nana. Avant de rejoindre leurs cellules, Mady et Bila disent être impatients d'aller en procès, car ils ne se reprochent rien.
Sortis encore plus nombreux le samedi 07 juin, les partisans de Mady Nana ont rencontré le commandant de la compagnie de gendarmerie qui propose sa médiation. Espérons que les choses rentreront vite dans l'ordre, car la foule menace d'appliquer sa propre justice si le lundi 09 juin, Mady et Sanfo ne sont pas dehors. Joint au téléphone le vendredi 06 juin, le procureur Antoine Kaboré s'est dit disposé à nous rencontrer mais était ce jour en rencontre à Ouagadougou. Néanmoins, il a indiqué que la procédure a été suivie et qu'il ne voit pas pourquoi il mettrait abusivement un citoyen en prison. Le procureur a invité l'entourage des mises en cause à dépassionner le débat et à attendre sagement le jugement. «Il boit avec Noël. Il a privilégié son amitié avec le plaignant.
Il refuse de les juger, car il sait que le dossier est vide. On avait programmé le procès le mercredi 04 juin et il l'a annulé », sont, entre autres, des accusations que les manifestants proféraient le jour de leur marche sur le gouvernorat. Autant les voies du seigneur sont impénétrables, autant la logique de la justice échappe souvent aux simples justiciables que nous sommes. Nul doute que si nous rencontrions le procureur, nous serions situés sur bien des points. L'avocat de Mady, joint lui aussi au téléphone, s'est refusé à tout commentaire, car ne gérant pas ses affaires dans les médias. Quid de Noël Kaboré ? Lui aussi était à Ouagadougou et promettait de nous rappeler. Chose qu'il n'avait pas encore faite malgré plusieurs relances de notre part. Nous y reviendrons.
Cyrille Zoma