L’événement vécu par la population de la cité du verger en cette nuit du mardi 4 août 2015 est extraordinaire et se passe de commentaire. Tout est parti de la disparition d’une fillette de 7 ans répondant au nom de Djamina Cissé, au secteur N° 3 de Orodara, dans l’après-midi du 28 juin dernier. Et malgré toutes les recherches menées par les parents, on est toujours sans nouvelles de la fillette.
Sa mère Mariam Barro raconte les faits: « Cela s’est passé pendant le jeûne musulman. Ce jour-là, aux environs de 16h, je l’ai commissionnée dans les cours voisines pour vendre du jus de sirop et elle n’est plus revenue ». Et de préciser que ce sont des cours que son enfant connaît très bien et fréquente souvent. Où est-elle donc passée ? Mystère... Dans la cité de Orodara Siriki , les commentaires vont bon train. Le sujet défraie la chronique et crée la psychose au sein de la population qui ne sait plus à quel saint se vouer. Du coup, cette disparition «réveille» une autre histoire vieille de quelques années, celle d’un garçonnet de 3 ans qui a disparu en 2009 dans la cour de la Croix-Rouge. A l’époque, l’affaire avait fait couler beaucoup d’encre et de salive mais est demeurée sans suite. Selon certaines sources, en 2015, on estime à cinq le nombre d’enfants portés disparus à Orodara et non retrouvés. C’est ce qui explique la colère des femmes. Cependant, le service de l’action sociale par la voix du directeur provincial, Moumouni Kagambeiga affirme que « c’est le seul cas de Djamina Cissé dont nous avons connaissance en 2015 . Certes, il y a parfois des parents qui viennent nous voir pour des cas de perte d’enfants, mais après, ils reviennent nous dire qu’ils ont été retrouvés. On ne peut pas se baser sur le seul cas de Djamina pour dire que le phénomène est préoccupant ». A entendre pourtant certains témoignages, le phénomène de disparition d’enfants serait criard à Orodara. Seulement, les cinq cas dont parlent certaines sources n’ont pas tous eu lieu uniquement en 2015, mais aussi antérieurement.
La marche des femmes
Ce sont les notables des différents villages relevant du canton de Orodara qui sont montés les premiers au créneau, pour dénoncer le phénomène des disparitions d’enfants, avec la sortie du « Lô » dans la nuit du 27 Juillet 2015 de 21h à 23h sur toute l’étendue du territoire communal. En pays siamou, l’apparition du « Lô » en pareille circonstance est pleine de sens et montre la gravité de la situation, a affirmé Nècoualé Coulibaly, forgeron de son état et responsable coutumier au secteur N° 2 de Orodara. Une semaine après, c’était au tour des femmes d’entrer en action. Une rencontre d’urgence a donc été convoquée à la maison de la Femme de Orodara dans la matinée du lundi 3 août 2015 pour se pencher sur le sujet. La mobilisation était de taille, assortie de chuchotements par ci et d’injures par là. Face au drame d’enfants perdus et non retrouvés, Madjara Véronique Diabaté ne cache pas son amertume : « Trop, c’est trop ! On n’en peut plus. Rendez-nous nos enfants ». Visiblement, le désespoir et la désolation se lisaient sur les visages des unes et des autres. A l’issue de cette rencontre, les femmes sont parvenues à deux grandes options. La première, c’était de recourir à la foudre pour découvrir soit les auteurs, soit les traces de la fillette. Mais cette option a été rejetée. Quant à la seconde, elle consistait à faire marcher les femmes nues dans les différents secteurs de la ville pour montrer la gravité du phénomène. La marche des femmes, a dit le chef de village de Orodara, Gbenehe Traoré, est une cérémonie coutumière exclusivement réservée aux femmes en pays siamou. Elle est appelée « Lô des femmes » et se pratique rarement, sauf en de très graves circonstances. Elle est strictement interdite aux hommes. En définitive, c’est cette proposition qui a été retenue par les femmes. La marche a été donc programmée pour la nuit du mardi 4 août 2015 à 20 h, et le rassemblement était prévu à 17 h devant le domicile du chef de canton de Orodara au secteur N° 2.
Interdit de filmer ni de photographier
Au jour dit et à l’heure indiquée, c’est une foule immense composée uniquement de « l’autre moitié du ciel » qui est sortie pour la cause. Il y en avait de tous les âges, les unes assises à même le sol ou sur des bancs et les autres debout, attendant impatiemment le moment fatidique. Parmi elles une présence très remarquée, celle de Julie une Togolaise qui, dans un Français approximatif a déclaré notamment : « je ne suis pas Burkinabè, mais en tant que femme et mère, cette histoire de disparition d’enfants me choque ». A 20 heures, le top de départ pour la marche est donné. Dès lors, interdiction de filmer ou de photographier. L’événement se déroule donc sans caméras ni appareils photos. L’éclairage public même est coupé pour la circonstance. Toute la ville est noire et silencieuse. Tous les bars, les boutiques et les kiosques sont également fermés. Mais quel sens peut-on donner à une telle manifestation ? Selon Bernard Traoré, chef de canton par intérim de Orodara Sidiki, l’action menée ainsi par les femmes à travers cette marche nocturne n’a pas d’effet immédiat, mais pourrait dans un futur proche, permettre de dénicher les auteurs ou de découvrir les traces de la fillette disparue. En attendant, Mariam Barro la mère de Djamina Cissé est inconsolable. Son vœu le plus ardent est que soit retrouvée son enfant. Le ou les responsables de la disparition de Djamina sont toujours introuvables. A en croire le directeur provincial de la police nationale du Kénédougou, Yacouba Drabo, les enquêtes sont ouvertes et se poursuivent. Pour sa part, le chef du village de Orodara, Siriki Gbenehe Traoré recommande prudence et vigilance chez les parents d’enfants.
Appolinaire KAM
(AIB-Orodara)
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Les cas de disparition d’enfants à Orodara de 2009 à 2015
Août 2009 : disparition d’un garçonnet de 3 ans à la Croix-Rouge, sans nouvelle à nos jours
2010 : disparition d’une fille au secteur 6, retrouvée après, mais inconsciente
2012 secteur 1 : disparition d’un garçon dont le corps sans vie a été retrouvé avec le sexe sectionné. L’auteur du crime a été arrêté et détenu à la MACO.
28 juin 2015 : disparition d’une fillette de 7ans au secteur N° 3.
Rassemblés par A.K.