Crier aujourd'hui à la stigmatisation ou à la victimisation de la communauté peuhl fait occulter les nœuds du problème. Il faut plutôt chercher les causes. La vérité rougit les yeux mais ne les crève pas, dit-on. Il faut analyser les origines des conflits, un à un. Il se trouvera que l'étincelle qui a mis le feu aux poudres est partie du fait d'un troupeau qui a brouté dans un champ. Il y a d'autres causes minimes comme les viols, les vols, la coupe des arbres pour alimenter le bétail et le contrôle des points d'eau.
Généralement, les tragédies ont consisté en des représailles. C'est dire qu'il y a eu, au départ, un manquement qu'il fallait circonscrire à son origine. Malheureusement, c'est là où tout dérape car les altercations ont toujours pris le dessus sur tout règlement heureux. Un ''éleveur'' a agressé à la machette, en signe de légitime défense ou non, un ''agriculteur'', et c'est la chasse à l'homme et une trainée de feu est répandue sur tout ce qui peut être consumé.
Ne nous voilons pas la face, taisons un moment nos ressentiments pour aller à la vérité: s'il n'y avait pas eu dégâts dans un champ, s'il n'y avait pas eu de tentative de viol ou de vol, peut-être qu'il n'y aurait pas eu de drame. Gardons bien nos bœufs et la paix sera préservée. Restons également dans nos domaines réservés et la paix sera préservée. Les membres des autres communautés commettent les mêmes délits mais pourquoi les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets? Voilà une question dont la réponse pourrait expliquer pourquoi ce sont les pasteurs Peuhl qui sont toujours victimes. Il faut chercher une partie de l'explication au niveau de la justice ou des officiers de police judiciaire (police et gendarmerie). Pour le paysan Lambda, il est vain de porter plainte contre un Peuhl. Il finira toujours par se tirer d'affaires. Il a les moyens de sa politique, c'est-à-dire d'essayer de corrompre l'autorité. Et ce sont certaines expériences vécues qui ont installé cette ''croyance'' au sein des autres communautés. L'impunité est une des causes de ces drames qui succèdent aux conflits. D'autres diront que c'est le contraire. Que ce sont les agriculteurs qui corrompent la chaîne judiciaire. Donc, les causes sont en partie connues.
Il faut aussi remarquer que la faiblesse numérique des Peuhl a toujours milité en leur défaveur. Car il est presque rare que, dans un conflit, les éleveurs soient les plus nombreux. Donc, ils paient le plus lourd tribut.
L'intelligentsia peuhl doit s'investir dans la sensibilisation pour atténuer les conséquences, à défaut de mettre fin à ces conflits. Elle comporte des leaders religieux et d'opinion écoutés et obéis qui peuvent œuvrer à un changement de comportement au sein de leur communauté. Il ne faut pas regarder cela comme une stigmatisation mais les conditions d'une réussite du vivre ensemble.
Puisque l'occasion fait le larron, il faut également travailler à soustraire les enfants de la rue. Lorsque l'on regarde le profil des talibés qui écument les villes, ce n'est pas faire une stigmatisation que de dire que la plupart est d'ethnie peuhl. Souvent, on a les larmes aux yeux de voir un môme qui pourrait toujours téter sa mère abandonné dans la nature, dans les griffes d'un soi-disant maître coranique. On ne peut pas délaisser ces enfants dans la rue et vouloir produire des modèles. L'insécurité est quasi permanente et a-t-on mesuré le sort de ces bambins devant des chasseurs de trésor sans scrupule?!
S'ils en réchappent, ils finissent par devenir, pour une grande part, des délinquants, puis des caïds. Ils ont appris à se battre (au propre comme au figuré) dans la vie et se sont forgé l'idée que l'existence est un combat permanent dans lequel il faut trouver les moyens de la survie; mêmes dans les actes répréhensibles. Voilà pourquoi, lorsque des présumés délinquants sont présentés aux médias, la majorité des patronymes ne trompe pas.
La république appartient à tous les Burkinabè, de mêmes que la terre et les eaux. C'est une constance. Mais toute vie en commun est également encadrée par des valeurs et des normes que tous se doivent de respecter.
Dans tous les cas, nous n'avons pas tracé ces lignes pour ouvrir une polémique stérile. Il y a certainement des vérités et des mensonges dans ce qui a été dit. Mais ce sont déjà des bases qui peuvent s'ajouter à d'autres contributions pour essayer de trouver une issue heureuse aux conflits entre communautés sédentaires, sédentarisées et pastorales. Ce n'est pas dire qu'il n'y en aura plus, mais c'est juste trouver des pistes de règlements heureux.
Lougouvinzourim