Instauration de la journée de travail continu : Quelle déconcertante précipitation !

| 04.09.2015
Réagir
Instauration de la journée de travail continu : Quelle déconcertante précipitation !
© DR / Autre Presse
Instauration de la journée de travail continu : Quelle déconcertante précipitation !
A la surprise générale des Burkinabè, le gouvernement de la Transition a décrété mercredi depuis Fada N’gourma, la journée de travail continu dans les administrations du secteur public. En plus d’être hâtif, le décret pris en Conseil des ministres prend effet dès le 15 septembre 2015, c’est-à-dire dans un peu plus d’une semaine seulement.


Parce qu’elle va nécessairement induire un profond bouleversement dans les habitudes des travailleurs du public, et par ricochet ceux du privé, une telle décision est, de notre point de vue, d’une importance capitale. C’est en cela que le gouvernement de la Transition aurait dû concocter un projet de loi portant institution de la journée de travail continu plutôt qu’un simple décret pris en Conseil des ministres. Cela aurait eu l’avantage d’ouvrir le débat au moins au Parlement, et de peaufiner la loi, de sorte à ce qu’elle tienne compte des réalités et des particularités de l’administration publique burkinabè, et surtout de préparer les esprits à ce changement. Au lieu de cela, Michel Kafando et ses «lieutenants» ont choisi de se «hâter rapidement», pour emprunter le jargon de la rue, ce qui cache mal leur intention de marquer un point de plus au bilan qu’ils vont présenter aux Burkinabè lorsque viendra l’heure de passer la main au premier gouvernement post-transition.

Qu’à cela ne tienne, l’idée des journées de travail continu était dans l’air du temps depuis des années. Car, s’inspirant des exemples de certains pays voisins dont le Ghana, les Burkinabè s’étaient laissés convaincre que le service continu dans les administrations publiques était une bonne option pour les fonctionnaires, surtout ceux des grandes villes dont certains avaient déjà pris l’habitude de ne pas rentrer chez eux à la mi-journée. L’avènement des journées de travail continu a aussi l’avantage de permettre aux fonctionnaires de faire des économies sur les frais de transport.

Mais il aurait également fallu penser aux millions d’utilisateurs des services de l’administration publique qui vont certainement être surpris par l’entrée en vigueur du décret. Combien seront-ils à se retrouver les après-midi devant les administrations publiques hermétiquement closes? A l’image de la loi portant interdiction d’importation, de commercialisation et d’utilisation des sachets plastiques, l’instauration de la journée de travail continu aurait dû passer par une phase d’information et de sensibilisation avant son entrée en vigueur.

Maintenant que le vin est tiré depuis Fada N’gourma, il va falloir le boire jusqu’à la lie!Les mesures d’accompagnement doivent rapidement suivre pour permettre aux travailleurs assujettis au régime de journée de travail continu, de ne pas être obligés de rentrer chez eux pour des besoins vitaux tels que l’alimentation. C’est pour cela qu’il faut vite instaurer les systèmes de restauration publique dans les services où ils n’existent pas et les renforcer là où il en existe déjà. La réhabilition des sanitaires dans les bâtiments abritant les services de l’Etat, l’institution d’un système de transport des enfants, etc., sont autant de mesures indispensables qui devraient précéder l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure.

De même, la vigilance doit être renforcée car il est évident que l’avènement des journées de travail continu est une porte ouverte aux fonctionnaires sans conscience professionnelle, pour passer le temps à feinter le boulot et se retrouver devant les guichets des banques dès le 25 du mois!

Au regard de tout ce qui précède, il est évident que l’on est bien parti pour rentrer dans une phase de tâtonnement à partir du 15 septembre. Il faudra encore du temps, et beaucoup de temps d’ailleurs pour en arriver à l’effectivité de la nouvelle mesure qui aurait pourtant pu faire la preuve de son efficacité si le projet était mieux pensé et mieux mûri!

Par D. Justin SOME

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité