Boycott du BEPC : Bras de fer MENA-Enseignants

| 10.06.2016
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Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
© DR / Autre Presse
Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
La Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER), a convoqué la presse en urgence ce jeudi 9 mai 2016, à Ouagadougou. Le corps enseignant du secondaire est mobilisé sur l’ensemble du pays. Boycott du BEPC et des évaluations de fin d’année, assemblées générales, sit-in devant la direction du Ministère de l’éducation du secondaire et du supérieur (MESS).Tous les moyens sont bons pour se faire entendre par un ministre qui demeure muet face à une crise de grande ampleur.


Jean Zongo, en service au Lycée départemental de Dakoro et Djibril Yonaba, professeur au lycée municipal Héma Fadouah Gnambia, campent sur leur position. Ces deux diplômés d’Etat refusent d’exercer en tant que directeur d’établissement, «et c’est un droit», précise Mamadou Baro, secrétaire général du F-SYNTER. Le Directeur provincial de l’éducation nationale de et de l’alphabétisation (DPENA) lui, ne semble pas du même avis, et l’a fait savoir. Le 4 mai 2016, nous leur avons adressé un communiqué sur les ondes de la Radio nationale : «Quitter leur fonction de professeur pour devenir directeur d’établissement, était un ordre, pas une proposition». Epaulés par le Bureau national fédéral, les concernés se sont adressé au Secrétariat général du Ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation, Jean Martin Coulibaly (MENA), qui a promis de vérifier et de régler le problème. Puis silence radio, pas un mot jusqu’au 20 mai 2016, date à laquelle leurs salaires ont été suspendus. Si ces deux hommes ont tenu à réaffirmer leur choix face à ce que M. Baro qualifie d’«abus de pouvoir et de volonté répressive», de nombreux enseignants «cèdent au chantage et aux pressions qu’ils subissent». «Nous parlons d’un abus d’autorité fondé sur trois éléments essentiels à savoir :

  • nommer à un poste de direction, un agent à peine sorti de l’école, sans aucune expérience ;
  • obliger un agent à accepter une nomination, alors qu’il a clairement signifié son refus ;
  • enfin, sur ces bases, suspendre le salaire de ce même agent, alors qu’il a rempli ses charges professionnelles en dispensant ses cours jusqu’à la fin de l’année scolaire».

Mémoire d’éléphant dans un corps de serpent

Mamadou Baro enseigne depuis 1985, au Burkina Faso. Il n’a jamais été directeur d’établissement, bien qu’on le lui ait proposé à plusieurs reprises. Ce refus, il l’a fait par choix : «Je n’ai le contrôle que sur les cours que je donne. Il est normal qu’un enseignant refuse d’être gestionnaire d’un système anti-éducatif». Depuis le début du BEPC, le mot d’ordre est le sit-in pour les travailleurs de l’éducation nationale, mobilisés surtout le territoire : «Partout, la désapprobation est totale. On ne compte aucune seule structure ouverte au débat. Le rejet est catégorique». Le Secrétaire général ne parvient pas à expliquer l’attitude du ministre Coulibaly, assurant qu’aucun problème personnel ne ternit leur relation. En refusant le dialogue, le ministre semble retarder l’échéance. Mais pour la F-SYNTER, c’est loin d’être une solution : «Celui qui refuse de prendre en main un serpent enroulé, se trouve bien plus embarrassé une fois que l’animal a déployé son corps».

«Il est en place depuis 5 mois à peine, et il s’engage dans un bras de fer qui n’est pas près de finir. Nous n’avons même pas encore abordé les problèmes de fond, relatifs à l’éducation nationale de notre pays, dans un état désastreux. Il y a manque de professeurs, manque de salles de classes. Celles disponibles, sont dans un état piteux». Aux Cascades, un directeur d’établissement a demandé des brasseurs au Ministère, afin d’équiper une salle de classe. Il lui a été refusé. Et de rétorquer que l’Etat ne pouvait pas acheter des ventilateurs pour toutes les écoles du pays. «Et pourquoi pas ?», s’interroge M. Baro, «ces mêmes ministres se paient en millions». D’après lui, «Les travailleurs restent profondément choqués. Il a les moyens de laver l’affront qu’il nous a fait. Qu’il réfléchisse à la manière dont il va arranger ça. Nous avons une mémoire d’éléphants, nous n’oublieront pas».

«Il y a quelque chose de pourri dans ce gouvernement»

Le lundi 6 juin, le Bureau national a déposé au cabinet du ministre, une correspondance relatant les faits et demandant une audience dans de brefs délais afin d’éviter la détérioration poussée de la situation. Malheureusement, aucune suite n’a été donnée. Rappelons que la législation actuelle stipule que, 5 ans d’exercice dans la fonction d’enseignant sont obligatoires avant de prétendre au poste de directeur. Pour M. Baro, il est évident que le gouvernement appuie les décisions du ministre en charge de l’affaire : «le MPP reprend les pratiques immondes du CDP, mais rien nous étonne». Et d’ajouter que les malversations dans le domaine de l’éducation sont monnaie courante, faisant notamment référence au cas de Dabiré Aristide, Directeur régional de l’enseignement des Cascades jusqu’à 2014. Le Syndicat détiendrait des preuves palpables, incriminant l’ex-haut fonctionnaire. Il y serait question de création de faux documents et de détournements de plusieurs millions de FCFA. «Le ministre étant au courant des faits, l’a nommé à l’UNESCO plutôt que de le juger ou de le radier».

Enseignants mal formés, maçons du «lit de l’échec»

Le Secrétaire général de la fédération reproche également le «recrutement hors la loi, de 4 200 enseignants, sans formation pédagogique réelle, sans statut, sans salaire légal, sans protection sociale», souligne que le recrutement des professeurs à 100 000 F CFA faisait partie du programme du MPP. «Catapulter des éléments formés sur le tas, c’est bâtir le lit de l’échec».

Les candidats du BEPC, épargnés

Les candidates du BEPC ne seront pas inquiétées par cette querelle. «Au vu de notre nombre, nous aurions pu sévèrement bouleverser le bon déroulement de cet examen. Si nous nous sommes abstenus, c’est par respect de l’investissement des élèves, et des parents», ajoute-t-il.

Le refus par le gouvernement de constater l’incidence financière de la loi 081, portant statut général de la Fonction publique, le recours à la «répression comme solution aux crises dans les établissements, l’incapacité à payer les heures supplémentaires des enseignants montrent selon le Syndicat le peu de considération qu’a le gouvernement actuel pour le secteur de l’enseignement».

Margot MEPHON

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