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Difficile réconciliation des Burkinabé ?

| 22.03.2015
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Mgr Paul Ouédraogo - Président de la Commission de Reconcilation Nationale et des Reformes(CRNR)
© DR / Autre Presse
Mgr Paul Ouédraogo - Président de la Commission de Reconcilation Nationale et des Reformes(CRNR)
A peine la Commission nationale de réconciliation et des réformes constitutionnelles a-t-elle été mise en place qu'elle a connu des démissions. Ismaël Diallo et Siaka Coulibaly lui ont claqué la porte. Pour des raisons diverses. Si le premier évoque des « convenances personnelles » tout de même liées « au manque de démocratie » dans l'élection des présidents des sous-commissions, notamment en ce qui concerne son remplacement par une dame, le second dit que la Commission ayant été vidée de son contenu judiciaire, il ne voit pas de raison de continuer à y participer. Fort heureusement, les deux se disent disposés à apporter leurs contributions à quelque niveau que ce soit, si on le leur demandait.


Peu importe. Ce qu'il faut relever ici, c'est déjà le fait même des démissions. Même si certains les minimisent, il faut tout de même faire relever qu'elles sont la preuve de ce que la réconciliation sera assez difficile en ce moment et en si peu de temps. En effet, on a l'impression que c'est à ceux qui ont soutenu la modification de l'article 37 de la Constitution qu'il faut pardonner. C'est une grosse erreur si on veut la réconciliation de ce seul côté. Car sur le plan juridique, les partisans de la modification de l'article 37, y compris le président Blaise Compaoré ont respecté la Constitution jusqu'à la démission de celui-ci. Il est même allé plus loin en souhaitant que la même Constitution soit respectée après son départ. D'où le recours fait à l'article 43 avant de démissionner.

En Côte d'Ivoire, Simone Gbagbo a été condamnée pour, entre autres chefs d'inculpation, « participation à un mouvement insurrectionnel » qui a eu pour conséquences des pertes en vies humaines. L'insurrection est-elle prévue par la Constitution burkinabè ? Quelle qu'elle soit ? Populaire ou non ? Fait-elle partie des modes de conquête du pouvoir ou de manifestation ? Toujours en Côte d'Ivoire, après la condamnation de Simone Gbagbo, des voix se sont une fois de plus élevées contre ce qui pourrait apparaître comme la « justice des vainqueurs ». En d'autres termes, la réconciliation et la justice ne doivent pas concerner que les vaincus ; il y a également les vainqueurs. Quand des gens utilisent les ruines de l'Assemblée nationale, après l'avoir incendiée, comme décor, il y a problème. Ne reste-t-il pas à utiliser les tombes des martyrs ou leurs images pour les mêmes raisons ?

Le Burkina Faso a vécu une période très difficile de son histoire. Par la faute de tous ses fils et filles. S'il doit y avoir réconciliation, c'est tout le monde et personne. La Commission nationale de réconciliation et de réformes constitutionnelles doit donc travailler dans un premier temps à mettre dans la tête de certaines personnes que le pardon est réciproque. Que celui qui pardonne ou qui demande pardon n'est pas toujours celui qui a tort. Par conséquent, demander aujourd'hui d'exclure des Burkinabè, quels qu'ils soient ou quel que soit ce qu'ils aient fait, c'est travailler contre la réconciliation. Et pourtant, le pays ne peut véritablement sortir de la crise et réussir des élections démocratiques, équitables et transparentes sans qu'il y ait eu réconciliation. Ce qui toutefois n'exclut pas la notion de justice.

Dabaoué Audrianne KANI

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