Cette découverte nous rappelle les propos du Directeur général de la BRAKINA, Marc Pozmentier, que nous avons interviewé le 18 décembre 2014 sur la disponibilité de boissons pour les fêtes de fin d'année. Interrogé sur la concurrence que les produits importés livrent aux produits de la BRAKINA, il avait répondu: «Nous n'avons pas d'inquiétude sur la vente de la bière. Notre inquiétude se situe au niveau de l'invasion de produits gazeux importés. Les importateurs de ces produits pratiquent une concurrence déloyale parce que ces produits sont de qualités douteuses et les prix pratiqués laissent des doutes sur la probité fiscale des importateurs».
Marc Pozmentier avait terminé son propos en martelant: «Nous n'avons pas peur de la concurrence. Il faut que les mêmes règles de jeu soient appliquées à tous et que le meilleur gagne».
L'inquiétude du DG de la BRAKINA se justifiait. Pendant que sa société paie en moyenne 35 milliards de FCFA d'impôts et taxes par an au Trésor public, d'autres personnes importent des produits prohibés, falsifient les dates de péremption et les revendent à des prix défiants toute concurrence. Ces personnes paient peu, ou même pas d'impôts. Elles n'emploient presque pas de salariés et, si c'est le cas, ces gueux sont payés au lance et n'ont aucun recours de revendication, sinon c'est la porte. Cette situation tue l'industrie locale en particulier et l'économie nationale en général. Mamady Sanoh, le président du Groupement professionnel des industriels (GPI), se lamentait un jour en substance: «On ne développe pas un pays avec des importations. Il faut une industrie viable. Ces messieurs [ndlr: importateurs fraudeurs] ont tout au plus besoin d'un fax, d'une calculatrice et d'un téléphone et le tour est joué. Ils lancent leurs commandent qui arrivent en déjouant tous les contrôles, alors que l'industriel ploie sous le poids des charges.»
D'autres secteurs industriels comme celui du sucre, des huiles alimentaires, les piles, les pneus, etc., connaissent cette forme de concurrence déloyale. Une situation connue de tous. En marge de la visite que le Premier ministre a effectuée dans les locaux de la SN Citec à Bobo le jeudi dernier, Alexandre Zanna, le DG, avait tiré la même sonnette d'alarme: «Les problèmes que nous rencontrons au quotidien, c'est la fraude. Je crois que le GPI prendra la parole cet après-midi [ndlr: le Président du Faso et l'ensemble du gouvernement ont reçu les forces vives de la région des Hauts-Bassins dans l'après-midi du jeudi 19 février au nombre desquelles le GPI] et la première des problématiques, ce sont les fraudes. Bien sûr qu'il faut les importations d'huiles parce qu'à nous seuls nous ne pouvons pas satisfaire la demande de l'Etat et de l'ensemble des populations mais il faut que les fraudes cessent; ce qu'on souhaite simplement, c'est un soutien pour limiter les importations, notamment celles qui sont frauduleuses pour nous permettre de faciliter l'écoulement de nos produits. Si nous arrivons à vendre nos produits à un prix correct, nous pourrons travailler à améliorer les conditions de vie des travailleurs, embaucher d'autres personnes et continuer à faire des investissements. On ne demande ni plus ni moins que ça.»
Auparavant, c'était Isabelle Garango, DG de la Sap Olympic, qui se plaignait également, lorsque les travailleurs manifestaient le 9 janvier dernier pour exiger la satisfaction de points de revendications: «Vous savez, l'année 2014 a été très mauvaise pour la SAP. Notre chiffre d'affaires a baissé de plus de trois cents millions de nos francs. Nous avons alors produit pour moins de cinq cents millions.» En plus clair, elle dénonçait les effets de la fraude sur les pneus et chambres-à-air. Tout à côté, Lazare Soré de Winner Industries n'a plus de geste que pour montrer ses magasins bondés de stocks invendus de piles. L'industrie meure et les importateurs prospèrent à tous égards. Ça ne peut pas continuer.
Malgré les dénonciations, les jérémiades des responsables des industries concernées ainsi que de leurs travailleurs dont les emplois sont menacés, les gouvernements successifs du régime Blaise Compaoré ne se sont pas penchés sur le problème. Personne n'est contre l'importation des produits. Cette pratique doit répondre à des règles précises. Que les produits importés soient de bonnes qualités. Que les importateurs soient en règle vis-à-vis de l'administration fiscale, douanière, sanitaire, etc. Enfin, que l'importation vienne combler le déficit de la production locale et non l'étouffer.
La découverte de 1 280 tonnes de produits prohibés est un bon prétexte pour le gouvernement de mettre de l'ordre dans les importations afin de mettre au pas ces puissants importateurs que personne ne pouvait toucher sous le règne de Blaise Compaoré. La firme Coca-Cola devrait également rentrer dans la danse, elle qui a été lésée dans ce deal macabre qui va entamer sa renommée sur une certaine catégorie de produits.
Abouga Tagnan