Le mardi 2 février 2016, à Bilga, grâce à la médiation des autorités de la province du Bam, le calme est revenu. Sous l’arbre à palabre, les rencontres se sont multipliées pour demander aux Mosse de jouer la carte de l’apaisement. En l’absence du Haut-commissaire de la province du Bam, c’est le secrétaire général, qui a sollicité la compréhension des populations. En effet, suite à l’arrestation de 6 personnes de la communauté moaga, présumées coupables de coups et blessures ayant entraîné la mort de Gorko Sondé (un Peulh), les Mosse ont exprimé leur colère en saccageant 4 concessions et un grenier de maïs. C’est le constat que nous avons fait lorsque nous nous sommes déplacés sur les lieux, sous haute surveillance des éléments de la police nationale. « Nous vous demandons de faire confiance à la justice. Si ceux qui ont été interpellés ne sont pas reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés, ils seront relaxés », a dit le secrétaire général face à des dizaines de personnes sorties. Après avoir religieusement écouté le SG, elles ont, par la voix de leurs délégués demandé de transmettre deux doléances à l’administration : la libération des 6 personnes détenues et le déguerpissement des Peulh du village de Bilga. Le secrétaire général a promis de les transmettre à ses supérieurs hiérarchiques.
Pour Jean-Bosco Sawadogo, un ressortissant du village de Bilga, la crise intercommunautaire est née est d’un conflit foncier. « Tout est parti le samedi 24 janvier 2016 lorsqu’un jeune Peulh, Gorko Sondé, a voulu construire sur un terrain qui appartient à un Mossi, Albert Bamogo. Celui-ci est allé lui dire de surseoir au projet de construction sur le terrain. Les populations ont demandé pardon en vain. Mais Gorko Sondé a refusé catégoriquement. Il a dégainé sa machette pour s’en prendre au propriétaire terrien. Les gens ont même eu à récupérer sa machette qu’ils ont par la suite déposée à la mairie. Dans la foulée, le Peuhl a été gravement atteint. Au CSPS de Nasséré, il a été évacué au CMA de Kongoussi puis au CHU-Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou. Malheureusement, le samedi 30 janvier 2016, nous avons appris sa mort », a-t-il dit.
Pour Ali Sondé, du village Bilga peulh, le terrain litigieux appartient bel et bien à la communauté peulh installée dans le village depuis des lustres. Il a d’ailleurs laissé entendre qu’une solution avait été trouvée auprès du chef du village. Selon lui, c’est la témérité de Albert Bamogo, aujourd’hui écroué à la Maison d’arrêt et de correction de Kongoussi qui est la cause de la crise. Morceaux choisis de la version de Ali Sondé : « La crise a commencé depuis l’année passée quand Gorko Sondé est allé pour construire des maisons sur un terrain. Albert Bamogo lui a interdit sous prétexte que le terrain lui appartenait. Le chef du village a convoqué les deux protagonistes en présence d’autres personnes dont Souleymane Sawadogo et moi-même. Le chef a reconnu ce jour-là que le terrain n’appartenait pas aux Mossi. « Je suis Moaga, mais il faut reconnaître que le terrain appartient aux Peulh », a dit le chef tout en faisant un petit cours d’histoire sur la présence des Peulh dans le village. Les différentes parties se sont accordées sur ce que le chef a dit ce jour. Gorko Sondé, en guise de remerciement au chef, lui a remis 200 F CFA pour sa cola. Après cet épisode, Gorko a voulu construire. Albert Bamogo s’est encore opposé. Lorsque Gorko et Albert Bamogo se sont disputés, des gens sont venus du village et ont dit de les tuer, lui et ses frères. Ils se sont mis à lui donner des coups de machettes et de haches. Gorko, grièvement blessé a été conduit à l’hôpital. Malheureusement, il a succombé à ses blessures.»
Selon Hamidou Sondé, il y a comme un acharnement des Mosse à l’endroit des Peulh car dans le fond selon lui, il ne s’agit pas du conflit foncier. Parlant justement du foncier, les problèmes semblent ne pas dater d’aujourd’hui. Les deux communautés vivent dans une tension permanente depuis belle lurette. « Le problème foncier existait depuis longtemps. Il y a même des dossiers pendants au niveau de l’administration. Il y a une école qui est située au village de Nodin à côté du quartier peulh. Le village de Bilga compte 6 quartiers. Le village Peulh relevait administrativement de Bilga. Selon ce que nous savons, c’est de Nodin que les premiers Peulh sont venus s’installer. Auparavant, il y a déjà eu un conflit qui est même allé devant les tribunaux. En son temps, les Mossi n’ont pas eu raison. Je pense que c’est tout cela qui est la cause du mécontentement des populations », a confié Jean-Bosco qui a le sentiment qu’en matière de justice, la communauté moaga est lésée. « Suite au problème, 6 personnes ont été entendues et transférées à la prison civile. C’est cela qui a révolté les populations. C’est vrai qu’il y a eu mort d’homme, mais les villageois ont l’impression que la Justice est partisane. Pourquoi personne du côté Peulh n’a pas été arrêté ? Nous espérons que les négociations vont continuer pour la libération des 6 personnes. On espère que la Justice comprendra pour que le pire soit évité », a-t-il demandé.
Lorsque nous quittions le village de Bilga, l’administration était arrivée à calmer les ardeurs des villageois qui sont allés vaquer à leurs occupations. Mais pendant combien de temps ce calme précaire durera ?