Chronique : Funérailles de pagaille

| 25.01.2014
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Chronique : Funérailles de pagaille
© DR / Autre Presse
Chronique : Funérailles de pagaille
Vous avez dit funérailles ? Quelles funérailles ? Celles d'hier ou d'aujourd'hui ? Gourmandise et vantardise, subterfuge de nos boulimies, fioriture de la vanité. C'est déplorable de voir que la société moderne a mis en berne nos valeurs ancestrales pour ramer à contre courant vers une identité servilement copiée et culturellement modifiée. Nous avons tout perdu sur les bancs de classe, nous avons tout perdu au pied des cloches des chapelles, nous avons tout abandonné dans le rendez-vous du donner et du recevoir, sans savoir ce qu'il fallait garder jalousement et à tout prix. Nous sommes entrés bredouilles dans la mondialisation.

Quand la mémoire de nos morts s'honore sous fond de bombance sonore aux allures de réjouissance, convenons que le silence du recueillement a fait place au tintamarre et au tapage de l'arrogance. Le symbole ne fait plus école, nos funérailles sont devenues des spectacles organisés, un bazar où tout se fait au hasard. Le monde est devenu bizarre. De nos jours, nos traditions sont en perdition, la religion peine à se faire une place dans le cœur des hommes. Même le bon sens se fait de plus en plus rare. Nos funérailles sont devenues aujourd'hui des retrouvailles et des occasions de victuailles ou l'on fait ripaille dans une de taille.
Aujourd'hui, certaines funérailles ressemblent à Noël ou à la fête du Nouvel an : on saute le champagne, on boit la bière, on dévore les brochettes dans une ambiance de night club où les décibels s'étouffent parfois dans les rigolades des invités imbibés. Comment peut-on commémorer la mémoire d'un père ou d'une mère comme on célébre la venue d'un nouveau-né ? Comment peut-on se recueillir et prier pour le repos de l'âme d'un être cher au rythme de coupé-décalé à vous donner des céphalées. C'est vrai, parfois c'est très dansant, le « faro » est même de taille, mais le boucan du festin donne des insomnies au défunt.
Au village, un peu de dolo ou de « zom-koom » suffisent pour étancher la soif des parents et amis venus de loin. Quelques calebasses de mil et d'arachides, quelques poulets ou petits ruminants suffisent pour relever le défi du symbole. Aujourd'hui en ville, on s'endette à hauteur de millions de F CFA pour arroser la commémoration. Triste refuge pour se goinfrer de bonne ration et roter le ventre en l'air. Quand l'estomac nous tient, la raison tombe dans le coma. Si seulement nous pouvions diluer nos aventures terrestres d'un peu de mesure, nous comprendrions certaines lois de la nature. Dommage que certains ont perdu le sens de l'utile pour le futile et le superflu.
On n'a pas besoin de luxe pour honorer les morts, parce que les morts ne se vantent point. On n'a pas besoin de projecteurs ni de feu d'artifice pour exprimer son amour pour le défunt. De son vivant, on avait toute la latitude de le faire. Hélas !
Aujourd'hui, la cour est pleine à craquer, les cadeaux sont trimbalés de gauche à droite, sans oublier les enveloppes gonflées de feuilles ou de bons d'essence. Aujourd'hui, la cour scintille de lumières, de capsules de bière, d'os de gallinacées et de cure-dents. On mange, on boit, on se saoûle, au nom de maman. On s'insulte, parfois on se serre les colles, sous l'effet de l'alcool pour une fiole de gnôle, pour un oui ou pour un non, avant de féliciter les sponsors du show : « C'était balaise ! » Quel malaise !
Et dire que maman a vécu sans avoir vu tout cela. Elle n'a pas eu la couverture de cotonnade qu'elle a toujours demandée pour soulager ses flancs meurtris par le froid. Elle n'a jamais eu la chance de dormir sur un matelas de 4 000 F CFA. Aujourd'hui, elle dort paisiblement dans un cercueil de 400 000 F CFA, encensé les parfums les plus fins. A quelle fin ? Aujourd'hui, le budget de ses funérailles pouvait lui redonner un peu de souffle et retarder son ultime voyage. Quel gaspillage ! Pour un hommage, c'est dommage !
Vanité des vanités, tout est vanité !

Clément ZONGO
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