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Chantiers d’aménagement forestier : Un palliatif à la saignée des forêts burkinabè

| 25.03.2014
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Chantiers d’aménagement forestier : Un palliatif à la saignée des forêts burkinabè
© DR / Autre Presse
Chantiers d’aménagement forestier : Un palliatif à la saignée des forêts burkinabè
Les provinces du Ziro et de la Sissili (Sud) fournissent à elles seules, environ 120 mille stères de bois et 100 mille quintaux de charbon par an, à la capitale burkinabè. Grâce aux chantiers d'aménagement forestier, ces besoins sont non seulement comblés au fil des ans, mais aussi le patrimoine est sans cesse renouvelé.

Chaque jour, des dizaines de « wanb-raado », des camions chancelants chargés de bois ou de charbon, quittent les provinces boisées du Ziro et de la Sissili, en direction de Ouagadougou. Selon les données des services de l'environnement de ces localités, entre 100 et 120 mille stères de bois en provenance du Ziro et 80 mille à 100 mille quintaux de charbon de la Sissili sont ainsi acheminés annuellement vers la capitale. Malgré la subvention de l'Etat accordée au gaz-butane depuis une quinzaine d'années, la majorité des deux millions de Ouagalais qui ont des revenus intermédiaires, n'ont d'autres recours énergétiques que ces combustibles. La préparation des mets et en particulier du dolo (bière locale) nécessite une grande quantité de bois à raison de l'utilisation massive de foyers traditionnels à faible rendement. Ce bois provient principalement des Chantiers d'aménagement forestier (CAF), des massifs forestiers dont la gestion, depuis le début des années 1990, incombe aux communautés de base organisées en Groupements de gestion forestière (GGF), sous le contrôle de l'administration forestière et de ses partenaires. Sur les treize CAF que compte le Burkina Faso, sept sont dans la région du Centre-Ouest dont quatre pour la seule province du Ziro. Un détour dans la zone nous a permis de constater la gestion au quotidien des chantiers d'aménagement de Sapouy-Biéha (22 166 ha) dans le Ziro et celui de la Sissili-Sud-Ouest (25 145 ha) dans la Sissili.

Chaque Groupement de gestion forestière a en charge une Unité d'aménagement forestier (UAF, 1000 à 2250 ha), qui regroupe des forêts cédées par un ou plusieurs villages, nous apprend un animateur du CAF Sapouy-Bia, Saïbou Nama.

La rotation comme principe de base

La coupe du bois s'effectue sur des parcelles (sous-unités de 10 à 15 ha chacune), entre janvier et mars, suivant des règles strictes telles que, la coupe d'arbres "malades" (50%) et l'utilisation de techniques d'abattement favorisant leur régénérescence, indique le chef de service départemental de l'environnement de Sapouy, Ousmane Ouédraogo. Il a précisé que le conditionnement et l'enlèvement du bois se poursuit jusqu'en octobre. Après l'épuisement des stocks exploitables d'une parcelle donnée, il faut attendre 15 ans pour y autoriser une nouvelle exploitation. A en croire M. Ouédraogo, au bout de cette jachère, la forêt initiale est reconstituée. Et c'est grâce à cette technique que le ravitaillement est ainsi possible tous les ans et que le consommateur non averti, a l'illusion du non tarissement de la ressource. La même technique est utilisée au niveau du CAF de Sissili-Sud-Ouest où, selon un des animateurs du site, Ali Coulibaly, c'est l'exploitation du charbon qui prédomine car, a-t-il poursuivi, il y a mévente du bois du fait de l'éloignement de la zone des centres urbains. Néanmoins, 7 mille stères de bois ont été produits en 2012 et contrairement à la coupe du bois, la production du charbon qui se fait, par intermittence, dépend grandement du calendrier des agriculteurs, a-t-il ajouté.

Retombées sur toute la chaîne

Mais, le producteur se doit d'être affilié à un groupement titulaire d'un permis d'exploitation et obligation lui est faite d'utiliser la « meule casamançaise », une technique de carbonisation du bois à très haut rendement, relève l'animateur. La production du bois et du charbon dans les provinces du Ziro et de la Sissili implique bon nombre d'acteurs, c'est-à-dire, des producteurs aux revendeurs, en passant par les transporteurs et l'Etat. Chaque entité y gagne sa part. A en croire Saïbou Nama, sur les 2 200 F CFA de taxes prélevées par stère de bois, 600 F CFA vont à l'UAF, 300 F CFA à l'Etat, 1 100 F CFA aux bûcherons et 200 F CFA comme fonds de roulement pour le village d'où est issu le bois. De 1990 à 2011, les populations du Ziro ont bénéficié de retombées financières estimées à 244 537 732 F CFA en moyenne, par an, réparties entre l'Etat et les acteurs, a précisé Ousmane Ouédraogo. Pour les populations riveraines, en plus du gain, les CAF leur fournissent du bois, de la paille pour leurs habitations et des plantes médicinales. Entre 1300 et 1400 membres des différents GAF, tirent présentement leur subsistance de la CAF de Sissili-Sud-Ouest, soutient Ali Coulibaly. Cependant, les immenses terres fertiles que constituent les chantiers d'aménagement forestier suscitent de nombreuses convoitises telles que celles des agriculteurs et des éleveurs qui y voient des pâturages à perte de vue. Aussi, les agents commis à la garde de ces richesses nationales doivent faire face aux redoutables agro- businessmen et aux contrebandiers.

''Bois vert'', ''bois sous écorche'' et agrobusiness

L'essentiel des 330 000 ha de forêts aménageables au début du projet dans la province du Ziro, a été envahi par les exploitants agricoles, notamment les agro-businessmen, déplore Saïbou Nama. Selon l'animateur, certaines personnes ne sont intéressées que par le profit qu'elles vont tirer de la vente du bois issu des vastes superficies qu'ils ont acquises. « Si on autorise un seul individu à posséder une centaine d'hectares, de quoi les enfants vont-ils hériter ? », s'est-t-il interrogé. Pour Ali Coulibaly, la coupe du bois, même dans les espaces privés, doit respecter certaines conditions au risque de créer un déséquilibre écologique. Il a expliqué que couper les arbres sur les côtes précipitait l'avancée du dessert et qu'il fallait sélectionner les arbres à abattre en fonction de la quantité et des espèces disponibles. Les deux animateurs ont également tiré la sonnette d'alarme sur l'empiètement des CAF existants. Le CAF de Sapouy-Biéha est passé d'une superficie initiale de 22 166 ha à 19 741 ha en 2008, soit une réduction de 11,28% et celui de la Sissili-Sud-Ouest de plus de 25 mille ha en 1999 à environ 20 mille en 2011, indiquent-ils. M. Coulibaly a souhaité que de vastes programmes voient le jour à temps afin d'arrêter le déboisement de ces forêts. « Si on n'y prend garde, je crains que le Centre-Ouest ne ressemble un jour à la région du Sahel en terme de couvert végétal », a-t-il prévenu. Les services forestiers veillent au grain pour que des arbres bien portants ne soient coupés (bois vert). Pourtant, du côté des acheteurs de bois, l'on milite pour l'enlèvement du bois vert issu notamment des défriches et des différents aménagements. C'est le cas de Sambo Ilboudo qui soutient qu'à cause de la rareté du bois, il faut parcourir maintenant de longues distances pour en avoir. De peur que le bois en provenance des défriches ne soit assimilé au bois vert ou au bois sous écorche (bois vert coupé sous certaines conditions avec l'autorisation des services compétentes), Ousmane Ouédraogo pense qu'il n'est pas opportun, de « permettre à quelqu'un d'acheminer du bois issu des défriches vers Ouagadougou au moment de l'enlèvement du bois des parcelles ». Du reste, M. Ilboudo a mentionné la hausse du prix du bois. Selon lui, le camion se négociait avant entre 20 000 et 25 000 FCFA, mais maintenant, il faut débourser au moins 50 000 FCFA, sans compter les taxes. Ali Coulibaly s'est offusqué que la Sissili soit accusée régulièrement de produire du ''charbon vert'' (charbon produit à partir d'arbres bien portants). "Le charbon vert' produit dans la Sissili provient du bois issu des défriches et des travaux publics ou du bois sous écorche quand il y a mévente", a-t-il clamé. Et de se vexer quant à la généralisation qui en est faite de tout le charbon en provenance de la province. Face à la pression démographique, aux surpâturages et aux nouveaux défrichements qui empiètent sur l'intégrité des CAF, les acteurs interrogés ont appelé à une synergie d'actions afin d'éviter que le pire n'arrive : la disparition de ces couverts végétaux. Ils ont également invité à la promotion par les pouvoirs publics et les organisations, des énergies renouvelables et des foyers améliorés.

Tilado Apollinaire ABGA
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