Il est 18 heures 20 minutes. Trois cars d’une société de transport stationnent l’un derrière l’autre, à l’entrée principale du stade Wobi de Bobo-Dioulasso. A bord des cars, 248 Burkinabè chassés de la Guinée Conakry. La cause ? Personne ne le sait du côté des Burkinabè (sauf les Guinéens eux-mêmes), même pas les victimes. Accueillis et enregistrés par des services de l’Action sociale et de la Solidarité nationale depuis les frontières de la Côte-d’Ivoire, nos compatriotes sont arrivés dans un état piteux à vue d’œil. "Nous avons été chassés de la Guinée par des forces de l’ordre. Les Guinéens disent qu’ils ne veulent pas d’étrangers chez eux. Ils nous ont dépouillés de tout. Malheureusement, pour nous, les villageois qui nous connaissent ont aidé les forces de l’ordre à nous arrêter. Même ceux qui fuyaient à pieds, ont été arrêtés à la frontière et ramenés de force pour être enfermés dans des camps militaires. Franchement, moi je ne saurai vous dire la cause réelle de cette barbarie à notre égard", témoigne Seydou Derra. La violence à l’égard de nos compatriotes a été confirmée par d’autres membres du groupe. Aucun d’eux ne sait pourquoi ils ont été chassés de façon méchante.
"Des hommes en tenue militaire sont arrivées avec un armement assez important pour nous traquer. Personnellement, quand ils m’ont arrêté, je leur ai dit que j’ai la somme de 100 000 FCFA sur moi et j’ai une moto. Ils ont tout retiré et j’ai été conduit directement dans un camp militaire où je me suis retrouvé avec d’autres Burkinabè. S’ils nous donnent à manger aujourd’hui à 17 heures, il faut attendre le lendemain à 17 heures avant d’espérer avoir de quoi manger. Des gens ont été bastonnés, mais moi, Dieu merci, ils ne m’ont pas frappé", confie Ahmed Confé.
Une vraie xénophobie contre les étrangers ?
La chasse aux étrangers dans la Guinée de Sékou Touré ne concernerait pas seulement des ressortissants burkinabè. Elle concernerait aussi des ressortissants d’autres pays, notamment du Mali, de Siéra Léone... Les 248 Burkinabè qui sont arrivés, sont des ressortissants de régions différentes. Il s’agit des Hauts-Bassins, des Cascades, de la Boucle du Mouhoun...
Le président du CORESUR, Alfred Gouba, accompagné des responsables régionaux de l’Action sociale, de la Croix-rouge et d’autres personnes ressources ont accordé aux expulsés de la Guinée Conakry, les premiers soins d’urgence. Selon le gouverneur des Hauts-Bassins, depuis qu’il a été contacté par rapport à l’arrivée des Burkinabè expulsés, il a mobilisé son équipe pour les accueillir. En effet dès leur arrivée au stade Wobi de Bobo-Dioulasso, des mesures ont été prises pour que chacun ait la somme de 2000 FCFA pour pouvoir s’acheter ne serait-ce que de l’eau au cours du voyage pour ceux qui devaient continuer dans d’autres régions. Ceux des Hauts-Bassins ont bénéficié de la même somme. Après l’escale de Bobo-Dioulasso, les expulsés de la Guinée, exceptés ceux qui restaient dans la zone de l’Ouest Burkina ont continué leur traversée autour de 20 heures.
Mohamed Porgo raconte son départ de la Guinée
«Les Guinéens se sont mis à nous chasser de leur pays, sans nous dire au juste pourquoi. Ils disent qu’ils ne veulent pas d’étrangers dans leur pays. Pour moi, quand on ne veut pas de quelqu’un chez soi, on lui dit de quitter sans le dépouiller encore moins le violenter. C’est ce que je n’arrive pas à comprendre. Des forces de l’ordre guinéennes appuyées par de civils nous ont montré de toutes les couleurs. Nous avons été chassés de nos lieux de travail ainsi que de nos localités par des villageois qui ont prêté main-forte aux forces de l’ordre par moments. Comme nous vivons avec eux, ils nous connaissent et on ne pouvait pas passer inaperçus. Certains parmi nous ont été emprisonnés dans des camps militaires plus de dix jours, d’autres moins. Certains ont été frappés dans ces camps et d’autres ont eu la chance. Ils nous ont dépouillés de tout. Argent comme bien matériel. Personnellement, je ne saurai vous dire pourquoi les Guinéens chassent les étrangers de chez eux. C’est une affaire qui ne concerne pas uniquement nous Burkinabè. Dans les camps, il y avait des Maliens avec nous. Je profite d’ailleurs de votre micro pour remercier un opérateur économique malien qui nous a offert la somme de 100 000 FCFA, et l’Ambassade du Burkina au Mali qui nous a donné la somme de 300 000 FCFA, afin d’avoir de quoi manger au cours du voyage. Nous regagnons notre pays avec des cœurs meurtris. Ils nous ont tout retiré ».
Souro DAO