Nul ne peut contester que la société civile a énormément contribué avant et pendant l'insurrection populaire, à la chute du régime de Blaise Compaoré. Seulement, le doute plane sur la sincérité de certaines de ces OSC qui sont en train de perdre leur crédit aux yeux de la population, notamment dans le volet de leur financement. En termes clairs, ils sont nombreux, les Burkinabè à penser que des organisations de la société civile reçoivent des financements occultes de la part de partis politiques, d'institutions ou de personnalités publiques pour travailler à dessein.
Cette vision est battue en brèche par les responsables d'OSC que nous avons rencontrés à l'image de Marcel Tankoano, président du Mouvement du 21 avril 2013 (M21), un mouvement qui défend l'intérêt du peuple. «Je vais être honnête; ceux qui veulent créer des OSC peuvent en créer mais, que les gens sachent que les OSC ne sont pas financées. Nous menons là des activités dont on a l'amour pour au moins éclairer la plupart des Burkinabè au sujet de la situation qu'ils vivent, c'est tout. Sinon croire que dans les OSC, on donne de l'argent, en tout cas, moi, au sein du M21, je n'ai jamais reçu un financement», a-t-il martelé. Mais Marcel Tankoano dit ne connaître que la situation de sa structure d'appartenance quand on parle de financements occultes. «Ça peut être possible. Je connais moi ma situation. Je connais le statut du M21. Chez nous, c'est les cotisations. C'est vrai, c'est pas aussi ça mais on tient. A partir du moment où on a la confiance du peuple, ça nous montre que quand même, ce que nous sommes en train de poser comme actes, c'est intéressant, c'est bien pour le peuple, donc on fonce. Maintenant que des modiques sommes nous soient données, c'est des bonnes volontés, c'est des gens qui nous donnent comme ça, mais je ne peux pas m'engager pour tout le monde et dire que toutes les OSC n'en reçoivent pas. Je n'en sais pas, mais à notre niveau, non; il n'en est rien. Nous nous battons comme ça et nous allons continuer le combat», a-t-il ajouté.
Il a été rejoint dans sa position par la présidente de l'Association pour la promotion de la démocratie et la participation citoyenne(APDC), Safiatou Lopez. «APDC est née sans avoir de papier en 2013 mais nous n'avons pas eu de financement, nous n'avons jamais demandé de financement d'ailleurs. Chacun fait son travail, donc chacun se débrouille pour faire vivre APDC. Je ne pense pas qu'il faut de l'argent pour créer une association. Il y a des associations qui sont nées, qui n'ont pas de papiers même, mais c'est des mouvements qui marchent bien, qui fonctionnent, qui se mobilisent, qui traitent les problèmes de la jeunesse, des réalités de la ville et du Burkina, donc qui contribuent activement au développement du Burkina. Ce qui est bien. En tout cas, Safiatou Lopez n'est pas habituée à recevoir de l'argent. Elle est habituée à travailler et à gagner à la sueur de son front mais il est possible que des partis politiques, surtout les nouveaux partis, essayent d'acheter la conscience de certains jeunes. Mais je crois que ça ne marche pas», se convainc-t-elle.
Financement des OSC, un secret ''d'Etat''?
Même son de cloche du côté de Les Patriotes du Faso dont Désiré Guinko est le porte-parole. «Nous fonctionnons sur la base des cotisations internes. Les bases de la structure, ce sont les cotisations internes, c'est le sacrifice. Les uns et les autres mènent des activités socioprofessionnelles qui leur rapportent quelque chose qu'ils mettent en retour à la disposition de l'association pour qu'elle fonctionne. C'est ainsi que les associations prennent appui et commencent à monter sur la scène et naissent les partenariats; pas forcement seulement au Burkina Faso, on a des partenaires à l'extérieur».
Pour nous convaincre, Désiré Guinko s'appuie sur sa propre expérience. «Par exemple, Les Patriotes du Faso, un mouvement engagé, nous avons par exemple des structures au Mali qui ont décidé de s'affilier à nous, des structures qui existaient depuis longtemps. Il y a des structures ailleurs également qui se reconnaissent dans le combat que nous menons et ainsi, les partenariats naissent. On a des dons qui viennent de ces amis qui viennent appuyer ce que nous faisons sur le terrain. Mais on s'appuie d'abord sur nous-mêmes en matière de visibilité, en matière d'initiative et en matière d'actions. Avec le temps, on grandit, on devient fort tout simplement parce qu'on se crée des partenariats internes comme externes. Mais, ce que nous ne souhaitons pas et ce que nous ne voulons pas faire, c'est d'aller tendre la main aux politiciens parce que lorsque tu tends la main à un politicien, en retour, il attend quelque chose de toi et tu deviens redevable. Ce qui fait que tu n'es plus autonome et c'est difficile de dire la vérité lorsque cela s'impose», a-t-il relevé avant de déplorer le fait que «sous nos cieux, il y a des structures de la société civile qui sont affiliées à des partis politiques et qui ne fonctionnent que grâce au soutien de ces partis ou mouvements politiques. C'est la stratégie politique et vous le voulez ou pas, au Burkina Faso ou ailleurs, ça se fait. Moi, je ne suis pas pour cette méthode parce que parfois, il y a des conséquences sur les actions de ces structures du fait qu'elles ne sont plus maitresses d'elles-mêmes, elles deviennent des structures téléguidées», s'est-il indigné. De ce fait, il interpelle l'ensemble des acteurs de la société civile. «Donc sur cette base, ce que nous avons comme alternative, c'est de dire, lorsqu'on veut créer une organisation, il faudrait aller d'abord avec des gens convaincus qui se réunissent autour d'un idéal et avec le temps, les gens adhèrent et contribuent, puis elle commence à s'étendre et peut recevoir même des subventions de l'Etat. Il y a des dispositions prises par l'Etat pour que cela soit fait et moi, j'exhorte l'Etat même à le faire pour ne pas que des OSC, par mendicité, aillent tendre la main aux politiciens. Il faudrait assister les organisations de la société civile qui essayent vraiment de défendre des causes républicaines», a-t-il souhaité.
Des financements pour les OSC au Burkina désormais
Un souhait en étude au sein du ministère de tutelle desdites organisations selon une source proche de la Direction générale des Libertés publiques et des Affaires politiques (DGLPAP). Le service des déclarations et des archives du ministère de l'Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) est débordé du fait de la viabilité du monde associatif burkinabè depuis un certain temps. Selon toujours cette source, 2014 a connu un boom des OSC. Dans la seule ville de Ouagadougou, par exemple, environ 1800 récépissés ont été délivrés dans la même année pour environ 2500 demandes formulées, alors que 2013 n'a enregistré seulement que 800 récépissés délivrés. Cette source indique que 2015 est à une centaine de récépissés délivrés actuellement pour environ 600 dossiers reçus. Une lenteur qui s'explique par le fait qu'il a été rendu systématique l'enquête de moralité qui doit précéder la délivrance des récépissés, laquelle enquête met du temps, retardant ainsi le système.
Indication du service des déclarations et des archives à l'intérieur du bâtiment
Il faut relever que le boom des OSC en 2014 s'explique d'une part, par les mesures sociales du gouvernement devant financer le secteur informel et les femmes constituées en associations et, d'autre part, par la volonté des organisations de soutenir ou contrecarrer la Transition. Mais pour 2015, la naissance de l'essentiel des OSC est à mettre à l'actif de la situation politique nationale. A noter que ces chiffres ne prennent pas en comptent ceux des autres provinces.
Pour ce qui est du financement des OSC, la même source souligne que pour le moment, il n'y a pas un mécanisme de financement des OSC même si la question a fait l'objet d'un sous-thème lors du cadre de concertation et de dialogue Etat/OSC tenu en février 2015 et qu'elle est en étude pour voir la faisabilité. Seules les OSC reconnues d'utilité publique bénéficient, à ce jour, de subventions de l'Etat. Celles-ci sont l'objet de contrôle dans leur gestion en plus du système de suivi mis en place par le MATDS à travers des structures faitières des OSC pléthoriques pour les amener à rester dans la droite ligne de leurs objectifs.
Omar Compaoré