Policiers radiés au Président du Faso : « Nous pensons avoir porté notre croix »

| 16.09.2015
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Mahamadi Tidiga - Porte parole des policiers radiés
© DR / Autre Presse
Mahamadi Tidiga - Porte parole des policiers radiés
Excellence, l’avènement de la transition a suscité un grand espoir au sein des populations. Si l’optimisme occasionné par la chute du régime précédent est un sentiment partagé par l’ensemble des Burkinabè, il l’est encore plus pour tous ceux qui ont été des victimes collatérales. Telleune pieuvre, le pouvoir Compaoré avait lancé ses tentacules dans tous les compartiments de l’administration publique et privée du pays pour la contrôler à sa guise.


« Nous pensons avoir porté notre croix »

Excellence, l’avènement de la transition a suscité un grand espoir au sein des populations. Si l’optimisme occasionné par la chute du régime précédent est un sentiment partagé par l’ensemble des Burkinabè, il l’est encore plus pour tous ceux qui ont été des victimes collatérales. Telleune pieuvre, le pouvoir Compaoré avait lancé ses tentacules dans tous les compartiments de l’administration publique et privée du pays pour la contrôler à sa guise.

Cette manière de gouverner ne pouvait pas rencontrer l’assentiment de certaines personnes éprises de liberté et de justice. D’où les différentes crises sociopolitiques que nous avons connues, ces vingt (20) dernières années, touchant la quasi-totalité de toutes les couches socioprofessionnelles de notre pays.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les manifestations policières du 27 au 28 avril 2011.

En effet, compte tenu de nombreuses difficultés que le policier burkinabè rencontre dans l’exercice de ses fonctions, une vague de protestations s’était levée à cette période pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail, puisque ne disposant d’aucune mutuelle, d’aucun syndicat (le Burkina Faso a la seule police dans la sous-région qui ne dispose pas de syndicat) ou d’aucune autre structure en mesure de prendre en compte les aspirations des travailleurs.

Un mouvement d’ensemble spontané, né des frustrations dues à la mauvaise gestion du personnel et des moyens de l’Etat mis à la disposition de certains services de police, le népotisme, le favoritisme dans la gestion des carrières des agents se font sentir dans les treize (13) régions du pays.

Notons que les manifestations ont été circonscrites à l’intérieur des casernes et des commissariats de police. N’empêche que ces événements ont eu des conséquences (que nous regrettons sincèrement). Mais si dans une moindre mesure, cette mutinerie a amené les autorités à prendre en compte les préoccupations des agents, elle a provoqué la révocation sans aucune procédure judiciaire fiable, de 136 fonctionnaires de police dont la moyenne d’âge est de vingt-cinq (25) ans (Arrêté N°2012-053/MATDS/CAB portant révocation des policiers).

Ainsi, nous nous sommes constitués en collectif pour empêcher tout débordement et entreprendre différentes médiations en vue de notre réintégration.

Nous avons fait le tour du Burkina, de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, nous avons rencontré toutes les autorités coutumières, religieuses, politiques et toutes les personnes-ressources qui, dans leur majorité, ont salué notre démarche et se sont engagées à nous accompagner, mais en vain.

Excellence,

Après notre révocation, toutes les portes autour de nous se sont fermées, toute tentative de trouver du travail, malgré l’expérience et le niveau intellectuel de certains d’entre nous, ont échoué. Cela fait 03 ans, bientôt 04 ans que nos enfants ne partent plus à l’école parce qu’il est impossible pour les parents d’honorer les frais de scolarité. Nombreuses de nos familles se sont disloquées. Certains de nos camarades ont perdu leurs enfants décédés sans avoir eu la chance d’être consultés par un médecin. D’autres ont vu leurs femmes plier bagages, dès les premiers orages. Beaucoup d’autres sont malades couchés.

Excellence,

Si nous avons dans un élan patriotique avec nos frères, accepter présenter nos poitrines aux kalachnikovs et aux canons pendant l’insurrection, c’est justement pour nous donner une seconde chance de rejoindre nos fonctions, de voir nos enfants reprendre le chemin de l’école, de voir nos familles se reconstituer. Nous refusons catégoriquement, d’être indexés ou soupçonnés d’implication dans des actes de grand banditisme.

Excellence,

Nous pensons que le fardeau est si lourd que nous ne saurons le porter éternellement.

Nous pensons que nous avons trop enduré et que le moment est venu d’être situés sur notre sort, pendant cette transition. Nous regrettons que le silence des autorités de la transition ne soit un facteur d’exclusion, de stigmatisation et de tous les maux de la nature.

Excellence,

Convaincus de la justesse de notre lutte, nous ne cesserons d’exiger notre réintégration dans nos fonctions de policier. L’inquiétude de voir notre dossier ne pas trouver un début de solution dans cette transition, nous envahit.

Le collectif des policiers révoqués, vous prie Excellence, Monsieur le président du Faso, de vous pencher sur notre dossier, avant de passer le témoin.

Pour votre compassion, votre dévouement au développement du Faso, votre détermination à l’épanouissement du système éducatif et enfin, pour vous paraphraser qu’avec la jeunesse, tout est possible, mais sans la jeunesse, attention...

Veuillez recevoir nos salutations distinguées, Excellence Monsieur le président du Faso.

Le Collectif des 136 policiers révoqués

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