Boutiques aux alentours des Eglises - 55 000 à 600 000 francs CFA par mois: les raisons d’un mercantilisme

| 18.08.2016
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Photo d'archives utilisée à titre d'illustration
© DR / Autre Presse
Photo d'archives utilisée à titre d'illustration
Les églises catholiques de la ville de Ouagadougou sont en chantier. Elles construisent, dans les rayons de leur enceinte, des bâtiments à but commercial. Pour comprendre les raisons qui ont présidé à cette pratique qui se répand, nous avons approché les responsables des églises, les chrétiens et les principaux bénéficiaires des infrastructures, courant le premier semestre du mois d’août 2016.


Le fait ne passe pas inaperçu; les boutiques poussent comme des champignons aux abords des églises catholiques. C’est le cas au niveau du Scolasticat Saint Camille et de la cathédrale de l’Immaculée Conception. Le boulevard Charles De Gaulle est surplombé par deux bâtiments R+1. Idem pour l’avenue qui jouxte la cathédrale qui compte un bâtiment R+3. Et le père Vincent Ilboudo d’ajouter qu’un autre bâtiment sera construit dans le prolongement de la nouvelle bâtisse construite face au camp fonctionnaire.

A la question de savoir si l’Eglise catholique qui a une vocation sociale, pouvait se lancer dans de pareils projets, le directeur général du contrôle, a laissé entendre que les églises ont obtenu des autorisations de construire, délivrés en bonne et due forme par la mairie. A l’en croire, il n’y a pas de changement de destination, dans la mesure où l’activité secondaire ne prime pas sur la principale. Car, a-t-il dit, l’activité-phare de l’église reste le culte et non le commerce qui n’occupe qu’une infime partie de leurs activités.

Renseignements pris, il en ressort que les infrastructures sont mises en location. Les prix de location varient de l’ordre de 40 000 à 55 000 francs CFA au Scolasticat Saint Camille et de 350 000 à 600 000 francs CFA à la cathédrale qui dispose aussi, d’autres boutiques, avec ou sans devanture, louées à hauteur de 25 000 et 30 000 francs CFA.

Trop cher, arguent les commerçants et les locataires

“Nous avons essayé de négocier le rabais des prix avec les responsables de l’église, mais ils n’ont pas accepté. Ils ont estimé avoir déjà diminué. Avant, c’était 75 000 francs CFA et ils ont fixé les prix à 55 000 francs CFA. Ce n’est pas normal, mais on n’a pas le choix. Si l’église avait accepté de baisser les prix à 30.000 francs CFA ou à 25 000 francs CFA, on pouvait se débrouiller pour payer“, foi de Souleymane Ouédraogo, vendeur de chaussures, qui a fait comprendre que l’église exige une caution de 4 ans, donc plus de 2 640 000 francs CFA, avant d’occuper une boutique de 16 m². Il a poursuivi que l’église leur a donné un délai de six mois prolongé jusqu’à la fin du mois de décembre, au terme duquel ils devront vider les lieux. Junior Bayano, vendeur de maillots, a révélé qu’avant même la pose de la première pierre, des hommes fortunés se sont arrachés toutes les boutiques du rez-de- chaussée. De son avis, ses amis et lui, installés pour certains depuis près de 20 ans, se préparent à partir, mais ne savent pas où aller.

S’il n’en est pas de même des commerçants qui ont trouvé les ressources nécessaires pour aménager dans les échoppes, plus onéreuses de la cathédrale, force est de reconnaître que bon nombre d’entre eux continuent de grincer les dents.

“Je dois payer 350.000F par mois. Il y a des gens qui paient 600 000F. Personnellement, j’ai payé pour six mois”, a avancé un commerçant qui a requis l’anonymat, en souhaitant que les prix soient revus à la baisse, 150 000 francs CFA, par exemple.

Le curé de la paroisse cathédrale, Abbé Vincent Ilboudo, a prétendu que ce n’est pas l’église qui a fixé les coûts. De ses explications, c’est un fidèle chrétien, ayant financé le projet à hauteur de 106 millions de francs CFA, qui entend rentrer en possession de son investissement, avec intérêts, dans le délai de 5 à 6 ans. Après quoi, la paroisse va prendre la main et discuter éventuellement, avec les locataires pour fixer de nouveaux prix. Au niveau du Scolasticat, le directeur du Centre médical Saint Camille, le Père Paul Ouédraogo, qui a parlé au nom des curés, qui se sont retranchés dans le silence, a dit qu’il va se renseigner, puis appeler à la négociation, en vue de voir si quelque chose pourrait être amélioré.

A quoi servent les sous collectés?

Abbé Vincent Ilboudo a indiqué qu’ils sont destinés à l’animation de la vie de la paroisse, au financement des activités caritatives, au soutien des plus démunis, des personnes en situation de handicap et aux associations. Sans compter la réalisation de projets de construction de nouvelles paroisses et de chapelles. Et les dîmes et les offrandes? Le père a rétorqué qu’ils ne suffisent pas: “ça va nécessiter 10 ans, 20 ans et plus”.

Il a ajouté que les subventions et autres dons des Organisations non gouvernementales (ONG) et institutions européennes se raréfient, si fait que les églises “des pays missions”, en Afrique et en Amérique latine, ont été obligés de développer des mécanismes pour générer des fonds. D’où l’idée de construction des boutiques.

Le Père Ilboudo est convaincu que cela n’écarte pas l’Eglise de sa vocation sociale. “Nous continuons de nous occuper des âmes”, sa foi. Et le Père Paul Ouédraogo de soutenir que les critiques et les interpellations des tiers appellent à la réflexion et à des concertations. Toutefois, il s’est refusé à dire si son institution allait fermer les boutiques, dans le cas où le mouvement de contestation enflait de l’intérieur.

Christian N. BADO

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