An I du putsch manqué : Il y a 1 an le peuple sauva la démocratie

| 16.09.2016
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An I du putsch manqué : Il y a 1 an le peuple sauva la démocratie
© DR / Autre Presse
An I du putsch manqué : Il y a 1 an le peuple sauva la démocratie
A la veille de l’anniversaire de la résistance au putsch manqué du 16 septembre 2016, ce jeudi, nous sommes allés à la rencontre d’acteurs de la vie politique, associative, syndicale, etc. et du citoyen lambda. Tous sont unanimes sur un point, la résistance du peuple burkinabè a été capitale, lors de la lutte contre les putschistes. Ils ont été nombreux à réagir sur les faits, en parlant des raisons de l’échec et des enseignements tirés.


Réné Bagoro, ministre de la justice : « Nous en sommes sortis, grâce aux populations »

“C’est la mobilisation du peuple qui a permis de mettre en échec le coup d’Etat. Hommes, femmes et jeunes se sont mobilisés. Je retiens que c’est la mobilisation du peuple burkinabè qui nous a permis de sortir de cette situation. Personnellement, je n’ai pas de rancune. Nous avons vécu une situation et nous nous en sommes sortis, grâce aux populations. Je félicite tous ces résistants. L’enseignement, c’est de travailler en accord avec les populations. Si nous nous en sommes sortis, c’est parce que des gens se sont battus dehors. Pour que ces gens le fassent, ils croyaient en quelque chose. Pour y arriver, c’est de travailler. Je reconnais qu’on ne peut pas satisfaire les gens à 100%, mais il faut travailler au maximum, à prendre des actes qui vont dans le sens du souhait des populations“.

Abdoul Karim Saïdou, politologue à l’Université Ouaga 2 : «Il faut maintenir la veille citoyenne»

Pour moi, la première raison, c’est la mobilisation populaire, car c’est elle qui a permis au citoyen ordinaire, aux partis politiques, aux associations de la société civile de maintenir la pression et de se mobiliser comme un seul homme pour faire échec a la forfaiture de confiscation du pouvoir. On a eu cette mobilisation, aussi bien à Ouagadougou qu’au niveau des différentes provinces. Le deuxième élément, c’est le refus de l’armée et des autres forces paramilitaires de coopérer avec le RSP. Au niveau de Ouagadougou, le RSP était donc, seul à pourchasser les manifestants. Les troupes basées dans les autres localités ont convergé sur la capitale pour faire pression et par la suite, désarmer le RSP. Il y a un troisième élément qu’on peut identifier, il s’agit du rôle joué par l’international. La première pression est venue de l’Union africaine qui a condamné sans ambages, le coup d’Etat et qui a même traité les putschistes de terroristes. C’est une position forte qui a permis de fragiliser par la suite, la position de la CEDEAO, qui était dans une stratégie qui consistait à dialoguer pour favoriser le retour de l’ancienne majorité. Il y a aussi les chefs d’Etat de la sous-région qui ont fait basculer la décision de la CEDEAO, au niveau du sommet d’Abuja, également le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Yssoufou, qui avait réclamé que le coup d’Etat soit condamné et que la transition soit restaurée. Le président Bouhari a également, joué un rôle important. Chacun peut en tirer des leçons. Nous du côté des citoyens, nous devons comprendre qu’il n’y a jamais d’acquis dans la construction d’une démocratie, c’est une bataille de longue halène. Il faut donc, maintenir la veille citoyenne pour éviter toute velléité de contestation du pouvoir. La démocratie ne saurait être consolidée, tant qu’il n’y a pas d’engagement de la part des acteurs. Les putschistes et les apprentis-putschistes aussi, ont une leçon à tirer. C’est que désormais, la dictature est révolue en Afrique.

Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT/B : «Aucune arme sophistiquée, quelle qu’elle soit, ne peut tenir face au peuple»

Toutes les entités, à travers notre pays et de façon coalisée, ont dit non au recul démocratique, à la violation des libertés démocratiques, de la dignité humaine. Quand un peuple se met debout et crie d’une seule voix qu’il ne veut pas d’une chose, c’est clair que celle-ci ne pourrait qu’aller à l’échec. Pour moi, la raison qui justifie l’échec de ce putsch, c’est tout simplement le refus du peuple de s’inscrire dans le sens de la forfaiture. La premier leçon à tirer est d’indiquer que face à tout peuple mobilisé et debout, aucune arme sophistiquée, quelle qu’elle soit, ne peut tenir. Quand on est mobilisé et engagé, la victoire peut tarder, mais finit par arriver. La deuxième leçon est relative à la décision prise par les forces de défense et de sécurité de se mettre du côté du peuple burkinabè. Les FDS qui sont habillés, armés, logés, nourris par le peuple, arrivent à comprendre qu’à un moment donné, il faut savoir choisir son camp. C’est une belle leçon et elle est à féliciter. La troisième des leçons et qui pourrait être douloureuse est qu’on ne peut pas comprendre qu’un pays investisse en ses fils, je veux parler de la hiérarchie militaire de l’ex-RSP et que ce qu’on peut lui servir, c’est de tirer sur les enfants de ce même pays à bout portant. La leçon est que ceux qui sont au front et qui sont chargés de la défense et de la sérénité du peuple ne s’inscrivent plus jamais dans ce sens.

Wilfried Zoundi, député de la transition : «Nous membres du CNT avons été radicaux»

Ce qui a empêché la réussite de ce coup de force politique, c’est la culture même du peuple burkinabè. La culture s’est développée, grâce au rôle d’éducation, de sensibilisation jouée par la société qui a amené le peuple à connaître les enjeux démocratiques et politiques. Cette culture citoyenne, avec pour fer de lance, la jeunesse burkinabè engagée à combattre ce coup d’Etat qui était nostalgique d’un régime passé. Lors des rencontres de Laïco, menées par Yayi Boni et Macky Sall, nous membres du CNT, avons été radicaux pour leur faire comprendre que la prise d’armes n’était pas la conséquence de l’exclusion de certains partis. Nous leur avons fait comprendre que nous ne pouvions pas discuter avec des gens armés et qu’il fallait rétablir la transition. Le rôle de la jeunesse a été vraiment d’un grand apport pour mettre fin au coup d’Etat le plus idiot du monde. Ces évènements ont permis de montrer que conformément au vent démocratique qui souffle dans le monde, aucun coup d’Etat ne peut être toléré. Aussi, on a compris que le peuple ne peut plus être dirigé par les armes ni par la ruse.

Colonel Lona Charles Ouattara, secrétaire national chargé de la défense et de la sécurité de l’UPC : « Le général Diendéré a commis une erreur stratégique »

Les raisons tiennent à plusieurs choses dont l’essentiel se situe, d’un point de vue opérationnel. En effet, le pays avait à faire à un régiment qui est égal à deux bataillons dont l’effectif était de 1 200 hommes et une armée nationale qui compte 20 000 hommes. Donc, d’un point de vue numérique, il y a un désavantage flagrant. Ça ne tient pas la route. Le général Diendéré a sous-estimé la période, car on n’est plus à l’époque où une compagnie pouvait prendre en otage tout un pays. Il a pensé qu’en faisant une déclaration avec 1 200 bonhommes derrière lui, le reste de l’armée se serait rangé de son côté et le peuple serait resté muet. Il a commis une erreur stratégique. Deuxième aspect de l’échec, c’est la mobilisation immédiate, de la population qui est un régiment de près de 2 millions d’hommes et Diendéré aurait du éviter l’imbrication. Un autre aspect est le courage, le sens du devoir, le sens du sacrifice de soi, le panache de nos forces armées loyalistes qui sont montées à l’assaut, en évitant l’imbrication. La leçon est qu’il ne faut pas confondre les époques, Diendéré l’a appris à ses dépens, il est en taule. Ensuite, il faut se dire qu’il faut construire une armée républicaine débarrassée de tout comportement politique et partisan.

Mathias Lompo, étudiant en géographie à l’Université Ouaga 1, Pr Joseph Ki-Zerbo : «Le RSP, n’avait pas planifié cela à l’avance»

Moi, à mon avis, le coup d’Etat du 16 septembre 2015 a échoué pour trois raisons majeures. D’abord, c’est parce que, tout simplement, le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) n’avait pas dans un premier instant, planifié cela à l’avance. Le RSP avait voulu intimider le gouvernement, pour qu’il revienne sur sa décision de le dissoudre. Ce qui, malheureusement, n’a pas marché. Dès lors, il a fallu tout de suite, prendre ses responsabilités. Vous savez que dans une telle situation, même l’armée la plus organisée au monde ne saurait venir à bout de cette décision. Ensuite, l’échec est imputable à la détermination de la vaillante population, que je salue avec admiration et tout mon respect. Une population qui ne voulait pas voir ses efforts bafoués par un groupuscule se réclamant de l’armée. Ce qui mettrait l’avenir de toute une nation en péril. Et enfin, je dirai que le RSP n’a pas eu de soutien, ni des autres régiments de l’armée burkinabè, ni de la communauté internationale.

Djamhila Drabo, étudiante en communication à l’ISIG

Selon moi, le putsch a échoué, parce que la population ne s’est pas laissé faire. Elle s’est révoltée. Donc, à cœur vaillant, rien d’impossible.

Etienne Bonsa, étudiant en licence en communication à l’ISIG : «L’armée a permis de rendre possible l’échec du putsch»

L’échec du coup d’Etat est imputable au courage de la population, c’est parce qu’il y a eu tellement de résistance de la part de la population. Elle a sollicité l’aide de l’armée républicaine qui, après maintes hésitations, a finalement cédé et a permis de rendre possible l’échec du RSP.

Hamidou Gandéma, étudiant en lettres modernes à l’Université Ouaga 1 Pr Joseph Ki -Zerbo : «Le coup d’Etat a été mal reçu par les autres pays»

Moi particulièrement, je n’étais pas au Burkina Faso, mais, je pense que l’échec du putsch est dû au fait que le coup d’Etat a été mal reçu dans les autres pays. Moi-même, j’étais en Côte d’ivoire, lorsque la nouvelle est tombée. Tous les Ivoiriens se sont mobilisés pour dire non à cet acte de barbarie.

Nicolas Bazié, élève en classe de 1ère au lycée privé le Bon Berger : «Il n’y a pas eu d’unité au sein de l’armée»

De mon point de vue, l’échec du coup d’Etat avorté du 16 septembre 2015 est basé sur le fait qu’au sein même de l’armée, il n’y a pas eu d’unité. Aussi, les Burkinabè n’étaient pas du tout d’avis avec la mauvaise initiative du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Donc, avec tout ce rififi, il fallait que le général Diendéré coupe la gangrène pour ne pas après, conjuguer le verbe regretter.

Illiasse Dera, commerçant : «La population a été résistante»

Selon moi, c’est la population burkinabè qui a été résistante, et avec l’aide de Dieu, nous avons pu nous en sortir. Aussi l’armée, qui était très déterminée à lutter avec la population. C’est l’occasion pour demander au gouvernement que justice soit faite pour les martyrs. C’est vrai qu’ils font de leur mieux, mais nous n’avons pas le choix que de leur demander que justice soit faite.

Yacouba Belém, étudiant en lettres modernes, à l’Université Pr Joseph Ki- Zerbo : «Les jeunes se sont donné les moyens de s’opposer aux balles du RSP»

Je ne peux pas me souvenir de ce putsch qui s’est passé dans mon pays, sans au préalable, m’incliner devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés, au nom de la justice. Parce que sans leurs sacrifices, on n’allait pas connaître le sort aussi acceptable dont nous bénéficions aujourd’hui. Donc, il est de notre devoir de s’incliner et de rendre hommage à ces jeunes, qui sont tombés sous les balles assassines des putschistes du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), dirigé à l’époque par le général Gilbert Diendéré. Concernant la justice, je suis toujours dans ma soif, parce que je ne comprends pas pourquoi, jusqu’à présent, justice ne soit pas rendue aux martyrs et aux victimes. Nous connaissons les coupables et les complices, donc je pense que justice devrait être faite. Aujourd’hui, en ce premier anniversaire du putsch, c’est dommage que justice ne soit pas encore rendue à la jeunesse. Et concrètement, je pense que ce qui a fait échouer le putsch a été la détermination du peuple, à travers sa frange jeune, qui s’est donné les moyens de s’opposer aux balles du RSP. Il faut dire que le RSP était très armé, mais avec la détermination, on a pu contrer ce coup d’Etat du général Diendéré, qui est d’ailleurs toujours détenu .

Ariane Bamouni
W.Kobre

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