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Sidwaya (S.) : Quand a débuté la préparation de la 17e édition de la Journée nationale du paysan ?
Aphonse Bonou (A.B.) : Pour l'organisation de la 17e édition de la Journée nationale du paysan (JNP), il faut dire qu'elle a en fait commencé à la fin de la 16e édition que nous avons organisée à Banfora, du 25 au 27 avril 2013. Je dis qu'on a commencé après cela, parce qu'il y a eu des recommandations et des engagements qui ont été pris de part et d'autre. Comme ce sont des producteurs agricoles, la saison hivernale devait être mise à profit pour réaliser les engagements pris, notamment ceux qui sont liés à la production. Par exemple, les producteurs de coton, à travers l'Union nationale des producteurs du coton du Burkina (UNPB), s'étaient engagés à produire 730 000 tonnes de coton au titre de la campagne qui s'est écoulée. Donc, à partir de ce moment, on préparait déjà la 17e édition. On ne peut pas aller tenir cette édition sans faire le bilan des engagements pour savoir si on a atteint les résultats ou non, et donner les raisons. Parce qu'atteindre un résultat n'est pas souvent la preuve qu'il n'y a pas eu de difficultés. Donc, la préparation a débuté depuis ce temps. A partir de janvier 2014, nous avons été instruits pour conduire à nouveau la coordination de l'organisation de la 17e édition, parce que courant décembre nous avions produit un document pour demander au gouvernement de se prononcer sur le thème, mais plus tard, sur le lieu et les dates. En fin décembre, le thème, le lieu et les dates nous ont été communiqués par le gouvernement. Dès lors, le 13 janvier 2014, le comité national d'organisation a été installé. Par la suite, nous avons travaillé à ce que le comité régional qui réside à Fada soit également mis en place. Ces deux comités étant installés, nous avons assis 24 commissions, dont 12 commissions pour le comité national et 12 commissions pour le comité régional. L'opérationnel se fait essentiellement à Fada, mais la coordination et le travail d'organisation est fait à partir de Ouagadougou.
S. : Comment s'annonce déjà la tenue de la Journée nationale du paysan à Fada ?
A.B. : Je dois d'abord parler du thème. Celui qui a été choisi retient l'attention de tous les acteurs du monde rural. Comme vous le savez, il est intitulé : « Relever le défi de la transformation agroalimentaire pour accroître la compétitivité des produits agricoles nationaux sur les marchés : rôle de l'Etat et du secteur privé ». Ce thème, nous avions voulu le proposer pour l'édition de Banfora, mais on avait préféré le thème de la résilience. Pendant longtemps, quand on parlait de changements climatiques, les gens disaient que cela n'est pas vrai. Pourtant, il y a des évidences. On constate que la pluviométrie baisse de façon tendancielle. Personne n'ignore cet aspect. Il y avait des cultures dont le cycle de production était relativement long. Les gens sont en train de les changer à travers les nouvelles variétés qui ont été créées par la recherche, parce qu'il est clair que si les producteurs vont continuer à cultiver un sorgho de 150 ou 120 jours, il ne va pas produire. La pluviométrie n'est plus suffisante pour couvrir le cycle végétatif normal de la plante.
L'année dernière, on avait choisi le thème de la résilience, c'est-à-dire toutes les formes pratiquées par les acteurs pour continuer à surmonter les difficultés auxquelles ils font face dans leur processus de développement. Cette année, on est revenu sur le problème de la transformation. Il est clair que si on augmente la production et qu'elle n'est pas soumise à la transformation, il y a des risques que les prix proposés par des producteurs baissent, parce que tout le monde va vendre en même temps. Comme il y aura toujours des quantités importantes, les gens vont vendre quelquefois à perte, c'est-à-dire en-dessous du coût qui a été investi dans la production. Par conséquent, il faut la transformation. Il faut d'abord faire en sorte que les productions ne soient pas perdues, que les gens puissent les conserver dans de bonnes conditions. Qu'ils puissent leur donner une durée de vie beaucoup plus longue et qu'ils puissent aussi les exporter, si cela est possible. Toutes ces raisons amènent à dire que la transformation permet effectivement de sécuriser la production. Si le producteur peut écouler, il va être tenté de continuer à augmenter sa production. Puis, le fait de transformer permet de changer la nature du produit et de pouvoir le conserver plus longtemps. Par exemple, si on transforme le maïs brut en farine, en couscous ou autres choses, on a la possibilité de le conserver longtemps et le vendre. Si on met en boîte un produit comme la mangue, on pourra non seulement le conserver longtemps, mais aussi couvrir les périodes où il n'y a pas de mangues. On pourra alors l'exporter vers l'extérieur. Donc, si on veut ajouter de la valeur à la production, il faut la transformer, car le produit brut n'a pas de valeur ajoutée importante. Après le choix du thème, il fallait passer à la phase opérationnelle de l'organisation. Concernant cette phase, tous les acteurs qui doivent participer aux débats, aux réflexions en vue de faire des propositions pour arriver à une meilleure transformation des produits agro-sylvo pastoraux de notre pays devaient être intéressés. A cet effet, nous avons organisé 13 foras régionaux dont un par région pour échanger autour de cette question, de faire des propositions et des recommandations en vue effectivement d'assurer une meilleure transformation des produits.
Avant d'aller au foras dans les régions, nous avons formé, au cours d'un atelier d'appropriation du thème à Ouagadougou, une équipe qui devrait aller animer ces foras. L'objectif était de canaliser les missions afin de s'assurer que dans les 13 régions, c'est le même message qui sera passé aux populations. L'atelier d'appropriation a été tenu à Ouagadougou et les 13 foras régionaux se sont tenus dans la période du 20 au 27 mars 2014. Nous avons fait la synthèse et avons transmis tout cela à Fada. A partir du 10 avril, nous allons avoir un forum national et trois ateliers sectoriels. Ces ateliers et le forum devront approfondir les synthèses des fora par secteur. Dans cette optique, les régions enverront des données sur les productions végétale, agricole, animale et environnementale. Tout ce qui touche à la production agricole sera débattu au cours de l'atelier sectoriel de l'agriculture. Il en sera de même pour les ressources animales et environnementale. Les gens approfondiront les réflexions à ce niveau pour qu'on aille, de façon plus précise, dans la même vision des producteurs et dans la façon dont les gens pensent qu'on devrait conduire les actions pour résorber ces problèmes. Quant au forum national, il va regrouper une partie des paysans qui ont participé aux foras régionaux, mais qui ne sont pas inscrits dans les ateliers sectoriels, ainsi que l'ensemble des techniciens. Ce que j'appelle les institutionnels, c'est-à-dire les représentants des ministères, des ONG et de la presse. Tout ce monde, qui va participer au forum national, traitera de la synthèse globale. Au terme de cela, il y aura des recommandations, des engagements et des propositions d'amélioration. Ce sont ces conclusions qui vont être présentées le 12 avril, lorsque le chef de l'Etat va recevoir l'ensemble des producteurs en entretien direct.
Nous avons également prévu, comme à l'édition précédente, de faire une foire. Cette foire vise à soutenir le thème. Elle présentera des produits bruts. Pour arriver à la transformation, il faut que le niveau de productivité augmente. Parce que ça ne viendra pas à l'idée d'aller créer une usine qui peut traiter dix tonnes par jour à Toma, si toute la récolte est une tonne. A la foire, il y aura des produits transformés de la région de l'Est et ceux transformés ailleurs. Par exemple, la SOFITEX et la SOCOMA vont présenter quelque chose, tout comme les Grands moulins. Quelques membres de la Fédération des agro-industries de Ouagadougou iront présenter ce qu'ils font comme transformation agroalimentaire. Cela permettra de voir ce qui est fait et les difficultés liées à la transformation. A la fin, des propositions seront faites. Voilà comment nous nous organisons pour la 17e édition de la JNP qui va se tenir du 10 au 12 avril prochain à Fada N'Gourma.
S. : Le thème parle de la transformation des produits agro-sylvo pastoraux et du rôle de l'Etat et du secteur privé. Selon vous, quel rôle doivent-ils jouer ?
A.B. : Je ne vais pas répondre peut être à la place de l'Etat, parce que les synthèses ne sont pas encore terminées. Mais, je pense que le rôle de l'Etat dans la transformation, c'est tout simplement de créer des unités de transformation et de faire en sorte que le développement économique qu'on veut dans notre pays puisse être soutenu par la création de richesses. Concernant les produits agro-sylvo pastoraux, cette création de richesses passe par la transformation. Pour ajouter de la valeur à la production du Burkina Faso, l'Etat doit avoir une stratégie qui soutient le secteur privé à travers, soit la facilitation de l'accès au financement, soit des partenariats public-privé, c'est-à-dire que l'Etat s'engage avec des privés pour créer une industrie et la gérer au mieux. Mais également quelquefois à travers des soutiens importants, parce que de mon point de vue, toutes les agricultures du monde sont subventionnées d'une façon ou d'une autre. Il est clair que si vous avez envie de booster vos productions, à un moment donné, il faut pouvoir soutenir ceux qui s'y engagent, afin qu'ils puissent accéder à un certain niveau de productivité qui les rendent compétitifs. Voyez ! Nos marchés sont inondés par des produits de la sous-région. C'est parce que le plus souvent, ces pays ont pu produire à un coût moindre que le nôtre. Ils peuvent venir les vendre moins cher ici au détriment de nos produits nationaux. Cette situation, si elle n'est pas corrigée, est de nature à bloquer le développement économique d'un pays, parce qu'elle transforme ses populations seulement en consommateurs. Vous aviez vu qu'à un moment donné, on disait que les usines de Bobo sont en train de fermer, parce qu'elles ne sont pas compétitives. Le coût de l'électricité plombait celui de la production. La matière première elle-même était importée. Si vous allez en Côte d'Ivoire acheter des emballages et les transporter jusqu'à Bobo-Dioulasso ou à Ouagadougou, vous serez obligés de vendre plus cher par rapport à celui qui reste en Côte d'Ivoire et qui utilise les mêmes emballages. Si l'électricité est encore plus chère ici, vous devenez encore plus chers. Donc, de coût en addition de coût, on arrive à une situation où on n'est pas très compétitif. Si on n'est pas très compétitif, on ne peut pas vendre à l'extérieur. On est obligé de vendre à l'intérieur. Or vendre à l'intérieur veut dire que les gens ont des revenus nécessaires pour pouvoir acheter les produits même s'ils sont chers. Dans ces conditions, la masse salariale, il faut la réajuster en permanence. Vous comprendrez que le développement économique est un tout lié par des passerelles. Pour valoriser au mieux les produits de l'agriculture, de l'élevage, des ressources forestières et fauniques, il faut passer par la transformation. Alors, à un moment donné, il faut que l'Etat subventionne. Et depuis 2008, le gouvernement burkinabè subventionne à hauteur de 50% la semence certifiée. On l'achète à 500 ou 600 F CFA le kilogramme et on revend à 250 F CFA aux paysans. L'Etat veut les soutenir pour qu'ils puissent passer des semences de rendements très faibles, ce que les gens utilisaient dans le temps, aux semences améliorées dont les rendements sont le double ou le triple. Un paysan, qui a un revenu bas, si on ne le soutient pas, il achètera très peu de semences améliorées. Et il continuera à semer les anciennes variétés qui du fait des changements climatiques ne sont plus adaptées au cycle pluviométrique. Tout comme si on ne finance pas un peu les engrais et le matériel de production, le niveau de revenu de la plupart des agriculteurs ne leur permet pas d'en accéder. Par conséquent, l'agriculture ne peut pas se moderniser. Le rôle de l'Etat, c'est d'avoir des priorités, de soutenir les producteurs pour qu'ils puissent émerger. Il peut le faire en partenariat avec le secteur privé. Voilà ce que devrait être le rôle de l'Etat dans cette opération très importante de transformation agroalimentaire des produits de notre pays.
S. : A quel stade se trouve l'organisation de cette journée à Fada ? Est-ce que tout est fin prêt ?
A.B. : Il reste encore quelques jours, mais je pense que l'essentiel est fait. Nous sommes à plus de 90% prêts. Ce qui reste à faire, c'est de transporter les 1 200 producteurs des 13 régions, d'aller transporter les 250 ou 300 paysans qui viendront exposer à la foire de Fada. En ce qui concerne les questions d'alimentation et d'hébergement, nous sommes également prêts.
S. : Quelles sont les difficultés particulières que vous rencontrez dans l'organisation de cette journée ?
A.B. : De façon particulière non. Mais, il y a toujours des difficultés dans ces genres de manifestations. Si vous devez choisir 100 paysans, comme c'est le cas cette année dans la région de l'Est, le choix est assez cornélien. Mais cela s'impose à tout le monde. C'est la première difficulté. Beaucoup de paysans auraient aimé aller à Fada, mais c'est limité. Ceux qui vont aller animer la foire sont entre 250 et 300. L'autre difficulté, c'est que ce n'est pas toujours que les infrastructures d'accueil sont disponibles. Il faut faire avec. Il faut réparer certains bâtiments, les rénover pour accroître l'offre d'hébergement. A Fada, nous avons été obligés d'apporter une contribution pour la remise en état de fonctionnement des 33 villas qui ont été construites lors de la célébration du 11-Décembre 2011. Des ambitions personnelles peuvent apparaître quelquefois et dont il faut gérer avec beaucoup d'à propos, parce que les compréhensions peuvent ne pas être les mêmes. Toutefois, je pense qu'à la date d'aujourd'hui, nous avons surmonté beaucoup de difficultés. Le reste, ce sera à l'opérationnalisation. Si une difficulté quelconque se présentait, nous sommes relativement armés à y faire face.
S. : Quel est le coût de l'organisation de cette édition, comparativement à l'édition précédente ? Est-ce qu'il a augmenté ou a diminué ?
A.B. : Le coût a diminué de 50 millions. L'année dernière à Banfora, nous avions un budget de 550 millions. Cette année, nous avons un budget de 500 millions. Quand vous prenez le budget au titre de l'agriculture, vous verrez que c'est 500 millions. Nous avons pris cela comme étant une donnée avec laquelle il faut travailler. Parce qu'une fois que le budget est adopté par l'Assemblée nationale, il s'impose à tout le monde. Ce qu'on a, si on le compare à celui de Banfora, c'est moindre. Dans ce genre de situation, il ne faut pas penser que c'est toujours l'abondance. Même la pénurie doit pousser à l'effort. Capitaliser sur les éditions précédentes peut permettre d'être plus performant et de gérer avec un tel budget. C'est ce que nous avons fait en termes de savoir-faire économique. Certains pensaient que le gouvernement ajouterait de l'argent. Il peut peut-être le faire. Mais s'il le fait, il serait obligé de refaire son budget. Je pense qu'on va tenir.
S. : Quel sens donnez-vous à l'organisation de cette journée au Burkina Faso ?
A.B. : Personnellement, le sens que je donne à la Journée nationale du paysan, c'est qu'à l'expérience, elle est un espace de dialogue direct entre les producteurs et le chef de l'Etat en compagnie des membres du gouvernement. Parce que j'ai eu l'avantage de participer à toutes les éditions précédentes de la JNP, depuis la première qui a été organisée le 28 décembre 1993 à Léo en passant par celle de Djibo, Dédougou, Bogandé, N'dorola, Samendéni, Ziniaré et Banfora. A ce moment, les questions sont posées, des contraintes sont exposées et débattues. Des propositions de solutions sont faites par le chef de l'Etat et le gouvernement. Cela permet de résoudre un certain nombre de problèmes du monde rural allant dans le sens de lui faciliter ses activités agro-sylvo pastorales, de les maîtriser davantage et d'être plus productif. Par exemple, vous avez entendu parler de l'opération 100 mille charrues. Au cours d'une édition, les paysans ont dit qu'ils n'avaient pas suffisamment de charrues. Et que s'ils s'engageaient à produire beaucoup, ils ne pourraient plus convaincre les jeunes à aller labourer. Le minimum auquel ils peuvent accéder facilement, c'est la culture à tenaille. Alors, le chef de l'Etat a pris l'engagement de conduire en leur faveur une opération 100 mille charrues. Cent mille charrues investies dans le monde rural, cela apporte un plus à la mécanisation de l'agriculture, et donc facilite le travail et rend plus productif. D'autres exemples. Avant, il y avait très peu de semences améliorées pour les producteurs. A la 4e édition à Bogandé, le problème de la semence améliorée avait été posé. Alors, les engagements ont été pris de créer une Union nationale des producteurs de semences, de former ses membres et de chercher les semences de base. Les semences qui ont été certifiées, ont été diffusées dans toutes les régions. Avant, on avait des variétés de maïs dont les épis étaient courts avec des rendements pas très élevés. Aujourd'hui, on a des variétés qui vont jusqu'à 5 tonnes à l'hectare. Cela concerne les variétés améliorées. Toutes les questions ont été débattues depuis 1993, avec des engagements pris aussi par les producteurs. Il n'y a pas seulement que l'Etat qui prend des engagements. L'année dernière à Banfora, les producteurs de cotons s'engageaient à produire 730 000 tonnes. Au terme du bilan que nous venons de faire, ils sont à 766 000 tonnes de coton graine, soit 105% de l'engagement qu'ils avaient pris. S'il n'y avait pas eu d'engagement, les producteurs ne se seraient pas mobilisés, leurs organisations faîtières ne les auraient pas sensibilisés au respect de l'engagement. Donc, je considère que la JNP est un cadre de rencontre et de discussions directes avec le chef de l'Etat en compagnie de tous les membres du gouvernement. Et dont les questions liées aux paysans sont débattues, mais aussi les questions de développement telle que la sécurité ou l'insécurité dans les régions. Les paysans parfois ne parlent pas d'augmentation de leur productivité. Ils attirent l'attention du chef de l'Etat et du gouvernement sur les questions sécuritaires. De même, ils font des propositions de construction de barrages en vue d'accroître la production. Si on veut lutter contre la dégradation de l'environnement, il faut protéger les berges. Toutes ces questions globales de développement sont également discutées. A l'issue de cela, des engagements sont pris. L'année dernière également, toutes les régions ont déclaré qu'elles vont protéger 5 km de berge le long d'un des cours d'eau de la région. Si cela est fait d'ici quelques années, on devrait pouvoir avoir des cours d'eau moins agressés et aptes à fournir de l'eau pour l'irrigation.
S. : Des engagements avaient été pris par le chef de l'Etat à l'édition de 2013. Aujourd'hui, qu'est-ce qui a été fait et qu'est-ce qui ne l'a pas été ?
A.B. : Disons que le chef de l'Etat avait insisté sur deux ou trois choses de façon pertinente. Les paysans avaient demandé, à travers l'Union nationale des producteurs de coton, d'acheter 500 tracteurs. Ils voulaient 300 et 200 pour les producteurs à travers le ministère de l'Agriculture et de la Sécurité alimentaire. Effectivement, 500 tracteurs ont été importés. Il y a une semaine, les 300 tracteurs ont été remis à l'Union nationale des producteurs de coton à Bobo-Dioulasso. Ce sont des tracteurs qui ont été importés en détaxe. L'engagement du gouvernement, c'est de lever les taxes douanières sur les trois cents tracteurs. Le deuxième point important, ils demandaient à ce que une Caisse nationale de dépôts et des investissements qui leur permettra d'épargner, mais également de participer à la décision de financement soit mise en place. Effectivement, le gouvernement va travailler à créer cette caisse. A la date d'aujourd'hui, je peux considérer que c'est fait formellement. Il reste à la rendre opérationnelle, notamment les actionnaires. Ensuite, on mettra les organes de fonctionnement de la caisse : le conseil d'administration et le comité de gestion de telle sorte que les taux des paysans membres soient discutés. Si je m'en tiens à ces deux aspects très importants des engagements de Banfora, je peux dire qu'ils ont été réalisés. Il y a eu 78 engagements. Un autre engagement est la question de continuer à soutenir la subvention des semences et du matériel agricole. Normalement, cela devrait s'arrêter, il y a un an. Mais le président du Faso avait demandé que les semences et les engrais soient encore subventionnées au titre de la campagne agricole qui vient de s'écouler, elles l'ont été à hauteur de plus de 2 milliards.
S. : Quelles peuvent être les attentes des populations paysannes, mais aussi du gouvernement à cette 17e édition de la JNP ?
A.B. : Je crois que chacun comprend que c'est un véritable lieu de concertation directe entre le président du Faso, les membres du gouvernement, de l'ensemble des producteurs et les représentants des services techniques. Les attentes de chacun sont de faire en sorte que la Journée nationale du paysan puisse être le lieu où on prend des décisions qui vont être mises en œuvre de façon pertinente. Cette mise en œuvre, chacun est conscient qu'elle devra permettre de résoudre les problèmes qui sont posés et qui constituent des handicaps à l'augmentation de la productivité, à la modernisation de l'agriculture au Burkina Faso. Quant au thème qui va être débattu cette année, je suis sûr qu'au sortir des discussions, des solutions vont être proposées tendant à booster le développement de l'agro-industrie dans notre pays. Parce qu'il reste clair que si on continue avec les productions non transformées, nous seront certainement en deçà de ce que la modernisation de l'agriculture demande.
S. : Quelle lecture faites-vous de l'organisation de la Journée nationale des paysans au Burkina Faso ?
A.B. : J'ai été ministre des Ressources animales (ndlr : en 2004), mais j'étais l'intérimaire du ministre de l'Agriculture. J'ai participé à toutes les éditions de la JNP. Ce que je continue à croire, c'est que si on n'avait pas créé ce cadre de concertation, il fallait le créer. Parce que le chef de l'Etat quelle que soit sa volonté ne pourra pas rencontrer les paysans individuellement dans leurs villages et dans leurs exploitations. Par contre, il y a des problèmes qui sont communs à de nombreux producteurs et régions. Le fait que de discuter de ces problèmes dans les régions et d'en faire la synthèse qui sera présentée au président du Faso et que les paysans puissent s'exprimer est très important. Ce sont des changements qualitatifs. Le changement qualitatif est souvent mesuré d'abord à l'échelle individuelle, puis à celle collective. C'est pour cette raison que je pense que les objectifs de la JNP restent pertinents, puisqu'ils changent chaque année en fonction du contexte et du problème auquel on veut faire face. Cette année, on veut faire face au problème de la transformation en vue de trouver des solutions à tous les gros problèmes qui font obstacle au développement de l'activité du monde rural. Parce que 86% de la population active est essentiellement agricole. Le fait que le chef de l'Etat puisse donner une journée aux producteurs pour qu'ils viennent exposer eux-mêmes leurs problèmes et proposer des solutions, je crois qu'il faut travailler à consolider ce cadre et surtout à le perpétuer. Personnellement, mon ambition est que la Journée nationale du paysan soit organisée par les paysans. Que l'année prochaine ou dans deux ans, qu'on aille vers une organisation prise en charge, pas financièrement, mais du point de vue organisationnel par les paysans eux-mêmes. Dans cette lancée, les services techniques se chargeront seulement de les accompagner, parce qu'il y a des choses qu'ils ne peuvent pas faire du jour au lendemain. Comme c'est la journée du paysan, il faut qu'à terme, elle devienne vraiment leur journée. Et que les paysans puissent eux-mêmes proposer les thèmes.
S. : Quels sont les acquis engrangés dans l'organisation jusque-là ?
A.B. : Si je prends la première édition qui s'est déroulée à Léo, le 28 décembre 1993, la seconde en mars 1996 à Djibo, la troisième en avril 1998 à Dédougou, elles ont été entièrement organisées par le ministère. C'est à Dédougou que le chef de l'Etat a décidé qu'elle sera annuelle. C'est pour cela que depuis Bogandé en 1999, elle est devenue annuelle. Si on veut que ce soit une véritable journée des paysans, il faut que ce soit les paysans eux-mêmes qui l'organisent. On ne doit pas continuer à organiser la journée des paysans pour les paysans. Il faut qu'ils apprennent progressivement à organiser leur journée. Cette année nous avons fait en sorte qu'ils montent au moins à 50% dans l'organisation en devenant vice-présidents de commissions pour assumer. On va les accompagner dans le renforcement de leurs capacités de telle sorte qu'ils puissent être représentés à 75% l'année prochaine et dans dix ans à 90%. Les 10% vont les appuyer. De mon point de vue, ce que je vois comme avenir et ce qui devrait être l'ambition de tous, c'est que la JNP devienne une JNP organisée essentiellement par les organisations paysannes avec bien sûr l'appui, quand c'est nécessaire des services techniques.
Entretien réalisé par :
Bakary SON
Tielmè Innocent KAMBIRE