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Affaire Dabo Boukary: Salif Diallo crache ses vérités

| 20.12.2014
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Affaire Dabo Boukary: Salif Diallo crache ses vérités
© DR / Autre Presse
Affaire Dabo Boukary: Salif Diallo crache ses vérités
La journée de réflexion sur «les défis majeurs de la Transition au Burkina Faso» organisée le 18 décembre par l'association Faso action renouveau a été marquée par l'intervention de nombreuses personnalités. Sont de celles-ci, le 1er vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Salif Diallo. Celui-ci a saisi l'occasion pour faire des déclarations sur la vie socio-politique nationale. Ce qui n'est d'ailleurs pas une surprise, puisqu'il en a l'habitude. Répondant à un intervenant qui lui a demandé ce qu'il était venu chercher sous un arbre au campus le jour de la disparition de l'étudiant Dabo Boukary, Gorba a craché ses vérités concernant l'affaire Dabo Boukary. La réponse donnée sur ce dossier a amené l'intéressé ayant posé la question à quitter momentanément la salle pour des raisons que l'on ignore. Dans les lignes qui suivent, nous vous proposons justement et en intégralité les réponses aux questions données par Salif Diallo qui, visiblement, était très inspiré, surtout qu'il a avoué ne rien avoir à se reprocher.


Je voudrais profiter de ce panel pour répondre à une question qui me tient particulièrement à cœur dont le dernier intervenant a fait mention. Effectivement, le 16 mai (ndlr: jour de la disparition de Dabo Boukary, étudiant en 7e année de médecine), j'étais sur le campus comme d'autres y étaient de passage. Et avant, je puis vous dire qu'effectivement ce jour, j'ai quitté mon bureau pour me rendre à la maison des hôtes ici et j'étais bloqué comme d'autres passagers dont certains de vos professeurs sur la voie. Et je me suis mis sous un arbre avec certains de vos professeurs et je regardais un spectacle révoltant. Quand je suis arrivé, il y avait des militaires et des étudiants qui s'affrontaient. Je suis venu trouver une scène comme ça. Et de là, je suis reparti à mon bureau. Des étudiants ont été arrêtés et, l'après-midi, en compagnie de Monsieur Halidou Ouédraogo, du Recteur de l'université, Alain Nidaoua Sawadogo, je me suis rendu pour négocier la libération de ces étudiants. En fait, je suis allé voir le colonel Diendéré à l'époque en présence du Mouvement burkinabè des droits de l'homme (MBDHP) et du recteur. Tous les étudiants ce jour ont été libérés. Tous.


«Que le dossier Dabo Boukary soit jugé en premier»

Monsieur de l'ANEB, je tiens à vous dire qu'avant vous, j'ai dirigé l'AEVO (ndlr: Association des étudiants voltaïques de Ouagadougou). Si vous ne savez pas cela, je vous le dis (applaudissements). La propagande qui a été instrumentalisée à l'époque contre moi venait des gens de l'UGEB parce que j'avais des divergences idéologiques avec eux. Pourquoi ils n'ont pas dit qu'ils ont vu tel ou tel sous le même arbre. Pourtant, on était arrêté ensemble. Deuxièmement, le MBDHP a fait sortir une déclaration officielle me félicitant et me remerciant d'avoir négocié pour libérer les étudiants. Je demande à ce que ce dossier soit l'un des dossiers jugés en premier (applaudissements). Ce n'est pas la terreur d'un groupuscule clandestin qui va me faire fléchir. Et si la justice estime que je suis coupable, on doit me condamner. Et qu'il y ait justice pour Dabo Boukary. Je n'ai rien à me reprocher. Parce que le jour où je suis intervenu pour que les étudiants soient libérés, ils ont tous été libérés. La majorité était des femmes. J'ai même demandé est-ce qu'il reste encore des étudiants, on m'a dit non, il n'y en a plus d'étudiants. Le MBDHP peut attester, le Recteur de l'université peut attester. Et le même soir, je prenais Air Afrique, je partais en voyage. Donc Monsieur, ne vous en faites pas. Diallo Salif est là. Il va continuer à se battre pour ses convictions. Et ce n'est pas le petit gars instrumentalisé qui va me faire peur (applaudissements).

L'insurrection a été le fruit de la lutte de tous

Concernant l'insurrection, ce n'est pas uniquement l'article 37, ni le Sénat qui a amené l'insurrection. Je suis parfaitement d'accord avec cette vision. Mais dans ce pays, chacun avait sa plateforme. Les syndicats avaient leur plateforme sur la vie chère. Les partis politiques avaient leurs revendications politiques, etc. Donc, c'est la coordination de toutes ces plateformes qui a conduit à l'insurrection et la fuite de Blaise Compaoré. Ceux qui écrivaient dans les tracs qu'il faut l'insurrection armée pour changer le pays, est-ce que c'est eux seuls qui étaient à la pointe de cette insurrection? Non! Ce sont toutes les composantes politiques, les partis politiques qui étaient là sur le terrain. Par contre, d'autres, le mercredi 29, ont dit qu'il fallait lutter contre la vie chère. Cette plateforme seule ne suffisait pas. Il fallait que la revendication démocratique s'y ajoute. Il fallait partir sur la base économique pour renverser Blaise Compaoré. C'est pourquoi je m'oppose à ceux qui disent que ceux qui ont travaillé avec Blaise Compaoré doivent être frappés d'indignité politique. Parce que nous avons travaillé avec Thomas Sankara, avec Blaise Compaoré. Nous avons travaillé dans le cadre de notre pays, pas pour un homme. A chaque fois que nous avons jugé qu'une pratique n'était pas en phase avec nos convictions, nous avons dénoncé, même en étant au pouvoir. Pas parce que l'on a perdu un poste que nous sommes partis. Mais parce que la pratique était contraire à nos convictions. Même en Conseil des ministres, nous avons eu à dire plusieurs fois à Blaise Compaoré que la pratique de la gestion économique et celle politique ne sont pas en phase avec les aspirations de notre peuple. Et nous avons écrit souvent même étant dans le gouvernement, nous avons dénoncé. Vous reprenez les journaux, vous verrez. Nous n'avons pas fait de la clandestinité au sein du gouvernement Blaise Compaoré. Nous l'avons dénoncé (applaudissements). Quand il s'est engagé vers son royaume, nous avons dit que là, c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Nous avons dit non, basta, il faut arrêter (applaudissements).

«Personne ne peut écarter le MPP des élections»

Et ceux qui, aujourd'hui, nous disent que l'on a collaboré avec Blaise Compaoré. Tout le monde a collaboré avec lui. Que ce soit dans les syndicats, dans les partis politiques, tout le monde est allé voter aussi. Nous sommes du MPP, une partie de nos militants ont travaillé avec Blaise Compaoré comme moi-même. Nous allons aller aux élections. Et c'est au peuple de nous départager. Aucun groupuscule, soit-il malin, ne peut en bas, prendre des dispositions pour nous écarter des élections. Sinon, vous verrez la vraie insurrection populaire (applaudissements). Personne ne peut nous empêcher de participer à ces élections parce que ce sera des élections ouvertes, transparentes. Et si le peuple rejette quelqu'un, c'est le peuple qui l'aurait rejeté. Les spécialistes des tracts ne peuvent nous empêcher, nous, de participer aux élections.

«La Constitution de 1991 doit être revue et corrigée»

Maintenant, la question de fond qui est la plus sérieuse, c'est celle de la Constitution. Vraiment, si nous devons être sérieux et des patriotes, nous devons revoir la Constitution. Ne croyez pas que Blaise s'est levé du jour au lendemain pour se transformer en monarque. On lui a donné les moyens juridiques à travers cette Constitution de monarchiser. C'est pourquoi il faut tirer leçon du passé. La Constitution de 1991 qui a instauré un régime de type présidentialiste doit être revue dans le cadre de notre pays. Si nous remettons encore après cette insurrection un régime de type présidentiel sans contrôle des masses populaires, nous allons aboutir à des résultats similaires. Si j'ai une proposition personnelle à faire, il faut revenir à une constitution où les représentants du peuple auront un droit de contrôle réel sur l'exécutif. Et que la justice soit indépendante et transparente. C'est cette constitution qui pourra permettre au peuple d'aller vers ces aspirations. Mais si vous créez un régime où l'exécutif contrôle le judiciaire, le législatif, on va aboutir à une autre monarchisation. C'est pourquoi il faut faire en sorte, quelle que soit la personne, le parti élu, que des mécanismes juridiques empêchent quiconque d'avoir des velléités de monarchisation et de patrimonialisation du pouvoir. Pour moi, ce débat est un débat de fond qui sera très difficile d'épuiser pendant la Transition. Mais on peut créer des jalons pour qu'il y a une convocation, pour qu'il y ait une constitution après les élections.

Aller vite et bien aux élections

Depuis 2009, personnellement, je réclame personnellement une constituante dans ce pays. Je l'ai écrit et dit. C'est parce que Blaise Compaoré n'a pas voulu de cette constituante que l'on a abouti à cette insurrection. La constituante, c'est permettre aux composantes multiples et mêmes contradictoires de notre peuple de s'assoir autour d'une même table, débattre et obtenir un consensus minimal. Parce que j'ai toujours dit, la constitution n'est pas un fait majoritaire. C'est un fait consensuel. Même les minorités dans ce pays devraient se retrouver dans la constitution. Et pour moi, après la Transition, la question de fond qui doit être réglée, c'est cette constitution pour que le Burkina puisse aller démocratiquement et dans la paix. Je préfère et je propose que l'on appuie les organes et le gouvernement de la Transition pour aller vite vers les élections.

Les élections, ce n'est pas uniquement la prise du pouvoir. C'est pour que le peuple puisse se prononcer. Nous ne devons pas enlever au peuple sa capacité et ses aspirations de choisir qui il veut. Ceux qui n'ont pas confiance au peuple ne veulent pas aller aux élections. Mais que l'on aille aux élections, le peuple est multiple et divers. Que ce peuple choisisse ses dirigeants selon le programme. Il y a des partis politiques qui n'ont pas de programme, qui ne peuvent pas expliquer pourquoi ils veulent le pouvoir. Il y en a qui en ont, qui ont des visions. Il faut expliquer notamment à la jeunesse qu'elle doit choisir ses dirigeants, en tenant compte de la pratique des uns et des autres. Mais empêcher les élections, parce qu'il faut empêcher tel ou tel problème, on va retomber dans une situation de crise parce que le Burkina est un pays de savane. On se connaît tous. Il y a des manœuvres; quelles soient clandestines ou ouvertes, elles sont sues. Donc, allons-y vite aux élections.

«Nous sommes pressés d'aller aux élections»

Je voulais rebondir un peu sur l'intervention du Pr Augustin Loada concernant les élections. Le Pr Loada a dit qu'il est pressé de revenir dans sa maison à l'université ici. Moi, je suis représentant d'un parti politique, je ne fais pas mystère de notre choix. Nous aussi, nous sommes pressés d'aller aux élections (applaudissements et éclats de rires). Et sur ce point, il faut que ce soit des élections vraiment démocratiques, transparentes et équitables. Cela requiert que l'on puisse relire le code électoral actuel, que tout le monde se sente en sécurité vis-à-vis des élections et que la transparence soit de rigueur pour éviter les contestations postélectorales. Et je pense que l'une des tâches urgentes de la Transition, c'est d'aller vers le toilettage du code électoral et voir la possibilité de mieux organiser la CENI. L'autre grande question est celle budgétaire. Est-ce que le budget 2015 a pris en compte le financement des élections, la mobilisation des ressources pour ces mêmes élections? On me parle d'une bagatelle de 71 milliards. Est-ce que le budget actuel a prévu ces ressources parce que de plus en plus, les bailleurs de fonds étrangers ne financent pas la prise en charge des élections parce qu'ils disent que c'est une question de souveraineté nationale, ce qui est vrai. Donc, il nous faut avec le gouvernement de la Transition, répondre à ces questions. Mobiliser les finances, trouver un code électoral transparent et équitable. Maintenant, l'autre question qui est posée à toute la société burkinabè, c'est la question de la Constitution. J'estime que les évènements des 30 et 31 octobre ont sonné le glas de la constitution actuelle, virtuellement.

Parce que le peuple s'est mobilisé contre l'accaparement, contre la monarchisation qui était virtuelle dans ce pays. Donc, dans la Constitution de 1991, il y a des aspects positifs comme des aspects négatifs. Et à mon avis, la constituante doit se tenir. Maintenant, la question de fond, pourrons-nous la réaliser avant ou après les élections? Pour moi, la constituante est à réaliser avant. Mais vu le délai, vu la perspective des élections, on peut s'en tenir à la charte actuelle, le code électoral, aller vers des élections et prendre l'engagement avec le peuple d'exécuter immédiatement après les élections, une constituante dans ce pays. Que le peuple se prononce pour mettre en place une constitution qui pourrait nous amener très loin de façon démocratique.

Donc, il ne faudra pas se leurrer, la question constitutionnelle est posée et à résoudre; maintenant, trouvons les moyens et le temps pour le faire très vite. C'est pourquoi, je voulais rassurer le Pr Augustin Loada ici présent qu'en tant que ministre, il doit aussi transmettre au gouvernement de la Transition les préoccupations des partis politiques (applaudissements). S'il y avait un calendrier électoral avec une modification du code électoral, les enjeux sont ouverts mais chacun va se prononcer. Sans les élections, le risque est grand de faire déraper la Transition. Parce que plus le retard va se sentir, plus les manœuvres souterraines des uns et des autres se manifester; mêmes vous, à la société civile, on sait qu'il y a certains qui vont souffler aux oreilles des militaires de garder le pouvoir (éclats de rires).

Propos recueillis et retranscrits par Saïdou Zoromé

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