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A table : «Poulet-là, c’est mieux que la dinde»

| 24.12.2013
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A table : «Poulet-là, c’est mieux que la dinde»
© DR / Autre Presse
A table : «Poulet-là, c’est mieux que la dinde»
La dinde à table pour la fête de la Nativité ! De plus en plus, de nombreux Burkinabè se conforment à cette tradition que l'Europe doit au voyage de Christophe Colomb en Amérique en 1492. Si la disponibilité de cette volaille ne pose pas problème dans le pays, son coût dissuade encore. Et de l'avis de Madi Zongo, il vaut mieux rester dans les vieilles habitudes. «Poulet-là, c'est mieux que la dinde», conseille cet homme, qui totalise 30 ans d'expérience dans la vente de volaille.

« Y a de grosses dindes ici. Arrêtez-vous pour voir ». A peine le véhicule a pris la dernière bifurcation avant le marché de la cité An II de Ouagadougou hier, lundi 23 décembre 2013, qu'un jeune homme, la vingtaine révolue et portable en main, interpelle ainsi l'équipe de reportage. Flairant un bon coup, il se détache du groupe qui devise sous un hangar à l'entrée du secteur réservé aux marchands de volaille pour nous rejoindre au pas de course. Mais une fois qu'il prend connaissance de l'objet de cette visite, il se ravise, frustré certainement d'avoir perdu son temps pour rien. «Vous aussi ! Au lieu de me dire de vous charger 10 animaux... Allez-y, les patrons sont à l'intérieur», dit-il, la mine déconfite, avant de rejoindre son banc, regrettant peut-être de l'avoir abandonné quelques instants plus tôt.

A l'intérieur donc, les «patrons», nous n'en verrons qu'un. Saidou Bilgo, l'un des rares d'ailleurs qui se sent à l'aise dans la langue de Molière. Chez lui, les prix varient pour avoir une dinde à sa table. Il faut débourser entre 22 500 et 35 000 F FCA pour un animal sur pied et 6000 F CFA pour le kilogramme de chair. A 48 heures de la fête, il a encore dans ses enclos une centaine de têtes qu'il a fait venir des Régions du Centre-Sud et du Centre-Est où se trouvent ses fournisseurs. Cependant, il partage avec les autres vendeurs du marché un optimisme béat. C'est le moment de faire de bonnes affaires.«Il n' y a pas d'inquiétude, car c'est toujours à la veille de la fête que je vends le plus. De plus en plus, les gens s'intéressent aux dindes à Noël. Ce matin j'en ai vendu 15 et je dispose encore d'une centaine de têtes qui vont également partir d'ici là», lâche-t-il entre deux éclats de rire.

Comme en pareille circonstance, un attroupement se forme autour de lui, les occupants des lieux ne voulant certainement pas se faire raconter notre passage. Lorsque notre interlocuteur nous invite à faire un tour à l'abattoir, ceux restés jusque-là sous leurs hangars viennent aux nouvelles. «Ya riib bi ?», demandent-ils. Entendez par là: «Vont-ils prendre beaucoup de têtes ?» Réponse d'un des leurs qui a assisté à toute la conversation : «Ce sont des questions seulement». Chacun rejoint donc son affaire, laissant Saïdou Bilgo seul avec ses hôtes. Sur l'aire d'abattage du marché, point de dindes. Les clients sont passés plus tôt que prévu chercher leurs emplettes. «Malheureusement à 12h là, vous êtes venus en retard», nous informe-t-il, l'air déçu de ne pas pouvoir montrer sa marchandise prête à livrer.

Direction Gounghin alors, à l'autre bout. Là, Madi Zongo nous accueille à bras ouverts. Il se rappelle de la ville dans les moindres détails la première visite d'une équipe de L'Observateur Paalga 2 ans plus tôt dans leur marché. Mais face à l'ordre du jour, il dut interrompre sa relation des faits. Madi a fait ses provisions en conséquence pour les fêtes. Ses dindes coûtent entre 20 000 et 40 000 F CFA et il se frotte les mains. «La pratique prend de l'engouement. Beaucoup de personnes s'offrent une dinde pour la fête. Des gens en prennent également pour faire des cadeaux à certains de leurs connaissances», raconte-t-il. Si le cadeau du Père Noël, cette tradition occidentale, est bien ancré dans nos mœurs aujourd'hui, l'honorer demeure un casse-tête pour de nombreux parents. La consommation de la viande de dinde le jour de Noël d'emprunter le même chemin car elle est en passe de rentrer dans les habitudes culinaires. Mais, prévient Madi, il ne faut pas forcer les choses.«Pour des gens comme nous, poulet-là, c'est mieux que dinde», préconise-t-il. Avec sa trentaine d'années d'expérience dans la vente de volaille, il reste convaincu que la dinde demeure un luxe que seuls les plus nantis et les Occidentaux peuvent se permettre. A titre d'exemple, argumente-t-il, au même prix, on peut avoir plus de viande de poulet que celle de dinde.

Comme s'il l'avait entendu, Fernand Sanon s'est arrêté uniquement devant des vendeurs de poulets. Même là, ce n'est pas toujours du donner. «C'est pas facile hein ! On me propose des poulets à 7500. C'est un bouc ou quoi ?», se plaint-il en nous apercevant. La dinde, ce n'est pas le dada de cet enseignant à la retraite. «Nous ne sommes pas habitués à cet animal à Noël et la manière de le préparer, c'est une culture occidentale. Je préfère les poulets au four que les gens connaissent et mangent sans problème à cet oiseau connu des riches et de ceux qui ont des habitudes beaucoup tournées vers l'Occident. Pour nous, si tu as ton poulet, tu es content», affirme-t-il, l'air convaincu.Après quelques minutes de discussion avec les vendeurs, il a pu s'acheter des poulets avant de poursuivre ses achats. Comme Noël chez lui rime avec poulet au four, la fête est donc bien partie.

Moumouni Simporé & Boureima Badini

Encadré

La dinde à Noël

La petite histoire

Avant la découverte de cette volaille, aujourd'hui mythique, on mangeait de l'oie ou du poulet lors des fêtes de Noël. On doit la découverte de la dinde à Christophe Colomb qui, en 1492, lors de son arrivée en Amérique tombe sur cet oiseau inconnu jusque-là. Cette volaille aux plumes ressemblant à de la laine n'existait pas en Europe. Il ramène ensuite quelques dindes en Europe, ce sera le début d'une longue histoire... Le nom dinde est dû au fait que les colons pensaient avoir accosté en Inde, alors qu'ils venaient de débarquer en Amérique. Ils ont tout simplement nommé cette volaille «la poule d'Inde». Le nom de dinde a ensuite été adopté.

L'explication la plus pragmatique tient au fait qu'elle est plus grosse que le poulet et moins onéreuse que l'oie : c'est le compromis parfait. Elle permet de nourrir toute la famille autour d'une même table et d'un même plat. Une autre explication, plus poétique, dit que cette tradition est due à l'influence de Charles Dickens et de son très populaire cantique de Noël, dans lequel il cite la dinde de Noël. Grâce à lui, elle s'impose en starlette des fêtes de fin d'année.

Source : plurielles.

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