Le locataire du palais de Kosyam a donc parlé. Une adresse pleine de sagesse, de vision faisant chuter le taux d'adrénaline qu'on sentait dans chacun de ses compatriotes. Il a pris ses responsabilités et s'est adressé aux principaux protagonistes de la crise, avec son cœur, le ton à la fois grave et mesuré, en prenant son peuple à témoin. Il n'a pas cédé au différencialisme, renvoyant dos à dos les protagonistes et pour tout dire, il a divisé la poire en deux et prévoyant, il a réservé sans doute une poire pour quand il y aura de la soif. En gardant le département de la sécurité ?
Aussi, le chef de l'Etat a maintenu le chef du gouvernement, Yacouba Isaac Zida à son poste, mais il a réduit considérablement ses attributs. Il a récupéré, à son profit, le ministère de la Défense pour, dit-il, régler les questions du dysfonctionnement et des frustrations au niveau de l'Armée. Puis, il a annoncé le démantèlement du Ministère de l'administration territoriale et de la sécurité (MATDS), scindé en deux départements distincts. Celui de l'administration territoriale et de la décentralisation et celui de la sécurité dont il garde désormais la haute main. C'est donc un Premier ministre «normal» qu'a désormais le Burkina, même si à l'analyse, Yacouba Isaac Zida sort de ce bras de fer avec ses frères d'armes amoindri comme un miraculé, qui échappe ici à l'impeachment, mais estropié, pour ne pas dire unijambiste. En tout cas, le commando ingambe qu'il était n'est plus aussi leste, façon de dire, qu'en perdant le département de la défense, il est délesté de beaucoup. Si en plus son éminence grise, Auguste Denise Barry qui a fait les frais de ce lifting gouvernemental, c'est véritablement un coup de massue que Zida reçoit.
En effet, en s'octroyant la défense, Michel Kafando fait dans le cumulard, sauf s'il se décharge des affaires étrangères, mais il sait que le sensible dossier de la grande muette ne peut plus être géré par celui-là même qui cristallise la polémique.
Et sans doute, la mesure disputée sur le passage d'un lieutenant-colonel à général, sera gérée par Mba Michel.
Ce sont des mesures fortes, sans précédent, empreintes de sagesse, qui témoignent de la bonne inspiration du chef de l'Etat qui aurait passé sous silence certaines questions. On pense notamment à ce qu'adviendra du RSP dont les itératives exigences de dissolution des OSC en avait fait le souffre-douleur de la grande muette.
Quoi qu'il advienne, il sera également affecté.
A la gloire des savoureuses particularités de certains éléments du RSP dont le silence est évocateur d'un consentement tacite. Si la soldatesque n'a pas ouvert la boîte aux pandores pour livrer ses sentiments, les civils, eux, ont été plus loquaces et volubiles. Les acteurs de la société civile et des partis politiques, de tous les bords, qui ne parlent pas aussi souvent le même langage, ont relevé que le Président Kafando a fait montre de sagesse, de responsabilité et de perspicacité. On devine sans doute, que cette diminution des prérogatives du Premier ministre et la segmentation du MATDS en deux entités procède d'une satisfaction de l'armée et cela pourrait être la contrepartie du maintien de Zida à son poste.
Ce sont de bons signaux de nature à garantir des lendemains de paix et de calme. On ne devrait plus voir monter à l'horizon, un nuage de malentendus pour au moins la durée de la transition.
Mais il y sans doute autre chose de plus important, au-delà de la personne de Zida :
Les élections du 11 octobre sont des impératifs catégoriques que le Président du Faso a décidé de respecter à la lettre.
Comme nous l'écrivions dans notre dernier édito, Michel Kafando a repris la main mettant fin à cette sorte de guerre soft au sommet de l'Etat et du même coup, signifiant la mort à ce bicéphalisme jugé incongru par certains Burkinabè.
L'élégance classique du style de Michel Kafando démontre pas mal qu'il a finalement décidé d'enfiler le costard du chef d'Etat. C'est d'autorité, sans avoir discuté avec tous les signataires de la charte de la transition, qu'il a laissé entendre que le pays des hommes intègres se conformera au verdict de la Cour de justice de la CEDEAO sur le nouveau code électoral, en tant que nation civilisée et respectueuse de l'autorité de la chose jugée et de ses engagements internationaux.
Cette posture respectable devra lui permettre de monter bien haut dans l'estime de la communauté internationale qui a, de tout temps, appelé à cor et à cri, à la tenue d'élections inclusives. Cette dernière pourrait, en temps opportun, après ses bons et loyaux services à la nation burkinabè, lui permettre d'intégrer le très restreint et respecté cercle des médiateurs internationaux qui parcourent le monde. Ce ne serait pas immérité pour ce sexagénaire qui, après avoir confirmé à la face du monde tout le bien qu'on pensait de lui, peut encore mettre ses talents de négociateur au service de la paix, sous d'autres cieux. Bonne continuation à Mba Michel car le 11 octobre, le Burkina a rendez-vous avec son destin.
La Rédaction