De fait, les derniers mouvements d'humeur de soldats mécontents avec en prime des tirs en l'air au niveau de la Présidence, un lieu hautement symbolique de la gestion du pouvoir d'Etat, ainsi que la confusion générale qui s'en est suivie, ne vont sans doute pas arranger la situation pour les deux, voire les trois parties. A commencer par le chef du gouvernement, qui marche visiblement sur une corde des plus raides.
Il pensait avoir désamorcé la bombe lorsque, profitant de son discours sur la situation de la nation prononcé devant le Conseil national de Transition, le CNT, le Premier ministre s'illustrait encore négativement. En effet, brûlant sans autre forme de procès la politesse au Président de la Transition, Chef de l'Etat, il prenait sur lui d'annoncer publiquement que le RSP -dont il connaît les capacités opérationnelles et qu'il a servi, dira-t-il, deux décennies durant- ne serait pas dissous.
Mieux, il ajoutait que des missions plus importantes lui seraient confiées dans un avenir proche. Une manière d'en appeler à la bonne collaboration de ses anciens compagnons dont on sait par ailleurs qu'ils ne le portent plus forcément en estime depuis le début de la Transition.
Seulement voilà, dans tout différend, il y a parfois des positions qui peuvent profiter à un camp et pas forcément à un autre. Et c'est bien ce qui est arrivé avec cette sorte de contre-discours du Balai citoyen. Ce dernier a ainsi réagi aux propos du chef du gouvernement dont il est pourtant proche. Et ce avec une fermeté qui cache mal les difficultés à parler désormais le même langage.
Pour le rappeur Smockey et ses camarades, la revendication de la dissolution pure et simple du RSP n'est tout simplement pas négociable. Pour eux, la sortie du Chef du gouvernement est une prime à l'oubli. Et pour cause, certains parmi les leaders du Balai rappellent simplement les moments difficiles de la confrontation avec l'ancienne garde prétorienne des Compaoré. Un face-à-face tendu dans lequel la mobilisation citoyenne aura contribué à sauver la mise à Zida dont la démission était vivement réclamée par les locataires du camp Naaba-Koom.
Une situation des plus malheureuses où l'on a vu une partie de l'armée empêcher, par deux fois, la tenue d'un Conseil des ministres dans un pays pourtant en transition politique. La situation a alors été rapidement reprise en main, aussi bien par les acteurs politiques que par les Organisations de la société civile, qui ont contribué, par leur détermination, à relancer la Transition.
En voulant se remettre dans les bonnes grâces de ses anciens camarades d'armes, Zida a pris le risque de se mettre à dos une partie de l'opinion nationale. Et plus particulièrement au niveau du Balai citoyen. Ce qui lui rend la tâche de plus en plus compliquée. Et ce à quelques mois de la fin de la Transition.
Certes, la revendication du Balai citoyen a été jugée maximaliste par d'autres acteurs du monde politique ou associatif. Cependant, on peut remarquer que les événements du lundi 29 juin 2015 avec ses tirs en provenance du RSP montrent bien la délicatesse de la manœuvre.
En se servant de leurs armes pour cette fois-ci protester contre ce qu'ils considèrent comme un harcèlement de la part des autorités de la Transition, sous-entendu de la part de YIZ, et suite à l'audition par la gendarmerie de certains de leurs responsables, les militaires du RSP montrent, si besoin en était, qu'ils constituent effectivement une équation à laquelle il faut impérativement trouver une solution. N'est-ce d'ailleurs pas l'objectif assigné à la «Commission Diendéré»?
Réagissant rapidement à l'information qui s'est répandue dans la presse comme une traînée de poudre, les soldats en colère ont, quant à eux, estimé devoir apporter des précisions. On retiendra de celles-ci que certains éléments proches -selon eux- de Zida ont voulu profiter de la situation pour justifier une éventuelle prolongation des délais de la Transition. De quoi raviver la flamme de la contestation. Et donner ainsi du grain à moudre à ceux qui, à l'image du très sankariste Valère Somé, estiment, pour leur part, que la Transition s'est engluée dans des «contradictions insolubles».
Quoi qu'il puisse en être, cette nouvelle montée d'adrénaline fragilise davantage le Premier ministre. Ce dernier n'a de toute évidence pas réussi, dans sa volonté d'amadouement de ses ex-camarades. Pas plus qu'il n'est parvenu à redorer son image auprès des Burkinabè. Bien au contraire...
A. Traoré