Le document a été signé hier dimanche 16 novembre 2014 à la Maison du peuple par l'ensemble des représentants des « Forces vives ». Pas de géant donc vers une transition démocratique civile.
Pari réussi par la classe politique, la société civile, l'armée, les autorités religieuses et la chefferie coutumière qui sont parvenues dans la nuit du 13 novembre de l'an de grâce 2014, dans la salle du Liptako-Gourma, à adopter « à l'unanimité » cette fameuse feuille de route vers un retour à une vie constitutionnelle normale.
On notera au passage que pour cette fois-ci, les faits ont donné tort aux numérologues et autres superstitieux pour lesquels le chiffre 13 est funestement connoté. D'où cette triskaïdékaphobie ou perception négative sur ce chiffre constatée dans bien de sociétés.
Ensemble d'actes juridiques encadrant la transition politique, notre Charte à nous tire sa principale force aussi bien des circonstances de son élaboration que des conditions de son adoption : dans l'une a prévalu l'esprit d'inclusion, dans l'autre le consensus.
Certes le document n'est pas parfait, mais ses vingt-cinq articles sont comme autant de balises politico-juridiques à même de nous guider vers la normalisation. D'ailleurs, pouvait-on mieux faire vu le laps de temps très court qui nous était imparti, la multitude des parties prenantes et toutes ces pressions extérieures qui s'exerçaient sur notre pays ?
C'est vrai, « L'Observateur Paalga » avait émis des réserves sur certaines dispositions du projet.
Il en est ainsi de ses inquiétudes quant à l'exigence de la composante civile de réduire le nombre de départements ministériels à vingt-cinq. Pour plusieurs raisons, le journal préconisait pour sa part le maintien des choses en l'état, comme proposé par les militaires. C'est-à-dire conserver le nombre de maroquins et « leurs dénomination actuelles sauf le ministère d'Etat, chargé de Missions auprès de la Présidence, qui est à supprimer, alors que le département de la Défense, naguère cumulé par l'ex-président Blaise Compaoré, devra être restauré en tant que tel ». (Lire page 8 dans notre livraison du mardi 11 novembre 2014). Mais réflexion faite, si on supprime les ministères délégués puis on rattache certains postes entre eux (par exemple comme le département des Infrastructures et celui de l'Urbanisme) on reviendrait à peu près au nombre vertueux de 25, comme retenu dans la Charte.
Cependant, nous restons interrogatifs sur la pertinence de la création d'une « sous-commission gestion des médias et de l'information rattachée à la « Commission de la réconciliation nationale et des réformes ». Jusqu'à ce que nous en sachions davantage sur les missions qui lui seront dévolues, nous pensons que la presse burkinabé est déjà suffisamment bien encadrée.
Tenez ! De la loi 56 ADP du 30 décembre 93 portant Code de l'information, celle sur l'audiovisuelle au Conseil supérieur de la communication (CSC) chargée de la régulation en passant par l'Observatoire burkinabé des médias (OBM) structure d'autorégulation et la Charte du journaliste burkinabé, il y a une multitude d'organes et de textes qui régissent la pratique du journalisme dans notre pays.
Certes beaucoup de ces textes sont perfectibles, c'est-à-dire méritent d'être relus et corrigés pour s'adapter aux exigences d'une presse plus libre. Mais à notre sens, un tel exercice ne semble pas relever des urgences pressantes et nombreuses qui attendent les autorités de la transition.
En attendant donc voir ce qu'il en sera de cette sous-commission, revenons à la Charte pour dire qu'elle n'est qu'une feuille de route devant conduire à des élections. Aussi bien élaborée soit-elle, rien n'est gagné d'avance sur son application. Sa bonne mise en musique requiert, entre autres, sens de la responsabilité, consensus qui a permis son adoption par les « Forces vives », recherche de l'intérêt général et esprit de sacrifice.
Car la mission des organes de transition, particulièrement le gouvernement, ne se limitera pas à l'organisation de scrutins libres, transparents et équitables en 2015.
Bien avant toutes ces échéances, il s'agira d'assurer la continuité de l'Etat avec tout ce que cela comporte comme défis pharaoniques : services des salaires, de la dette intérieure et extérieure, sans compter les probables tables rondes des bailleurs à organiser pour la restauration des casses et autres sinistres occasionnés par les « Quatre Glorieuses » que nous venons de vivre. Ce ne sera donc pas une partie de plaisir pour le président ou la présidente de transition et son équipe. Si bien que « l'oiseau rare », qui vient d'être dénicher par le Collège de désignation devrait avoir les ailes solidement fixées et prodigieusement agiles pour voler citius, altius, fortius c'est-à-dire plus vite, plus haut, plus fort.
Une prouesse olympique que le Cincinnatus (1) burkinabé doit réussir d'autant plus aisément si une sorte d'union sacrée se fera autour des organes de transition à commencer par celui ou celle qui a désormais en charge les destinées de cette transition.
Laboureur romain qui a accédé au Consulat pour sauver la République en proie à l'anarchie. Une fois sa mission réussie, Cincinnatus abandonnant les insignes du pouvoir et s'en retourna à ses champs et à ses charrues.
Alain Saint Robespierre