Il faut savoir distinguer le bon grain de l'ivraie
Ces contestations se justifient, d'autant que c'est le peuple qui s'exprime au nom de la démocratie. Le pouvoir a été pris par le peuple dans la rue. Ce dernier a donc un droit de regard sur la façon dont se gère la Transition. Simple question de cohérence. Ceux qui ont en charge d'animer ce type de pouvoir, doivent veiller sur la qualité des hommes. Légitime donc qu'au niveau de l'appareil d'Etat, ils cherchent à lui éviter d'être gangréné par le biais de ressources humaines remarquablement souillées. Si l'on conteste aujourd'hui des nominations, c'est bien parce que hier, le silence s'imposait. Aujourd'hui, il est difficile de se taire. En se jetant dans la rue pour chasser le dictateur Blaise Compaoré et son régime, le peuple s'est arrogé tous les droits. Par conséquent, partout où il se sent lésé, il continuera à revendiquer ses droits, et de la même manière. La démocratie le veut ainsi, qui se caractérise par le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C'est bien parce que le peuple est descendu dans la rue que le régime Compaoré a été défait. Et il est logique que le pouvoir actuel, issu de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers, se plie devant la volonté populaire. Ce régime de la transition est l'émanation du peuple burkinabè dans sa grande diversité. Les prises de position à contre-courant, n'y pourront rien.
Il ne faut pas se voiler la face. Trop de bêtises ont été commises durant plus d'un quart de siècle de pouvoir Compaoré. Hors de doute que ce pays prendra du temps à s'en remettre. Il y a du travail à faire, et l'on ne peut prendre le risque de cheminer avec des individus compromis, ou qui risquent fort de tout remettre en question. Sans doute le redémarrage est-il difficile avec des gens qui étaient « aux affaires », et dont la moralité pose problème ! Mais, il faut savoir distinguer le bon grain de l'ivraie, si l'on veut avancer dans la bonne direction. Le mal est profond, et ses origines bien connues.
Honnêtes, modestes et fort consciencieux au départ, nombre d'individus se sont progressivement laissé gagner par la cupidité. Ils en ont oublié jusqu'au contenu flatteur mais combien révélateur et plein d'enseignements de notre hymne national « Le Ditanyé», pourtant régulièrement fredonné par leur propre progéniture ! Visiblement, cet air qui galvanise autant qu'il rappelle à l'ordre, n'aura pas pu les ébranler jusque dans leur tréfonds. A la fois victime de leurs propres turpitudes et bourreaux accomplis du peuple en détresse, ils vont devoir payer la rançon de leur méprise. Pour avoir préféré la courte échelle, voilà les profiteurs aujourd'hui aux abois !
De la qualité de la gestion de la Transition dépendra l'avenir du Burkina
Des enquêtes de moralité et en profondeur s'avèrent donc nécessaires avant toute nomination. Elles devront se mener dans les règles de l'art. Les enquêteurs pourront s'abreuver à bonne source : parmi les personnes ressources, il y a celles du service dans lesquels travaillent les candidats. Y figurent certes des cadres, mais surtout de nombreux agents de soutien administratif. Ceux-là constituent toujours de véritables mines d'informations à exploiter. L'on pourrait aussi emprunter au modèle américain, la méthode consistant à recourir au Congrès et au FBI, pour s'assurer de la bonne moralité d'un candidat. Dans notre contexte, le gouvernement pourrait nommer un cadre, sous réserve qu'il soit approuvé par le Conseil national de Transition (CNT). Celui-ci faisant office de Parlement, donnera son approbation. Auparavant, une enquête de moralité aura eu lieu, qui impliquera nos forces de défense et de sécurité, aidées le cas échéant par Interpool local. Le processus de nomination pourrait comporter deux niveaux. Le risque zéro n'existant pas, l'intéressé ne pourra prendre service qu'une fois la bonne moralité confirmée par les enquêtes.
Parce que de la qualité de la gestion de la Transition dépendra l'avenir du Burkina et des Burkinabè, il ne faut pas craindre de ratisser large. Cela aura l'avantage d'éviter les nominations hâtives, lesquelles frisent parfois la complaisance. Il faut éviter de confondre vitesse et précipitation. Le contexte de la Transition qui se veut inclusive, peut nous entraîner dans des erreurs. Il faut donc éviter de prêter le flanc. A coup sûr, les erreurs seront difficiles à éviter ; mais, il s'agit de les limiter au maximum. Et lorsque l'erreur est avérée, il faudra la réparer immédiatement.
Jamais, on n'aura vu autant se concrétiser le principe du gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Aux gestionnaires de la Transition de faire attention, d'éviter de changer pour changer. Où qu'elles se trouvent, les nouvelles autorités ne doivent pas sacrifier l'avenir du Burkina et des Burkinabè, au gré des nominations hâtives. En aucun cas, on ne doit constater le retour de la complaisance, comme naguère sous la quatrième République. Les délinquants à col blanc sont encore nombreux. Mais, des gens qui n'ont pas trempé leur barbe dans la soupe du clan Compaoré, il y en a aussi bien au Burkina que dans la diaspora. Mais, avant de procéder à des nominations, on se doit de fouiller le parcours des postulants éventuels. Il suffit de prendre le temps de les chercher, mais aussi de mobiliser les ressources idoines, afin de s'assurer de leurs compétences, autant que de leur bonne moralité. C'est à ce prix qu'on parviendra à éviter les nominations à la hussarde.
« Le Pays »