Transition politique au Burkina : Ces organisations de la société civile plus politisées que les partis politiques

| 05.03.2015
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Transition politique au Burkina : Ces organisations de la société civile plus politisées que les partis politiques
© DR / Autre Presse
Transition politique au Burkina : Ces organisations de la société civile plus politisées que les partis politiques
Difficile de faire aujourd'hui un distinguo dans les missions des partis politiques et celles des Organisations de la société civile (OSC) au Burkina. Les premiers prêtent leurs idées aux seconds. Les seconds se font les porte-voix des premiers sur les dossiers sensibles où il ne serait pas bien vu pour un parti d'avancer à visage découvert. Cette situation de vase communiquant entre partis politiques et OSC crée non seulement la confusion dans le débat politique mais dénature complètement la nature et le rôle de ces dernières. La dernière déclaration de certaines OSC sur la situation nationale est le prototype de cet amalgame des rôles. Dommage !


Au Burkina, c'est enfoncer une porte ouverte que de dire qu'on voit de nos jours des OSC plus actives dans les prises de position politique que les partis politiques eux-mêmes. Les plus activistes de ces OSC s'érigent désormais en procureurs de la république pour défendre une Transition coincée dans ses prises de décision à la hussarde. La déclaration de certaines d'entre elles, ce 18 février, traduit bien cette confusion de genre et achève de convaincre sur la volonté de ces 0SC de jouer le rôle d'une nouvelle majorité suppôt de la transition. En effet, certaines, même si elles n'ont pas une existence légale, le Comité anti référendum (CAR) par exemple, se sont accoquinées avec les autorités de la Transition, notamment le Premier ministre et le ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité, desquelles elles reçoivent subsides occultes pour être des relais de communication et la base sociale qui manque à un gouvernement sans légitimité électorale.

Organisations de la société civile ou nouveaux partis au pouvoir?

Tout le monde sait que de grosses sommes d'argent ont circulé pour organiser les meetings de dénonciation du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) à Ouagadougou le 07 et à Bobo Dioulasso le 21 février dernier. Des véhicules ont été affrétés par des OSC, notamment le Balai citoyen et le Comité anti référendum, pour sillonner les plus grandes villes du pays afin d'appeler les populations à une insurrection contre le RSP et pour un soutien au Premier ministre. Malgré la débauche de moyens et d'énergie, la montagne a accouché d'une souris. A Ouagadougou, si la presse a estimé les manifestants à environ 3000 personnes, à Bobo Dioulasso, ils étaient trois fois moins nombreux, tandis que dans d'autres villes comme Ouahigouya, Fada, Gaoua, les populations ont quasiment ignoré l'appel à manifester.

Cet échec de leur seconde «insurrection populaire» (sic) pour «balayer le reste des ordures» est une pilule amère que les suppôts de la Transition ont du mal à avaler. A preuve, une deuxième marche meeting dite des femmes a été organisée à Bobo Dioulasso (21 février) toujours pour vilipender le RSP sans plus de succès que la première. Mais décidées à être plus politiques que les politiques, ces OSC qui jouent actuellement le rôle de partis au pouvoir, ont investi la presse avec une déclaration fleuve qui traduit leur désarroi de voir que la Transition ne se déroule pas comme sur des roulettes. Elle connait des ratés monstres dans la conduite de l'action gouvernementale qui ne peuvent pas laisser les populations indifférentes d'où les revendications corporatistes et catégorielles, y compris dans l'armée notamment au RSP. En lieu et place d'une réflexion sereine pour encourager l'exécutif de la Transition à recadrer ses actions selon les attentes légitimes des populations, les têtes pensantes de« l'insurrection populaire» à travers leur épouvantail d'OSC, jouent les outragés colériques qui voient une « République sous surveillance» militaire, «des forces de la restauration de l'ancien régime en mobilisation» et «une certaine presse alliée historique de l'ancien régime» comme des «chiens lâchés».

Nous avons compris, à la rédaction de l'Opinion, que nous avons été indexés sans être nommés et que nos analyses sont un ingrédient de la psychose et des cauchemars qui meublent les nuits de certains. Si chiens nous sommes, nous sommes les chiens de garde de la démocratie, de la liberté de penser, de la tolérance. Autant de valeurs de la République qu'une prétendue révolution veut abolir au nom de l'alternance. Et si nous élevons la voix dans nos écrits, ce n'est pas par arrogance, c'est pour espérer nous faire entendre dans le brouhaha des intolérants qui hurlent «malheur aux vaincus».

Dans la République, le combat politique en démocratie, aussi âpre soit-il, ne doit pas se confondre à un champ de bataille où des ennemis s'exterminent pour qu'au finish, les vainqueurs imposent des lois d'airain en chape de plomb sur le droit d'expression des vaincus. N'est-ce pas ? Au demeurant, que des OSC se dénudent si totalement de leur objet pour jouer les bases sociales d'un pouvoir politique, c'est du jamais vu au Burkina. Encore que cet activisme politique n'est pas pour les beaux yeux de la princesse Démocratie. Car on peut tout reprocher à Blaise COMPAORE sauf de n'avoir pas construit une démocratie pluraliste et républicaine. Non. L'activisme de ces soi-disant OSC est nourri de ressentiments personnels et politiciens. Les subsides financiers et matériels acquis avec le pouvoir de la Transition, font mousser le zèle d'apôtres de certains pour le gouvernement en place. Ils sont alors préoccupés par le comment conserver ces avantages après la Transition. Alors par des contorsions intellectualistes, ils travaillent à convaincre l'opinion publique nationale et internationale que les leaders de l'ancienne majorité doivent être exclus du jeu politique. Objectif inavoué, mettre hors d'état de compétition électorale des adversaires redoutables et redoutés.

La manœuvre pour exclure les partis de l'ex-majorité est cousue de fil blanc.

Pourquoi les OSC qui jouent les supplétifs de la base sociale du pouvoir de Transition invoquent abusivement la charte africaine de la démocratie et de la gouvernance et même la constitution burkinabè pour qualifier de «crime politique» la position défendue par les partis de l'ex majorité à propos de la révision de l'article 37 de la constitution ? Réponse, de connivence avec leurs maîtres à pensée politique, elles usent d'une béquille juridique pour soutenir une grosse manœuvre politique. Celle de l'exclusion des ténors de l'ex-majorité du jeu politique. Elles ont beau proclamer que «la compétition de tous les partis politiques aux élections est une exigence démocratique», elles préparent les esprits à faire passer au CNT, des lois scélérates qui en excluent le CDP et les partis alliés. En effet, si les ténors, les leaders les plus en vue de ces partis sont exclus de la compétition électorale, que peuvent faire les militants de base laissés à eux seuls? C'est connu, un train sans locomotive n'en est plus un. Il est condamné à l'immobilisme et n'est plus utile. Un parti politique sans leaders qui soient électeurs et éligibles est aussi condamné à l'immobilisme et par ce fait est exclu du jeu politique. Exclure sans donner l'impression d'exclure l'ex-majorité, c'est le pari risqué, la gymnastique juridique à laquelle se livrent les vainqueurs de «l'insurrection populaire» pour rester seuls maîtres à bord de la scène politique nationale.

Mais la manœuvre est cousue de fil blanc car les arguments de «crime politique», «d'atteinte à la constitution» ne peuvent prospérer. En effet, il faut le rappeler, l'article 37 n'étant pas inscrit parmi les dispositions non révisables de la constitution évoquées à l'article 165, il pouvait être révisé sans que cela ne soit une atteinte à la constitution. On se souvient par ailleurs que le gouvernement avait fondé la légalité de sa démarche de révision sur les dispositions pertinentes du titre XV de la constitution. On cherche donc vainement en quoi la procédure portait atteinte à la loi fondamentale pour que l'on évoque aujourd'hui contre les tenants de l'ancienne majorité son article 166.
Quant à la violation de la charte africaine de la démocratie et de la gouvernance, si les contempteurs de l'ex-majorité en sont si convaincus, qu'ils s'en réfèrent aux juridictions compétentes de l'Union africaine qui trancheront. Au lieu de cette démarche qui aura le mérite d'être impartiale, les OSC signataires de la déclaration du 18 février s'affichent juges et parties et mènent ouvertement la campagne de l'exclusion politique de l'ex-majorité. Intolérance politique quand tu nous tiens!

Djibril Touré

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