Si l'on devait établir un sondage d'opinion objectif, les autorités de la Transition se rendraient compte de leur degré d'impopularité. Ce sont des personnes qui n'ont jamais manifesté leur opposition face à la volonté manifeste de Blaise Compaoré de se maintenir au pouvoir qui se sont retrouvées, par le fait du hasard, ministres, députés, directeurs généraux, etc. Ils n'avaient jamais rêvé, un jour, d'occuper un poste de responsabilité de haut niveau. Ils sont arrivés au pouvoir sans une vision, un objectif, un programme.
Pourtant, d'autres Burkinabè ont été tués pour que la situation change. On a l'impression que les dirigeants de la Transition ne pensent qu'à eux-mêmes. Sinon, comment comprendre que dans le gouvernement, au Conseil national de la Transition (CNT), au niveau des postes nominatifs, dans la composition de la Commission nationale de la réconciliation, aucun quota n'ait été fixé pour les familles des victimes? On y envoie des soi-disant représentants de la société civile. Si le peuple avait dû compter sur les organisations de base ou la propre personne de ces «représentants», Blaise Compaoré serait resté au pouvoir au Burkina Faso jusqu'en 2030, avant de passer son fauteuil à Djamila.
Le gouvernement se contente de visiter les familles de ces victimes avec des enveloppes dont le montant ne dépasse pas une simple indemnité d'un membre du gouvernement. Ces martyrs sont-ils morts pour rien? On attend de voir ces visages «hypocrites» le jour de la cérémonie d'hommage à ces martyrs.
La Transition présente un visage autre que celui que les Burkinabè attendaient. Le favoritisme semble devenu un sport quotidien au Burkina Faso. Il prend une ampleur plus négative que sous Compaoré. A côté du président de la Transition, des ministres du gouvernement, du président du CNT pullulent des «conseillers occultes». Quels rôles jouent ces conseillers alors qu'une pléthore de personnes ont été nommées conseillers techniques, chargés de mission, inspecteurs techniques, pour des tâches bien précises? Les choses se passent comme sous le règne Compaoré, où des personnes extérieures étaient plus influentes auprès du ministre que le Secrétaire général par exemple. Du simple copié-collé.
Se taire sans dénoncer, c'est faire preuve d'une complicité, parce que ces personnes gaspillent les ressources publiques que tous les Burkinabè s'efforcent à cotiser à travers les impôts et taxes. A travers ces conseillers occultes, des personnes très proches de l'ancien régime, des opérateurs économiques surtout, sont reçus. Ils en ressortent confiants. Que peut bien rechercher un opérateur économique dans le bureau d'un décideur?
Sous la Transition, on assiste à la naissance d'une nouvelle race de fournisseurs de biens et de services publics. Profitant de leur présence dans les sphères de décision, certains dirigeants sous la Transition se sont lancés dans la chasse aux marchés publics. Ces marchés, surtout dans le domaine de la restauration, des fournitures de bureau, sont attribués à des proches ou à des entreprises prête-noms créées pour la circonstance. La question fondamentale que l'on doit se poser est de savoir si cette Transition peut lutter contre l'enrichissement illicite, d'autant plus que les membres du gouvernement semblent avoir fait preuve de mauvaise foi dans la déclaration de leurs biens, tombant sous le coup du délit d'apparence? Elle donne un mauvais exemple aux prochains dirigeants élus qui risquent de perpétuer leurs mauvaises habitudes. Ils diront: «De toute façon, sous la Transition on faisait ainsi.»
On comprend aisément la course aux nominations «contestées» dès les premiers moments de la Transition. Ce n'était pas pour mieux servir mais pour mieux se servir.
Sous la Transition, on a parlé d'austérité. Cependant, qu'est-ce que l'on constate? Si le budget des investissements a été revu à la baisse pour ne tenir compte que des possibilités de recettes à mobiliser, les dépenses en personnels sont restées en l'état. Pourtant, cette rubrique pouvait être revue à la baisse, si les membres du gouvernement, les présidents d'institution acceptaient de réduire leurs avantages. Que le président de la Transition, le Premier ministre, le président du CNT et tous ceux qui en bénéficient dévoilent combien de nos francs ils ont empochés au titre des fonds de souveraineté communément appelés «caisses noires».
A propos des missions à l'intérieur du pays, combien de ministres, prêcheurs d'austérité, acceptent de reverser au trésor public leurs frais de mission? Pour plus d'austérité, la revue à la baisse des frais de mission à l'extérieur de ces dirigeants de la Transition est fortement recommandée, parce que les montants sont élevés et le nombre de jours aussi. Ce sera un bon exemple pour les petits agents dont la plupart crient à l'injustice.
Enfin, sous cette Transition, la justice reste le point faible. Rien n'a changé de ce côté, obligeant un gendarme à dénoncer le fait que les bandits qu'ils arrêtent au risque de leur vie retrouvent la liberté dès leur incarcération. Comment tout un procureur du Faso peut-il poursuivre un ministre pour des actes commis en tant que ministre devant les juridictions de droit commun? Si ce ne sont pas des règlements de comptes, c'est juste donner l'impression à l'opinion que l'on travaille. Il est bon de procéder à des arrestations spectaculaires, mais le minimum est de suivre les procédures en la matière. Cette Transition déçoit. La tolérance du peuple ne signifie pas son indifférence. Demandez conseil à Blaise et François Compaoré, chers apprentis dirigeants.
Djénéba Sangaré