Dépêchés à Ouagadougou le 5 novembre dernier, dare dare par la CEDEAO, à la veille d'un sommet qui sera consacré en partie au pays des hommes intègres, trois chefs d'Etat, en l'occurrence Goodluck Jonathan, John Dramani et Macky Sall ont ahané de concert avec les protagonistes burkinabè, pour s'accorder sur un nom. En vain ! Et pourtant ils auront essayé : que chaque composante propose une short list pour qu'on fasse ensuite, le tamis. La société civile s'est pliée à cet exercice, en proposant ses «candidats». Mais, il y a eu un hic, car ceux qui vraiment avaient le profil de l'emploi n'ont pas voulu figurer sur cette liste. Ainsi, en est-il par exemple du Professeur Luc Marius Ibriga, constitutionnaliste de son état, qui a décliné l'offre, préférant participer activement à la rédaction de la charte devant régir cette transition civile.
Certains ont donc proposé qu'on aille encore à la pêche de noms, surtout que celui qui est premier sur cette liste de la société civile, Mgr Paul Ouédraogo, lui aussi semble confronté à un écueil : sa hiérarchie a fait savoir que le maximum de temps qu'on peut accorder à un prélat, pour une activité, même de portée nationale, est de 3 mois. La transition est de 12 mois.
Du côté de l'opposition, c'est une feuille blanche qui a été rendue aux 3 missi dominici de la CEDEAO. Est-ce par manque de candidatures au CV bien étoffé ? Que nenni. Ici, le problème est tout autre. Evidemment, chaque leader a la présidentielle de 2015 en ligne de mire, et ne compte donc, pas perdre son temps avec cette «petite présidence éphémère de 12 mois». Ensuite, il y a mieux ou pire, c'est selon. Car il s'en trouve qui sont intéressés, mais se heurtent, semble-t-il, au refus des autres leaders de cette nième opposition. Nous voilà bien loin, de cette cohésion affichée autour du «Tout sauf Blaise» qui a servi de mot d'ordre à cette opposition.
Désormais, les agendas de chaque formation politique pour ne pas dire ceux individuels commencent à poindre. Un seul aurait fait l'unanimité : Arba Diallo, qui a été rappelé à Dieu, un mois avant la révolution autonnière burkinabè. Lui conserve son aurapost mortem pour avoir donné il y a 3 mois, un carton rouge à Blaise, lors d'un jamborée politique. Comme quoi, nul n'est indispensable, mais un pays peut à un instant «T», être orphelin d'une personnalité.
A cette quête inlassable de l'homme qui incarnera les espoirs d'un passage à l'Etat de droit, s'ajoutent les palabres autour de la charte devant servir de feuille de route à la transition.
En effet, si l'avant-projet de charte proposé par la société civile, l'opposition et les religieux reçoit le feu vert des militaires, il reste donc à désigner rapidement l'homme chargé de mettre cette mouture en branle. Son portrait robot est tout craché :
- il doit être consensuel et de bonne moralité ;
- avoir du charisme et jouir d'une notoriété nationale ;
- une aptitude à diriger une nation et à travailler sous pression, c'est-à-dire à bosser le feu aux fesses en temps de crise, ainsi que la défense des intérêts de la Nation chevillés au corps ;
- neutralité et objectivité doivent l'animer lors des législatives et de la présidentielle ;
- enfin, il doit être connecté à l'international ;
- n'avoir pas eu trop d'accointance avec le régime déchu. Mais s'il est si difficile de mettre le grappin sur celui qui va conduire la transition civile, c'est aussi dûà l'immensité de la tâche qui lui sera dévolue, eu égard aux problèmes qu'a laissés le chef de l'Etat démissionnaire.
En effet, la chape de plomb a sauté au Burkina, avec la chute de Blaise Compaoré, et même président intérimaire, «l'élu»aura durant les 12 mois, à gérer des dossiers corsés, legs du régime déchu, en attendant le président en exercice de 2015.
D'une part donc, la société civile a des appréhensions pour donner un blanc-seing à l'un des siens de peur qu'elle ne porte le chapeau, si d'aventure, la transition échouait. D'autre part, Blaise déchu, la confiance entre certains acteurs du marigot politique est partie en vrille. Or, chacun sait que la présidentielle de 2015 se prépare peu ou prou avec cette transition civile. Boiteuse, elle impactera négativement le cours des prochains événements politiques. Réussie, c'est la démocratie qui en sortira requinquée, surtout après cette magistrale leçon politique donnée au monde entier.
Si ce lundi 10 novembre, tous les protagonistes s'accordaient sur ce l'avant-projet de charte, et que la troika (UA, CEDEAO et Nations Unies) donnerait son ok, la seule alternative crédible et qui pourrait recueillir l'assentiment de tous, reste en dernier ressort, l'Eglise. Mgr Paul Ouédraogo, l'archevêque de Bobo, pourrait efficacement remplir ce sacerdoce, quitte à ce que l'Etat burkinabè adresse une sollicitude au représentant de Saint Pierre à Rome. De toute façon, l'Eglise a toujours été une observatrice avertie des arcanes politiques, et n'hésite pas à donner son avis en matière de conduite des affaires de la Nation. Et il est de bon ton que le pouvoir spirituel vienne à la rescousse du pouvoir temporel, quand on sait que sa Sainteté le Pape lui-même, est un acteur géopolitique, ses propos que ce soit lors d'une messe ou d'une encyclique, pouvant apaiser ou enflammer le monde.
Le temps presse, et la bienveillance inédite (lire page 2) de la communauté internationale face à ce pouvoir, issu d'unputsch light, ne saurait durer indéfiniment. Les principes face à tout pouvoir non constitutionnel sont assez clairs, et le pare-feu que constitue la CEDEAO pourrait ne pas tenir longtemps, si le Burkina n'obtempère pas dans les délais raisonnables, en mettant le pouvoir civil en selle. Quel homme idoine pour cette transition burkinabè ? Même s'il faut remuer ciel et terre, l'identité de cet oiseau rare devra être impérativement connue.
Zowenmanogo ZOUNGRANA