Transition au Burkina : Quand les bourreaux veulent s’asseoir à la même table que leurs victimes

| 07.11.2014
Réagir
Transition au Burkina : Quand les bourreaux veulent s’asseoir à la même table que leurs victimes
© DR / Autre Presse
Transition au Burkina : Quand les bourreaux veulent s’asseoir à la même table que leurs victimes
On a frôlé le pire. C'est le moins que l'on puisse dire avec ce qui s'est passé le 5 novembre dernier à l'hôtel Laïco où les émissaires de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), à savoir John Dramani Mahama du Ghana, Goodluck Jonathan du Nigeria et Macky Sall du Sénégal, ont reçu, tour à tour, les différentes composantes de la nation burkinabè. En effet, quelle ne fut pas la surprise des représentants de l'opposition politique et des organisations de la société civile quand, entre-temps, elles ont vu prendre place autour de la même table, une délégation de ceux-là qui, il y a une semaine seulement, étaient de la majorité présidentielle parce qu'élus démocratiquement ? Il n'en fallait pas plus pour provoquer l'ire de l'opposition politique et des organisations de la société civile qui, illico presto, ont demandé aux missi dominici de la CEDEAO de prendre leurs responsabilités, faute de quoi, les concertations tourneraient court. Ce qui fut fait, puisque les représentants de l'ex-majorité ont été sommés de quitter les lieux, au risque de s'exposer à la vindicte du peuple burkinabè qui en a toujours gros sur le cœur. En pareilles situations, il n'y a qu'une seule option qui s'offre aux personnes concernées, qui consiste à se soumettre à la volonté de leurs vis-à-vis, la peur ayant complètement changé de camp.


Toutefois, on est tenté de croire que si les bonzes de l'ex-majorité présidentielle ont pu s'afficher publiquement et se fendre régulièrement de communiqués jugés provocateurs par bien des Burkinabè, c'est qu'ils ont reçu une certaine assurance. De la part de qui ? On ne saurait le dire. Toujours est-il qu'il y a quelque chose d'indécent dans l'attitude de ceshas been. Comment au moment où les cadavres sont encore frais et les décombres toujours fumants, des bourreaux peuvent-ils pousser l'outrecuidance au point de vouloir partager la même table que leurs victimes ? Cela est inadmissible et inconcevable quand on sait que cette tragi-comédie se joue quelques heures seulement après la chute d'un régime qui était loin d'imaginer qu'il allait s'effondrer un jour comme un château de cartes. Il y a donc lieu que l'ex-majorité fasse profil bas, pour ne pas raviver les tensions et s'attirer davantage la furie d'un peuple qui n'entend plus se laisser conter fleurette.

Il ne faut pas donner la communion à des gens qui n'ont pas encore fait leur confession

Certes, en demandant pardon au peuple burkinabè pour les erreurs commises, l'ex-majorité reconnaît sa responsabilité (est-elle sincère ?) dans ce qui est arrivé au Burkina, mais elle doit comprendre qu'on ne peut pas se relever d'un rejet populaire comme si l'on se relevait d'une maladie où généralement on bénéficie de plus d'empathie.

D'ailleurs, pour quelle raison le CDP et compagnie tiennent-ils à participer à un gouvernement de transition après la sévère sanction populaire infligée à leur champion ? Au nom de quoi, le CDP qui a été vomi par le peuple va-t-il se permettre de proposer des noms pour le choix d'un président de transition ? Si ce n'est une tentative de récupération de la révolution, ça y ressemble fort ; d'où la nécessité pour l'opposition politique et la société civile de se montrer très vigilantes. Car, on le sait, quand l'on ne parvient pas à entrer dans une maison par la porte, on tente par tous les moyens d' y pénétrer, même par la fenêtre. Cela dit, il ne faut pas, dans le contexte actuel du Burkina, se permettre de donner la communion à des gens qui n'ont pas encore fait leur confession. Demander pardon est un acte de contrition qui se distingue de la confession qui est un acte de foi où le pécheur reconnaît lui-même avoir fait ceci ou cela. On attend donc de l'ex-majorité qu'elle reconnaisse avoir brûlé le Burkina et tué des dizaines de Burkinabè.

Boundi OUOBA

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité