Suspension CDP, ADF/RDA et FEDAP-BC : A quoi joue le pouvoir de la transition ?

| 16.12.2014
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Suspension CDP, ADF/RDA et FEDAP-BC : A quoi joue le pouvoir de la transition ?
© DR / Autre Presse
Suspension CDP, ADF/RDA et FEDAP-BC : A quoi joue le pouvoir de la transition ?
La nouvelle est tombée drue comme des hallebardes en plein hivernage : le CDP, parti majoritaire sous le régime de Blaise Compaoré, l'ADF/RDA, formation supportant le même pouvoir et la FEDAP-BC, association hybride mi-politique, mi-associative, sont suspendus par arrêté du ministère de tutelle, celui de l'administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité.

 

Les raisons de cet oukaze sont entre autres, que les activités de ces deux partis jurent d'avec l'article 30 de la loi portant charte des partis et formations politiques au Burkina Faso. Ledit article stupile que : «En cas de violation des lois et règlements de la République par un parti ou une formation politique et en cas d'urgence ou de trouble à l'ordre public, le ministre chargé des libertés publiques peut prendre un arrêté de suspension de toutes les activités du parti concerné et ordonner la fermeture de son siège».

Quant à la FEDAP/BC, c'est en s'appuyant sur la loi 10-92/ADP du 15/12/1992 portant liberté d'association que le ministère l'a suspendue, puisque les activités de ladite FEDAP/BC étaient en porte-à-faux avec la loi régissant les associations.

Pour une surprise, c'en est une, car d'abord, dans les premières déclarations, notamment lorsque le Burkina se cherchait un président civil de transition, le lt-cl Isaac Zida, alors chef de l'Etat, avait déclaré qu'on ne pouvait pas mener cette transition en laissant certains fils de côté. Comprendre : toutes les formations politiques, y compris le CDP, l'ADF/RDA et les autres "mouvanciers" c'est-à-dire ceux qui étaient de la majorité présidentielle seront prises en compte dans ce nouveau paysage politique.

Mieux dans le gouvernement de transition, le CDP y est représenté, même si ce n'est pas des visages connus du grand public.

Même constat pour l'ADF/RDA qui, pas plus tard que la semaine dernière, "a battu sa trompe", en demandant pardon bruyamment au peuple burkinabè pour ses errements, entendez- pour sa prise de position, lorsqu'il était question de voter le projet de la loi sur l'article 37.

En attendant que le ministre Auguste Denise Barry, revienne de Dakar où il prend part au sommet sur la sécurité, pour donner de plus amples lectures officielles sur cette décision lourde de conséquences, on ne peut que se perdre en conjectures.

Trois lectures se dégagent de cette suspension :

Primo : les autorités de transition ont eu vent d'activités et d'actes des deux partis tendant à saboter la transition en cours et ont pris les devants. Déjà, la garde prolongée à la gendarmerie du patron du CDP, Assimi Kouanda, et celui de la FEDAP/BC, n'était pas anodine, et il serait question d'actes séditieux que les deux préparaient pour réagir à l'après- insurrection des 30 et 31 octobre 2014. Peu probable, vu que déjà avant ces événements, le CDP était l'ombre de lui-même, ahanant à mobiliser ses ouailles, les stades qu'il remplissait l'étant à coup d'espèces sonnantes et trébuchantes distribuées à tire-larigot. Un tel parti qui cherche ses nouvelles marques constitue-t-il un danger, à telle enseigne qu'il faille le suspendre ? A moins qu'on ne prête foi à ceux qui avancent que le retour de Blaise à Yamoussoukro, le 12 décembre dernier, aurait pour but de «déranger» les autorités actuelles.

L'ombre de Blaise serait-elle derrière cette mise momentanée sous éteignoir du CDP ? Difficile d'y repondre de façon tranchée.

Quant à l'ADF, son président Me Gilbert Noël, aux abonnés absents depuis l'autodafé de l'Assemblée nationale le 30 octobre, n'est pas encore remise de ses émotions, et ne sait pas comment son retour sera accueilli. Déjà que se sussurait son remplacement à la tête de "l'éléphant".

Deuzio : le pouvoir actuel ne veut pas d'activités du CDP et de l'ADF/RDA mesures visant à permettre aux autres partis de mener déjà leur précampagne et même leur campagne électorale, si d'aventure cette suspension courrait jusqu'aux élections de 2015. En clair qu'ils soient absents du paysage politique en 2015.

Tertio : c'est carrément un message fort à ces partis pour leur signifier soit de se saborder dans d'autres partis, soit de créer de nouvelles formations, une mort programmée. Quant à la FEDAP/BC, étant rattachée à la personne de Blaise, elle vivotait, il se pourrait qu'à la longue, elle se fonde dans le CDP.

Toujours est-il que si cette suspension est définitive, elle est nocive à notre démocratie, car la pluralité des partis est une des marques de ce mode de gouvernement. Ostraciser des partis politiques pour des raisons politiques ( ?) revient donc à ne pas jouer la démocratie à fond.

Elle pourrait aussi impacter négativement sur la réconciliation, si elle est définitive. Car on ne peut prôner cette paix des cœurs, (même s'il est vrai que certains du CDP n'ont pas été des colombes, mais des boutefeux) en excluant une partie du peuple. Le CDP et dans une moindre mesure l'ADF/RDA ont perdu le pouvoir, mais sont toujours présents, ils ont des militants sincères et ces derniers se sentiront floués de leurs idéaux, si on dissolvait leur parti.

Joachim de Kaibo

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